Agefi Suisse

Affaire Condamin-Gerbier : La liste de politiciens français détenant des comptes et fonds non déclarés en Suisse n’existait pas !

Affaire Condamin-Gerbier :  La liste de politiciens français détenant des comptes et fonds non déclarés en Suisse n’existait pas !

L’avocat de Pierre Condamin-Gerbier confirme et donne des nouvelles de son client. 

Entretien Agefi Suisse  avec l’avocat Edmond de Braun à Lausanne. Défenseur du whistleblower incarcéré à Berne. Interview: Sébastien Ruche

  

Comment êtes-vous devenu l’avocat de Pierre Condamin-Gerbier? 

J’ai été désigné avocat de la première heure, dans l’urgence, la nuit de son arrestation, le 5 juillet, selon la procédure ordinaire. A la demande de l’intéressé, qui n’avait pas d’avocat malgré les circonstances, faute de moyens probablement. Mon client a ensuite choisi de continuer d’utiliser mes services, mais je suis payé sous le régime des avocats commis d’office. 

Comment se fait-il que vous ayez été commis d’office. Vous avez une expérience particulière de ce genre de dossier? 

J’ai des expériences dans le domaine financier et bancaire, mais je ne suis pas spécialisé. Dans le canton de Vaud, les avocats se relaient pour assurer des permanences. J’étais de piquet cette nuit-là. 

Pierre Condamin-Gerbier a été arrêté chez lui? 

Non, lors d’une promenade en solitaire au bord du lac. La perquisition à son domicile a ensuite été immédiate. 

Il ne s’y attendait pas? 

Apparemment non. Mon client n’avait pas du tout l’impression d’avoir commis des actes justifiant une enquête pénale et une arrestation. Ses interlocuteurs français lui ont assuré qu’il ne risquait rien en témoignant devant une commission d’enquête parlementaire. Mon client a aujourd’hui le sentiment d’avoir été floué, par les médias et par certaines autorités. On lui avait assuré que son témoignage devant le Sénat serait à usage interne. Or il a été révélé au public. Mon client se sent pris au milieu de tensions entre la Suisse et la France. Ses énormes maladresses font qu’il paie les pots cassés. Cette affaire est fondamentalement politique. De toute manière, Pierre Condamin-Gerbier est rentré en Suisse parce que c’est ici que se trouvent tous ses liens familiaux et économiques. 

Il n’a pas l’impression d’avoir «trahi» la Suisse, son pays d’accueil, comme des messages de voisinage le lui ont signifié?… 

Non, pas du tout. 

Pourquoi n’a-t-il pas demandé l’assistance de la France? 

Il n’en a pas ressenti le besoin. Il ne tient pas à envenimer les choses. 

Comment vit-il sa détention? 

Mal, comme vous pouvez l’imaginer. Mon client est détenu dans une cellule minuscule à Berne. Il est seul, au secret, ne peut prendre l’air qu’une heure par jour sous surveillance. Jusqu’ici son épouse et son enfant l’ont vu rarement, sous surveillance également. A partir de la semaine prochaine heureusement, la visite deviendra hebdomadaire. Son moral s’est beaucoup amélioré par rapport à ce qu’il était après son arrestation. Il pensait qu’il allait être libéré le jour même… Son épouse est très attentive et active, c’est un soutien important pour lui. 

Il ne parle pas l’allemand. Ce n’est pas vraiment un problème, ses interlocuteurs lui parlent en français. 

Quel genre de contacts avez-vous avec lui? 

Je le vois régulièrement dans le cadre de l’instruction. La cellule est à quelques minutes des locaux du Ministère public, où mon client est amené par véhicule. Il s’explique de manière très précise et répond très bien aux questions. 

Reçoit-il des soins, un soutien médical ou psychologique particulier? 

Non. 

Sa remise en liberté a été refusée par décision du 6 août. Allez-vous déposer une nouvelle demande de libération? 

Pas dans l’immédiat. Nous avons dans un premier temps fait recours contre la décision de l’incarcérer sans limite de temps, recours qui a effectivement été rejeté le 6 août. Nous avions prévu de déposer une nouvelle demande de remise en liberté dans les deux semaines, mais nous avons décidé d’attendre. 

Combien de temps pensez-vous qu’il restera en détention? 

Au plus tard jusqu’aux commissions rogatoires entre Suisse et France. Le problème est que la constitution de ces commissions rogatoires internationales, vu les relations entre la Suisse et la France, peuvent prendre beaucoup de temps. De toute manière, au-delà de trois mois, la détention deviendra excessive. Si le délit d’espionnage économique est retenu, il risque au plus trois ans de prison, et au minimum un an si les faits sont considérés comme graves. Il ne recevra peut-être pas une peine ferme et pourrait bénéficier de la liberté provisoire. L’enquête doit se dérouler le plus rapidement possible, car plus elle durera et plus le risque de collusion diminuera. 

Mais il n’est pas remis en liberté aussi à cause du risque de fuite, pour éviter un nouveau scénario Falciani. 

Falciani a dérobé des milliers de noms et aurait été grassement payé, alors que mon client fait l’objet de saisies et n’a jamais rien reçu. Mon client n’a de toute évidence aucune intention de quitter la Suisse. Nous avons proposé des mesures de substitution, une liberté sous surveillance, mais elles ont été refusées.

 Comment se déroule l’instruction? Où en est-elle? 

J’ai convenu avec le Ministère public et la partie adverse (la banque Reyl à Genève, qui a déposé une plainte pénale, ndlr) que nous n’allions pas communiquer à ce sujet. Je vous renvoie à l’information diffusée le 8 août par le Tribunal pénal fédéral et qui figure sur son site web. 

Est-il facile de défendre quelqu’un qui a beaucoup menti, donnant même l’impression d’être un véritable mythomane? 

A-t-il vraiment menti? Dans une procédure de cette importance, des propos peuvent se révéler inexacts. Il peut y avoir des oublis ou des imprécisions, mais je ne suis pas persuadé qu’il a menti. 

Il a tout de même affirmé à la commission d’enquête parlementaire française détenir une liste de noms d’hommes politiques ayant des comptes en Suisse. Or cette liste n’existe pas, de toute évidence. 

C’est exact, cette liste n’a jamais existé. Il a utilisé cet argument pour faire taire les menaces dont il a fait l’objet à l’époque. Cet argument a été formulé dans des circonstances particulières dont je ne peux vous parler, parce qu’elles sont couvertes par le secret de l’instruction. Mais mon client reconnaît maintenant que c’était un moyen de pression très maladroit. 

Donc la tierce personne à qui il affirmait avoir confié cette liste n’existe pas non plus? 

Probablement pas. Ceci dit, je pense que beaucoup d’autres gens ont violé le secret économique dans cette affaire. Ceux qui ont fait des recherches, mais aussi les principaux acteurs, comme l’ancien ministre Cahuzac. J’ai d’ailleurs demandé l’ouverture d’une enquête contre Jérôme Cahuzac et les enquêteurs français, car ils ont cherché à obtenir des renseignements en Suisse. 

De quelles menaces votre client a-t-il fait l’objet? 

De menaces téléphoniques anonymes et de messages laissés par ses voisins, lui conseillant de partir. On a ensuite vu la campagne de dénigrement dans la presse, avec des articles présentant les employés français comme paresseux et arrogants. 

Alors comment expliquez-vous que votre client ait eu ces comportements? Vous a-t-il parlé de ses motivations? 

On a du mal à comprendre l’évolution de ses propos. Dans un premier temps, il a soutenu qu’il ne savait rien, puis a fini par évoquer une liste de noms. 

Toute cette histoire a commencé avec un article publié dans Le Monde, que mon client juge diffamatoire. Il a voulu rectifier dans d’autres médias ce qui était écrit sur lui, et s’est perdu dans cette démarche sans issue. C’est la pire chose qu’il pouvait faire. Par ailleurs, il n’a fait que répondre à la convocation des enquêteurs français et apporter des éclairages sur les mécanismes de fraude fiscale devant la commission d’enquête parlementaire. 

En début d’année, Pierre Condamin-Gerbier a affirmé n’être que l’une des nombreuses personnes interrogées par les enquêteurs français. Connaissez-vous l’identité des autres témoins? 

Je n’ai jamais entendu parler d’autres personnes et j’ai participé à toutes les auditions qui ont eu lieu après son arrestation. 

Selon la presse française, il aurait affirmé aux enquêteurs français que Laurent Fabius détenait un compte en Suisse, en précisant le nom de la banque, et qu’il n’avait aucune preuve. Des déclarations aussi peu fondées ne pouvaient que lui créer des problèmes. S’il n’a fait que relayer une rumeur, mon client n’a pas violé de secret.

 Source AGEFI SUISSE Vendredi 16 Aout2013

http://agefi.com/une/detail/archive/2013/august/artikel/-mon-client-vit-tres-mal-sa-detention.html

Revue de presse en France

http://lci.tf1.fr/france/societe/affaire-cahuzac-la-liste-de-politiciens-fraudeurs-en-suisse-8248459.html


En savoir plus sur Le blog A Lupus un regard hagard sur Lécocomics et ses finances

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

3 réponses »

Laisser un commentaire