Membre de l’Académie Royale de Belgique, Bruno Colmant est un universitaire et un homme d’affaire belge né le 24 juillet 1961.Il est docteur en économie appliquée (2000) et ingénieur commercial (1984) de l’Université libre de Bruxelles, maître en sciences fiscales (1995) et titulaire d’un Master of Business Administration (1989)de l’Université Purdue (Krannert School of Management, dans l’Indiana, aux États-Unis). Après une carrière essentiellement effectuée dans le groupe ING, au sein duquel il devient administrateur délégué d’ING Luxembourg et administrateur délégué d’ING Belgique et directeur financier, il est nommé directeur de cabinet du ministre des Finances et Vice-Premier Ministre belge, Didier Reynders. En 2007, il est nommé président de la Bourse de Bruxelles et membre du comité de direction de NYSE Euronext.
Chroniqueur scientifique dans la presse belge depuis 1994, il est l’auteur ou le co-auteur de plus de 25 ouvrages financiers et de très nombreux articles scientifiques. Il est titulaire d’une vingtaine de certifications professionnelles dans le domaine de la finance, e la comptabilité et de la fiscalité, notamment américaines : CFA, CISA, CIA, etc.
Voici le 1er billet d’une série qui lui sera désormais consacrée
Bruno Colmant revient ici sur la notion de juste valeur, notion à laquelle je suis plutôt attaché mème avec les amènagements necessaires et sujet sur lequel je me sens plutôt en désaccord avec Charles Gave :
http://leblogalupus.com/2009/06/20/charles-gave-faut-il-tuer-les-banques/
En complément j’ai ajouté toute une série d’articles traitant de la question
PLUS DE DETAILS EN SUIVANT :
Krach boursier et règles comptables |
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Par Bruno Colmant Au paroxysme de la crise des subprimes, des voix se sont élevées pour contester l’application des normes comptables IAS/IFRS aux entreprises financières. Ces normes, d’application depuis 2005, prescrivent de valoriser certains instruments financiers à leur juste valeur, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, à leur valeur de marché. L’application de cette règle entraîne la reconnaissance en compte de résultats des bénéfices et des pertes latents (non réalisés). En d’autres termes, la règle de la juste valeur conduit à comptabiliser des bénéfices et pertes résultant des changements de valeur des instruments financiers, indépendamment du fait qu’ils soient, ou non, vendus par les entreprises concernées. Récemment, la Securities and Exchange Commission a, dans son rapport de décembre 2008 “Report and Recommendations Pursuant to Section 133 of the Emergency Economic Stabilization Act of 2008: Study on Mark-To-Market Accounting” exonéré la règle de la juste valeur comme une des causes de la crise. Il n’empêche: des questions restent posées. En réalité, la crise des subprimes aura testé deux dispositifs financiers applicables aux établissements bancaires européens: les normes IAS/IFRS et les accords de Bâle. A première vue, ces deux dispositifs sont antagonistes car les normes IAS/IFRS s’adressent principalement aux actionnaires, tandis que les accords de Bâle visent à protéger les déposants. Pourtant, il y a un point commun et focal entre ces deux contraintes, à savoir la mesure des fonds propres: les normes IAS/IFRS visent à mesurer dynamiquement les fonds propres comptables et les accords de Bâle exigent qu’ils soient suffisants. Les deux référentiels sont d’ailleurs intimement liés: si un établissement de crédit subit une perte importante, cela diminue ses fonds propres (selon les normes IAS/IFRS) et contracte mécaniquement le volume des crédits qu’elle peut octroyer (selon les accords de Bâle). Faute d’alléger ses encours de crédits, la banque affectée n’a d’autre choix que de procéder à une recapitalisation. Ceci étant, les frictions entre la comptabilité et la stabilité financière ne sont pas nouvelles. Dans ses fondements, la règle de la juste valeur n’est d’ailleurs plus contestée. Par contre, ce qui suscite un malaise, c’est son mode de détermination. Quand un instrument financier est négocié sur un marché, les normes IFRS postulent que la valeur de marché est supérieure à toute autre évaluation. Or, pendant la crise des subprimes, les marchés financiers ont subi un assèchement de liquidités, qui a parfois conduit à l’absence de prix de marché ou à des valeurs fortement décotées. Confrontées à cette situation, plusieurs entreprises financières ont dû reconnaître des pertes induites par ce manque de liquidités, dont elles ont blâmé les effets de volatilité. Les règles comptables auraient alors agi comme un phénomène physique de résonance, c’est-à-dire d’amplification. L’application de la juste valeur aux actifs illiquides est indéniablement une problématique très sérieuse. La difficulté, c’est que la comptabilité n’a d’autre but que de recenser et d’évaluer les actifs et passifs d’une entreprise. Dans cette perspective, elle se situe en aval de l’événement économique. Elle ne peut pas, en bonne logique, contribuer au résultat de l’entreprise qu’elle est censée évaluer. Ce n’est donc pas la comptabilité qui a entraîné des pertes, mais l’événement économique qu’elle est chargée de mesurer. A contrario, si cela avait été le cas, des règles comptables différentes auraient été capables de générer des gains, ce qui aurait également été en contradiction avec le rôle transcriptif de la comptabilité. Il y a d’ailleurs un phénomène qui confirme l’absence de rôle de la comptabilité en termes de création de valeur: l’introduction des normes IFRS n’a aucunement influencé la notation de crédit (ou, en d’autres termes, la mesure de la solvabilité) des sociétés cotées. C’est révélateur du fait que le cadre comptable n’a pas eu d’influence sur la réalité économique intrinsèque d’une entreprise. De surcroît, dans de nombreux cas, le manque de négociabilité des instruments financiers a été lié à leur complexité intrinsèque. Cette sophistication mathématique a conduit aux phénomènes d’illiquidité que la comptabilité a dû retranscrire. Et, à nouveau, il aurait été illogique de demander aux règles comptables de rectifier un déficit de liquidité entraîné par la complication des instruments financiers dont elle est censée mesurer, a posteriori, la valeur. Si les marchés financiers considèrent, dans leur globalité, qu’un actif doit être décoté, et que cette décote conduit à l’absence de prix de transactions acceptables, comment une entreprise pourrait-elle avancer qu’elle dispose d’un meilleur pouvoir d’évaluation, surtout si elle ne dispose pas des modèles adéquats? L’adaptation des règles comptables en cas de marché illiquide conduirait à substituer un risque de modèle à un risque de marché. C’est d’ailleurs la principale faiblesse d’une proposition rédigée par différents théoriciens comptables et qui préconise de basculer d’une évaluation à la juste valeur vers une évaluation sur base de modèles pendant les périodes de crise. A mon intuition, la crise est plutôt une crise de risques et de modélisations que de normes comptables. Dans ce type de scénario, comment savoir de manière irréfutable quand un actif devient illiquide? Et comment distinguer une décote d’illiquidité dans un prix de marché? Et puis, selon quelle méthode intégrer cette illiquidité dans un modèle, sauf à la nier ou à l’évaluer de manière forfaitaire, c’est-à-dire subjective? L’abandon de la juste valeur en cas de crise pourrait, au surplus, inquiéter les marchés financiers, au motif que les politiques d’évaluation des actifs financiers deviendraient occultes. Ces questions n’obtiennent pas de réponse définitive. Au-delà des critiques portant sur la juste valeur, la comptabilité cristallise un phénomène d’une immense envergure: la diffusion inéluctable du modèle anglo-saxon dans nos communautés. Le modèle économique anglo-saxon est ambivalent. Il attire par sa modernité et il déculpabilise l’individu par rapport à l’enrichissement personnel, mais, dans le même temps, il est effrayant et même suffocant. Dénué de mémoire, il ne s’accommode que de valeurs financières et de sciences exactes. Il ne tolère pas l’immobilisme et est aussi volatil que les cours de bourse qu’il anime. C’est aussi un modèle qui construit un rapport au temps différent, ce qui explique que nos sociétés, glissant d’un modèle à l’autre, vivent une profonde transition. Contrairement au modèle latin qui capitalise des sommes d’argent, le modèle anglo-saxon actualise des rendements futurs espérés. L’archétype anglo-saxon ne se démontre que par le futur, quel qu’il soit: il ne valorise les situations que par leur capacité à dégager une utilité financière dans l’avenir. Cette réalité atteint, à des degrés divers, tous les domaines de la vie des affaires: l’organisation des entreprises, le droit des contrats, les relations sociales, la fiscalité, etc. Dans le domaine comptable, les normes anglo-saxonnes IAS/IFRS s’assemblent inéluctablement pour atteindre leur objectif final, qui est d’améliorer l’efficience des marchés financiers en mesurant la création de valeur actionnariale. Cet objectif sera atteint par un déchiffrage complet de l’entreprise, en renfort d’une transparence exigée par la gouvernance d’entreprise. Ce référentiel entraîne une rupture de la logique comptable, puisqu’il abandonne un référentiel basé sur des coûts historiques (imaginé en 1978 en Europe) au profit d’une évaluation progressive des actifs et des passifs comptables à leur valeur de marché, avec leur corollaire de volatilité. Mais il ne faut pas s’y tromper: l’évaluation à la valeur de marché n’est pas une simple modalité technique. Dans les pays anglo-saxons, la comptabilité est destinée à fournir une information continue aux actionnaires. Dans cette perspective, l’évaluation comptable doit se calquer sur l’évolution de la valeur des biens, comme des cours de bourse. L’orientation actionnariale des normes IAS/IFRS interpelle donc les bases de notre métrique comptable. Si la comptabilité reflète le pouvoir exercé par un acteur dominant, c’est parce que le modèle actionnarial s’est imposé dans nos économies. Ces normes comptables s’inscrivent, en particulier, dans le sillage des exigences de gouvernance corporative, c’est-à-dire d’une séparation plus affirmée entre la propriété et le contrôle des entreprises. Et il ne faut jamais l’oublier: dans son acception anglo-saxonne, la gouvernance corporative vise à maximiser la valeur actionnariale de l’entreprise. D’où l’importance, pour les actionnaires, de disposer d’un maximum de transparence sur les informations économiques et financières des entreprises. Alors, en résumé, la comptabilité est-elle quand même coupable? S’il est une matière qui polarise la frustration boursière, c’est bien la comptabilité. A chaque rupture de marché (bulle Internet, débâcle d’Enron, crise des subprimes), elle est mise à l’index. Encore que ces critiques soient circonstancielles: il y a deux ans, la comptabilité était accusée d’alimenter la volatilité des marchés et les exigences des analystes financiers par des résultats en progression et publiés trop fréquemment. Aujourd’hui – et particulièrement dans le secteur bancaire – la comptabilité est, au contraire, suspectée d’excès de prudence… sans qu’on reconnaisse toutefois que la publication de résultats trimestriels a soulagé les investisseurs et discipliné la comptabilité des institutions financières. La cyclothymie des critiques démontre bien leur fragilité. Le débat n’est pas clos. Il ne le sera sans doute jamais. La variété des interprétations de l’exigence d’image fidèle souligne qu’au-delà de la similarité d’objectifs dans des protocoles comptables différents, la comptabilité est autant un système d’information qu’une pratique sociale. La vérité comptable n’est pas arithmétique, mais constitue une représentation conventionnelle, contingente à un contexte socio-économique ou à une réalité sectorielle, et donc un reflet imparfait du réel. Cette perspective renvoie indirectement à une autre constatation, à savoir que le résultat comptable a une valeur informative dépendante du niveau de maîtrise de la politique comptable de l’entreprise. La pertinence de la comptabilité est donc dissemblable pour ses différents lecteurs. Dès le moment où la comptabilité constitue le point focal de conflits d’intérêt, l’exigence d’une transparence consensuelle et uniforme, relève d’un objectif utopique. En effet, le partage de l’information financière et les conflits d’intérêt qui en découlent renvoient aux éventuelles asymétries d’information. Par ailleurs, la reddition des comptes de l’entreprise ramène à un rapport au temps, c’est-à-dire à l’intervalle de temps qui sépare la survenance d’un fait économique (et son inscription comptable initiale) et le moment auquel la valeur résiduelle de ce fait économique est calculée afin d’être restituée dans les comptes annuels. On retrouve, dans ce rapport au temps, la multiplicité des compréhensions comptables. En résumé, il n’y a pas de vérité transcendante en matière d’image fidèle, de même qu’il n’y a pas, dans l’absolu, une seule image fidèle à l’exclusion de toute autre. La notion d’image fidèle est indissociable d’un ensemble de règles et de conventions dont il est admis dans le corps social que c’est sur la base de telles règles et conventions que les comptes doivent être établis, lus et interprétés. |
EN COMPLEMENT :
Mark-to-Model
En août 2007, BNP Paribas avait surpris le monde financier en suspendant trois fonds monétaires en raison de l’« absence de prix de référence et une illiquidité quasi totale des actifs figurant dans les portefeuilles des fonds ». Le Mark-to-Market avait trouvé ses limites.
En l’absence de prix de marché, les émetteurs ont alors redécouvert les vertus du « Mark-to-Model ». Les actifs sont alors valorisés en fonction d’un modèle mathématique, alimentés à la fois par des données de marché et des données plus subjectives comme le risque de défaillance d’une entreprise émettrice. Le Mark-to-Model permet ainsi de fixer un prix en l’absence de marché, mais avec le risque que le modèle utilisé ou les hypothèses retenues soient erronés
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Le stress test des normes comptables européennes
La politique se mêle-t-elle de la bataille des normes comptables, qui fait rage depuis la crise financière ? Alors que les Etats-Unis ont fait évoluer leurs US GAAP en douceur sur la question controversée de la “juste valeur”, l’Europe a forcé l’IASB à réviser, avec effet rétroactif, ses règles de comptabilisation au prix du marché. Un test de résistance majeur pour la crédibilité des normes IFRS, qui pourrait tourner à l’avantage des Etats-Unis, estime l’économiste Nicolas Véron.
L’IASB (International Accounting Standards Board), dont émanent les normes comptables internationales IFRS (International Financial Reporting Standards), a fêté ses huit ans en avril (même si ses origines remontent à 1973). Peu d’entreprises utilisaient les IFRS avant leur application dans l’Union européenne à partir de 2005. La crise financière est le premier véritable test de cette expérience, sans précédent par bien des aspects, de politique économique menée à l’échelle mondiale.
Et quel test. Les normes comptables occupent les décideurs publics au plus haut niveau. Elles sont même citées par certains comme une cause de la crise. Accusée numéro un, la “juste valeur”, cette méthode de comptabilisation sur la base de prix de transactions observables ou, à défaut, de modèles d’évaluation. Les IFRS lui font une large place, comme d’ailleurs les normes américaines US GAAP (Generally Accepted Accounting Principles), avec des polémiques comparables des deux côtés de l’Atlantique.
Martin Sullivan, à l’époque patron de l’assureur AIG, avait appelé dès mars 2008 à suspendre la juste valeur. Cette revendication est encore portée par une grande partie du secteur bancaire américain comme par beaucoup de financiers européens, notamment français – même si les quelques analyses factuelles disponibles, comme celle publiée par la SEC (le régulateur boursier américain) en décembre, ne corroborent guère l’argumentaire sous-jacent.
En octobre 2008, l’Union européenne a obtenu de l’IASB qu’il révise avec effet rétroactif ses règles de classification, en permettant aux banques de comptabiliser moins d’actifs au prix du marché. À cette occasion, l’IASB a violé ses principes de consultation, et son président, David Tweedie, a failli démissionner au moment d’avaler la couleuvre. Mary Schapiro, la nouvelle présidente de la SEC, a cité ce manque de liberté vis-à-vis d’interférences politiques comme une raison pour repousser l’adoption des IFRS aux États-Unis. En 2003-2004, face à des pressions comparables sur la norme IAS 39 relative aux instruments financiers, sir Tweedie et ses collègues avaient refusé de bouger. En cédant cette fois-ci, l’IASB a mis en jeu sa crédibilité.
La normalisation comptable a toujours été un enjeu politique. En 1993-1994, le Congrès américain a contraint le FASB (Financial Accounting Standards Board), qui édicte les US GAAP, à abandonner une norme pourtant nécessaire sur les stock-options. Aujourd’hui, le Congrès, actionné par le secteur bancaire, fait pression pour adoucir l’impact de la juste valeur, ce que le FASB a accepté de faire à la marge début avril ; mais qu’il s’agisse du fond ou de la procédure, le recul n’est pas comparable à celui de l’IASB six mois avant. Outre-Atlantique, la SEC joue vis-à-vis du FASB un rôle clé de garant. Rien de tel pour l’IASB, sans protecteur public attitré et qui se retrouve seul dans la tempête, ballotté entre les exigences contradictoires de ses multiples parties prenantes.
L’IASB souffre surtout de la faiblesse de sa base institutionnelle. Pendant les années d’adoption des IFRS en Europe, un duo de choc réunissait David Tweedie et Paul Volcker, alors président des “trustees” (administrateurs) et personnalité très respectée de la planète financière. Mais Volcker est parti en 2006 ; à 81 ans, il conseille désormais Barack Obama. Son remplaçant actuel, Gerrit Zalm, se consacre peu aux IFRS. Après des années de déni, les “22 trustees” ont réalisé que le système de gouvernance rudimentaire mis en place en 2001 devait être réformé. Mais le “Monitoring Board”, un petit groupe d’autorités publiques (dont la SEC et la Commission européenne) auquel ils ont donné en janvier les pleins pouvoirs sur les nominations, est une cote mal taillée, dysfonctionnelle avant d’avoir démarré. La Commission européenne, qui avait soutenu l’IASB en 2002 mais aspire aujourd’hui un peu maladroitement à en prendre le contrôle, n’a pas encore signé les documents créant le Monitoring Board, dont le commissaire au Marché intérieur, Charlie McCreevy, a néanmoins assisté à la première réunion en avril. Il règne une certaine confusion.
Certes, l’IASB prend des initiatives. Le groupe consultatif sur la crise financière, qu’il a mis en place fin 2008, accomplit un travail utile pour faire émerger un diagnostic partagé. Son choix d’une révision d’ensemble d’IAS 39 coordonnée avec le FASB, plutôt que de multiplier les amendements ponctuels, est sensé. Il vient de nommer en son sein deux spécialistes issus de la communauté des utilisateurs d’information financière, un vrai progrès. Mais peut-être est-ce trop peu, trop tard. Gerrit Zalm est perçu comme en conflit d’intérêts depuis qu’il a pris la tête d’ABN-Amro, la banque néerlandaise nationalisée. Les autres “trustees” n’apparaissent guère dans le débat public. David Tweedie, dont le mandat expire en 2011, s’est fait beaucoup d’ennemis et ne peut plus assumer le même leadership que par le passé.
Les IFRS ne sont pas encore vouées à l’échec, c’est-à-dire une refragmentation avec des normes comptables durablement différentes en Europe, aux États-Unis et dans les différents pays d’Asie. Mais ce risque devient de plus en plus tangible. L’Europe se retrouverait sans doute, comme dans les années 1990, en désavantage face aux États-Unis dont la plupart des investisseurs considéreraient les normes comme plus rigoureuses. En vérité, tout le monde y perdrait.
Nicolas Véron, économiste au centre de réflexion européen Bruegel
Article publié dans La Tribune le 25 mai 2009
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La comptabilité ne contribue pas au résultat d’une entreprise…
Ou l’alchimie des normes comptables. Etait-ce faire preuve de naïveté que d’espérer tirer de la comptabilité des vertus apaisantes ? Sans doute. Face à une crise bancaire aux relents systémiques, les pouvoirs publics américains et européens ont décidé de modifier des normes comptables auxquelles ils avaient pourtant promis neutralité et intangibilité.
Depuis quelques années, ces normes prescrivent de valoriser certains instruments financiers à leur juste valeur, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, à leur valeur de marché. Or, pendant la crise des subprimes , les marchés financiers ont subi un assèchement de liquidités. Cette chute de liquidité a parfois conduit à l’absence de prix de marché ou à des valeurs décotées et insignifiantes. Confrontées à cette situation, plusieurs entreprises financières ont dû reconnaître des pertes comptables significatives.
Comment apprécier le débat ? Il est très complexe et exige une grande rigueur académique. En effet, une valeur de marché d’un actif n’est jamais que le prix de la dernière transaction. Celle-ci formule une valeur marginale : son prix n’est pertinent que pour les derniers acheteurs et vendeurs. Ce prix est d’ailleurs éphémère, puisqu’il est destiné à être contredit à tout moment. Il n’emporte aucune pérennité et entraîne sa propre précarité. Mais si ce prix est utilisé pour valoriser les bilans de banques, il s’impose comme une norme. Il devient donc une valeur moyenne qui s’impose au-delà de sa signification. L’utilisation de la juste valeur confond les valeurs moyennes et marginales d’un actif.
Ceci étant, la comptabilité n’a pas d’autre but que de recenser et d’évaluer les actifs et passifs d’une entreprise. Elle se situe en aval de l’événement économique. Elle ne peut pas, en bonne logique, contribuer au résultat de l’entreprise qu’elle est censée mesurer. Ce n’est donc pas la comptabilité qui a entraîné des pertes, mais l’événement économique qu’elle est chargée de calibrer. De surcroît, dans de nombreux cas, le manque de négociabilité des instruments financiers a été lié à leur complexité intrinsèque. Cette sophistication mathématique a conduit aux phénomènes d’illiquidité que la comptabilité a dû retranscrire. Et, à nouveau, il aurait été extravagant de demander aux règles comptables de rectifier un déficit de liquidité entraîné par la complication des instruments financiers dont elle est censée mesurer, a posteriori , la valeur.
Incidemment, l’abandon de la juste valeur en cas d’évaporation de la liquidité conduirait à attribuer à la direction comptable un pouvoir d’évaluation des instruments financiers qui serait supérieur à celui des marchés. Or, si les marchés financiers considèrent, dans leur globalité, qu’un actif doit être décoté, et que cette décote conduit à l’absence de prix de transactions acceptables, comment une entreprise pourrait-elle avancer qu’elle dispose d’un meilleur pouvoir d’évaluation ? L’adaptation des règles comptables en cas de marché illiquide conduirait à substituer un risque de modèle à un risque de marché.
Et puis, comment savoir de manière irréfutable quand un actif devient illiquide ? Et comment distinguer une décote d’illiquidité dans un prix de marché ? Selon quelle méthode intégrer cette illiquidité dans un modèle, sauf à la nier ou à l’évaluer de manière forfaitaire, c’est-à-dire subjective ? En outre, l’abandon de la juste valeur en cas de crise pourrait même inquiéter les marchés financiers, au motif que les politiques d’évaluation des actifs financiers deviendraient occultes.
… elle informe et pilote les marchés boursiers
Il faut, aujourd’hui, tirer des leçons. Les critiques doivent être étudiées avec sagesse : la comptabilité est une discipline trop construite pour l’apprécier de manière lapidaire. Elle contribue à informer et à piloter les marchés boursiers, en ce qu’elle oblige à une transparence uniforme, faute d’être parfaite.
La leçon comptable de la crise des subprimes réside donc moins dans l’inadéquation des règles que dans les difficultés à évaluer des instruments financiers sophistiqués.
Au reste, quelle serait l’alternative crédible à la juste valeur ? Certainement pas un retour aux méthodes anciennes dont l’inadéquation à des instruments financiers est flagrante. La juste valeur ne doit pas être définitivement écartée, mais plutôt affinée et débattue. La plupart des organismes de contrôle bancaire viennent de le confirmer.
Les enjeux sont significatifs car ils concernent une importante profession et les marchés boursiers, à la recherche d’apaisement et de stabilité.
D’après Trends.juin 2009
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«La comptabilité doit devenir lisible par tous»
Pierre-Alexandre Sallier le temps 19/6/09
Le patron du réseau Baker Tilly revient sur le rôle des auditeurs dans la crise actuelle. Et défend les principes de comptabilité selon la valeur de marché – la «fair value» – au nom du souci premier de la transparence des rapports financiers
«Il faut que l’actionnaire «lambda» – qui contrôle encore la plupart des groupes cotés – comprenne les comptes qui lui sont présentés, or aujourd’hui ce n’est plus le cas: qu’entend-il, par exemple, aux annexes décrivant l’octroi d’options aux employés?» interpelle Geoff Barnes, président du réseau de cabinets d’audit et de conseil Baker Tilly International. Ce dernier, dont les recettes annuelles sont passées de 1,5 à 3 milliards de dollars depuis 2002, se présente comme le huitième au monde, loin derrière les «big Four» que sont Deloitte, E & Y, KPMG et PwC.
S’exprimant en marge de la réunion annuelle des 150 délégués du réseau la semaine dernière à Genève, Geoff Barnes se dit favorable à un changement de normes comptables allant vers davantage de simplicité. «Qu’est-ce qu’un rapport financier? Une photographie de l’état d’une entreprise à un moment donné, qui doit devenir lisible par le plus grand nombre», ajoute Ted Verkade, responsable du réseau en Europe.
Pas touche à la «fair value»
Les deux réviseurs ne croient en revanche pas en l’abandon du principe de la «fair value». Visant à évaluer les actifs d’une entreprise en fonction de la valeur que leur octroie le marché sur lequel ils s’échangent, cette méthode est critiquée pour le rôle d’amplificateur qu’elle aurait joué dans la crise des «subprime». «Ce ne sont pas ces règles qui ont amené cette crise mais bien les lacunes dans l’évaluation par les banquiers des risques entachant certains de leurs actifs, à partir de pseudo-valeurs de marché qui n’étaient que de simples estimations mathématiques», estime Geoff Barnes. Peut-être les règles actuelles doivent-elles être «améliorées», mais «on ne peut se départir du principe fondamental ayant conduit à l’adoption de cette règle de la «fair value»: la transparence.»
Rebattage des cartes
Paradoxalement, Baker Tilly estime pouvoir bénéficier de la pression réglementaire accrue en matière comptable et fiscale. «Lors de l’adoption [en 2002] des règles [plus strictes] de Sarbanes-Oxley aux Etats-Unis, le régulateur avait déjà requis qu’une firme révisant les comptes d’une grande société abandonne en partie les services complémentaires – par exemple en termes de conseil – qu’elle lui fournissait jusque-là», rappelle Geoff Barnes. En Suisse, «la nouvelle loi comptable a renforcé les exigences en matière d’indépendance du cabinet réalisant le contrôle ordinaire d’une entreprise», précise de son côté Dominik Spiess, responsable du bureau genevois de Baker Tilly. Un rebattage des cartes dont le réseau espère tirer parti au détriment de ses grands rivaux
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Un article de Bruno Colmant datant de 2002 :
La juste valeur comptable : évolution ou révolution ? (Bruno Colmant, Administrateur délégué du Crédit Européen, Professeur dr. à l’ULB) | ||
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Le Conseil et le Parlement de l’Union européenne ont récemment approuvé le projet de résolution modifiant la quatrième Directive 78/660/CEE en ce qui concerne les règles d’évaluation comptables applicables aux instruments financiers. Cette démarche s’inscrit dans le cadre du « Plan d’Action pour les Services Financiers » adopté en mai 2000. La modification de la quatrième Directive est, par ailleurs, conforme à la communication de la Commission sur la stratégie de l’Union Européenne en matière d’information financière, qui propose l’utilisation de normes de comptabilité internationalement reconnues pour la préparation des états financiers consolidés des sociétés européennes cotées.Juste valeurLa modification apportée à la quatrième Directive a pour objet de permettre l’application partielle de la règle d’évaluation à la juste valeur. Cette dernière correspond au prix auquel un actif pourrait être échangé, ou un passif réglé, entre deux parties consentantes qui procèdent à une transaction dans des conditions normales. Elle est déterminée par référence à :- Une valeur de marché, dans le cas des instruments financiers pour lesquels un marché fiable est aisément identifiable. Lorsqu’une valeur de marché ne peut être aisément identifiée pour un instrument financier donné, mais qu’elle peut l’être pour les éléments ou instruments similaires qui le composent, la valeur de marché de cet instrument financier peut être calculée à partir de celle de ses composantes;
– Une valeur résultant de modèles et techniques d’évaluation généralement admis, dans le cas des instruments pour lesquels un marché fiable ne peut être aisément identifié. Ces modèles et techniques d’évaluation doivent garantir une estimation raisonnable de la valeur de marché. Certains actifs et passifs sont exclus du champ d’application de la règle d’évaluation de la juste valeur. Ceux-ci comprennent, pour les entreprises industrielles et commerciales, les obligations en matière de retraites, les contrats de leasing, certaines immobilisations financières et les fonds propres comptables des entreprises. L’application de cette règle ne s’applique pas non plus aux créances et dettes commerciales au motif que ces dettes et ces créances sont, de manière générale, honorées à l’échéance, pour la valeur nominale, sans possibilité de mobilisation anticipée. Elle n’est pas non plus d’application aux titres obligataires acquis ou émis jusqu’à leur maturité L’application de la règle d’évaluation de la règle de la juste valeur ne constitue pas seulement une modification de règles mécaniques. Il s’agit de l’adoption d’une nouvelle philosophie conduisant à rapprocher progressivement la mesure comptable du patrimoine et des résultats de l’entreprise avec la valeur qui est attribuée à cette dernière par les marchés boursiers. Cette évolution s’inscrit donc en rupture par rapport aux pays d’Europe continentale qui arriment leurs orientations comptables à la mesure des coûts historiques. Cette situation reflète principalement le rattachement traditionnel de la comptabilité au droit des sociétés (et au droit fiscal) et l’objectif de protection des créanciers de l’entreprise, dans une optique de prudence en termes de mesure historique des garanties octroyées par cette dernière. Comptabilité bilantielle Le concept de la juste valeur a comme corollaire l’obligation de comptabiliser les instruments financiers à titre d’actif ou de passif dès que l’entreprise est engagée avec un tiers, alors qu’actuellement, les principaux instruments financiers sont comptabilisés hors bilan Selon cette règle, les produits et les charges comptables liés aux variations de la juste valeur des instruments financiers qualifiés d’isolés, doivent être considérés comme des actifs ou passifs bilantiels dont la contrepartie est imputée en compte de résultats. La règle de la juste valeur ne fait donc aucune différence conceptuelle entre les résultats réalisés et non réalisés (ou latents) relatifs à des instruments financiers utilisés de manière isolée. Ces résultats sont imputés dans le compte de résultats, sauf dans les cas suivants, où ils sont comptabilisés dans les fonds propres : – L’instrument comptabilisé est un instrument de couverture dans le cadre d’un système de comptabilité de couverture qui permet de ne pas inscrire ces variations de valeur dans le compte de résultats, – Ses variations de valeur reflètent une différence de change enregistrée sur un instrument monétaire faisant partie de l’investissement d’une société dans une société étrangère liée. La Directive modifiée précise, en outre, que l’annexe et le Rapport de gestion doivent faire mention de certaines informations concernant les instruments financiers figurant dans le bilan qui ont été évalués à leur juste valeur. Sous réserve de sa transposition dans les droits comptables européens, l’introduction de la règle d’évaluation à la juste valeur constituera une rupture avec les normes actuelles qui subordonnent la reconnaissance d’un produit financier à sa réalisation (ou, en termes comptables réglementaires, à son “acquisition”), c’est-à-dire, dans la plupart des cas, à son encaissement. Il n’est, en effet, pas autorisé, en droit comptable, de reconnaître en compte de résultats les produits financiers latents, alors que cette reconnaissance comptable constitue le fondement de l’application de la règle de la juste valeur. Cette règle d’évaluation est donc incompatible avec le principe comptable de réalisation actuellement en vigueur dans la plupart des pays européens. Normes comptables IAS/IFRS La modification de la quatrième Directive constitue la première modification structurelle de la réglementation comptable européenne depuis 24 ans. Elle s’inscrit dans l’objectif plus global d’imposer l’utilisation des normes comptables IAS/IFRS à toutes les sociétés européennes cotées en bourse pour l’établissement de leurs comptes consolidés et ce, au plus tard en 2005. Les normes IAS/IFRS sont établies par l’International Accounting Standards Board (IASB). Cet organisme est une institution indépendante privée, créée en 1973, dont l’objectif d’harmoniser les principes comptables des pays affiliés. Elle regroupe 143 organismes de normalisation comptable issus de 104 pays. Une quarantaine de normes IAS/IFRS a, à ce jour, été établie. Malgré leur caractère international, les normes IAS/IFRS révèlent une forte similitude avec les normes comptables américaines. En 2000, la Commission européenne et le IOSCO (International Organisation of Securities Commissions) ont explicitement reconnu la supériorité conceptuelle des normes IAS/IFRS. La Securities and Exchange Commission (SEC) américaine a, quant à elle, déjà accepté la reconnaissance de certaines normes comptables IAS/IFRS pour le dépôt des comptes annuels des sociétés étrangères cotées aux Etats-Unis. Suite aux flots de critiques adressées à l’encontre des normes comptables américaines et au démantèlement du cabinet d’audit externe Andersen, il semble que la SEC acceptera prochainement les normes comptables IAS aux entreprises étrangères cotées aux États-Unis, sans réconciliation avec les normes comptables américaines. Cela concernerait 1.000 entreprises non-américaines cotées sur une bourse des États-Unis. La SEC sait aussi que les bourses et les investisseurs institutionnels américains tireraient le plus grand profit d’un allégement des conditions d’accès comptable aux marchés financiers américains actuellement imposées aux sociétés étrangères. La rentabilité des bourses, progressivement elles-mêmes cotées, est, par exemple, tributaire de nouvelles cotations. Actuellement les mille sociétés étrangères cotées sur une bourse des Etats-Unis doivent déposer des comptes établis principalement selon les règles d’évaluation comptable américaines FASB. Il est donc certain que l’adoption probable par la SEC du référentiel comptable de l’IASB facilitera la cotation boursière d’autres entreprises étrangères dans ce pays. D’ici à 2005, les entreprises européennes cotées devront établir et publier leurs comptes consolidés sur la base des règles comptables internationales de l’IASB. L’objectif de ces nouvelles normes est d’améliorer la transparence financière des entreprises, par une comptabilité reflétant la juste valeur et non plus une valeur comptable parfois déconnectée des modes d’évaluation des marchés boursiers. Les institutions européennes viennent donc d’entamer un processus de convergence. Même si le bien-fondé des normes comptables IAS, d’origine anglo-saxonne, peut être temporairement altéré par les scandales comptables américains, le changement de référentiel comptable est inéluctable. L’adoption de ces normes IAS consacre l’échec de la tentative d’élaborer une réglementation comptable européenne autonome. Aujourd’hui, les droits nationaux européens constituent plus une entrave qu’une aide à l’harmonisation internationale. Les directives devaient donc être actualisées en fonction des pratiques comptables. Ecole moderne La démarche des autorités communautaires traduit l’adoption progressive, au niveau européen, d’un nouveau référentiel comptable, relevant de ce qu’il est convenu d’appeler l’Ecole moderne de la comptabilité. Celle-ci, d’origine américaine et à laquelle les normes comptables IAS/IFRS ressortissent, postule que pour appréhender la valeur d’une entreprise, il convient de déterminer la valeur actualisée, à la date de la clôture comptable, de l’ensemble des flux nets de trésorerie qui pourront être générés par l’entreprise dans le futur, qualifiée de “valeur économique”. Il s’agit donc d’une approche comptable idéalement globale de l’entreprise dont l’application devrait théoriquement conduire à une valeur des fonds propres comptables de l’entreprise proche de sa valeur boursière pour les entreprises cotées. Cette approche analyse l’entreprise dans le cadre de l’ensemble de ses flux de trésorerie futurs. Elle considère, en termes d’évaluation comptable, chaque élément non pas individuellement mais dans le contexte global de son objet social. Tournée vers l’avenir plutôt que vers le passé, cette approche devrait prendre en considération des éléments aléatoires, telles les entrées et sorties futures de trésorerie, le ou les taux d’actualisation, les durées d’utilisation des différents facteurs de production, etc. Coûts et valeurs comptables L’application de la règle d’évaluation de la juste valeur reflète l’évolution progressive d’une comptabilité en coût historique vers une comptabilité en valeur de marché. Il s’agit donc d’une évolution conceptuelle importante tendant à reconnaître le compte de résultats de l’entreprise à titre de mesure exhaustive des performances de l’exercice comptable. L’application de cette règle d’évaluation comptable découle du postulat originel suivant lequel, lorsqu’il existe un marché financier suffisamment liquide, une entreprise est, à tout moment et théoriquement, en mesure de réaliser les éléments d’actifs financiers circulants sans distorsion de cours et de transformer un résultat non réalisé (ou latent) en résultat réalisé. Cette règle d’évaluation comptable a incidemment pour conséquence de diminuer la latitude de la direction de l’entreprise quant au moment du dégagement des résultats favorables puisqu’elle déconnecte la reconnaissance de ces derniers de la mobilisation éventuelle des instruments financiers concernés. Il s’agit d’une évolution s’inscrivant dans la poursuite des objectifs de “corporate governance” et dans le sens d’une efficience améliorée des marchés financiers (c’est-à-dire, entre autres, dans la direction d’une meilleure diffusion de l’information comptable). Avantages de la juste valeur A la lumière de notre analyse, les principaux avantages de la règle d’évaluation de la juste valeur sont les suivants : – La mise en œuvre d’une règle d’évaluation comptable indépendante de la valeur d’inventaire comptable historique des instruments financiers et de l’absence de mouvement de fonds au moment de la conclusion d’opérations financières. Cet avantage de la règle d’évaluation de la juste valeur facilite la compréhension des comptes annuels. – La neutralité : La juste valeur est déterminée par rapport à des données externes à l’entreprise, consistant soit directement en des valeurs de marché, soit, en l’absence de valeurs de marché, au résultat de modèles financiers fondés sur des paramètres externes. Il s’agit donc d’une valeur qui n’est, a priori, pas influencée par l’entreprise elle-même. – La simplicité : La mise en œuvre de la juste valeur est simple à appliquer dans son aspect conceptuel. – La cohérence interne : La juste valeur permet de calquer le suivi des agrégats comptables sur les systèmes de gestion de risques de l’entreprise. Il en découle une fiabilisation des informations de gestion internes à l’entreprise. – La prévisibilité : La juste valeur permet de prévoir au mieux les flux financiers de l’entreprise car elle intègre la valeur actuelle de ces derniers. Dans cette perspective, la juste valeur privilégie l’information de l’ensemble des intervenants à la vie de l’entreprise, grâce à une meilleure clarté des comptes annuels. Inconvénients de la juste valeur L’application de la règle d’évaluation comptable de la juste valeur aux instruments financiers pour les entreprises commerciales et industrielles souffrirait pourtant de plusieurs difficultés conceptuelles en l’état actuel du droit comptable luxembourgeois. Celles-ci sont : – La règle d’évaluation comptable de la juste valeur est incompatible avec les principes comptables de coût historique et de prudence actuellement en vigueur, dans le respect des dispositions dominantes de la formulation actuelle de la quatrième Directive. Ces dispositions excluent, en effet, les modes d’évaluation du type “juste valeur » car il existe un risque de distribution injustifiée de bénéfices. Le courant comptable européen, consistant à ne pas enregistrer les produits non réalisés en compte de résultats, ne correspond pourtant pas à l’exigence de respect d’une image fidèle des comptes annuels. En matière de performance financière, la règle d’évaluation comptable de la juste valeur est la seule méthode qui permet d’apprécier correctement le résultat de l’entreprise pendant la période concernée, à la lumière, notamment, du principe comptable de permanence des méthodes et de l’exigence de neutralité des inscriptions bilantielles. – Une deuxième raison qui pourrait s’opposer à l’adoption de la règle d’évaluation comptable de la juste valeur est que cette dernière suppose l’existence d’un marché suffisamment liquide, c’est-à-dire un marché sur lequel un instrument financier peut être facilement négocié. Cette exigence de liquidité s’inscrit, au sein du courant comptable européen, dans le respect du principe comptable de prudence. L’existence d’un marché liquide ne résout d’ailleurs pas, per se, le problème de l’obtention de la juste valeur. Un marché liquide peut voir ses cotations influencées par les transactions ponctuelles d’une entreprise particulière. La liquidité d’un instrument financier est donc contingente de la nature des activités et de l’envergure des engagements financiers du titulaire ou de l’émetteur des instruments financiers concernés. L’argument de la liquidité est d’ailleurs écarté par l’IASB qui ne subordonne pas l’application de la juste valeur à l’existence d’un marché liquide pour les instruments financiers concernés. Conclusion Il n’existe pas de solution unique en matière comptable, qui n’est qu’un essai d’application d’un référentiel quantitatif et surtout statique, à une réalité économique dynamique. En tout état de cause, l’information comptable ne constitue pas une représentation unique de la réalité, mais plutôt un éclairage adapté à des besoins spécifiques. L’introduction de la juste valeur concrétise l’adoption d’un nouveau référentiel comptable, plus axé vers les valeurs boursières et donc plus volatil. La démarche est certainement cohérente et raisonnable, à la condition qu’elle n’induise pas elle-même de volatilité boursière. |
ET TOUJOURS D’ACTUALITE :
http://leblogalupus.com/2009/03/23/la-juste-valeur-cest-la-valeur-des-justes/
Catégories :Normes Comptables et Règles Prudentielles
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