Au coeur de la création de richesse : l'Entreprise

Jean Pierre Petit : Vers un retour des fusions-acquisitions (II)

Directeur de la recherche économique et de la stratégie d’ Exane-BNP Paribas jusque fin 2008, Il a été auparavant (1995-1999) adjoint au directeur des études économiques de la BNP, adjoint de direction à la Banque de France et consultant pour le Fonds monétaire international (1986-1994). Il est diplômé de Sciences Po Paris, détient une maîtrise en droit et est titulaire d’un DEA d’économie internationale. Jean Pierre Petit est l’auteur de plusieurs ouvrages dont, La finance, autrement (en collaboration, Dalloz, 2005).Aujourd’hui devenu stratégiste de marché indépendant il continue de collaborer  de manière régulière à divers revues et journaux économiques et financiers. Voici le 17ème billet d’une série qui lui est consacrée…

Les M&A créent-elles de la valeur financière et économique?

PLUS DE DETAILS EN SUIVANT :

Même pour l’actionnaire, la création de valeur grâce aux fusions acquisistions n’a rien d’évident au vu des travaux académiques et de l’expérience des cabinets de conseil. On sait simplement que les opérations de rapprochement se traduisent à court terme par une forte montée des cours de la société cible, en particulier après une OPA. Inversement, les opérations peuvent se traduire par de faibles gains, voire des pertes, des actionnaires de la firme initiatrice («malédiction du vainqueur») et ce, d’autant qu’il y a plusieurs enchérisseurs.

La «malédiction du vainqueur» s’exprime en effet à travers des coûts d’intégration et de financement qui peuvent être sanctionnés par le marché

Il faut noter que les fusions-acquisitions réglées en cash offrent une rentabilité plus satisfaisante. Le marché considère un financement par actions comme le signal d’une surévaluation des actions propres par le management (et vice-versa). L’utilisation du cash peut être considéré comme un «signal » qui indique que les managers sont en mesure d’exploiter les opportunités représentées par la firme cible.

En cash, il n’y a pas non plus de risque de dilution (par rapport à un règlement en papier avec augmentation de capital)

Autres leçons; les grosses F&A semblent déboucher sur de moindres performances; même remarque pour les opérations menées lors de bulles boursières, comme en 1998-2000.

Quant aux effets à long terme sur la profitabilité des entreprises fusionnées, c’est aussi une zone grise.

Peu d’études montrent clairement un lien entre les fusions et la profitabilité.

Il y a d’ailleurs à ce sujet un véritable problème de méthodologie (échantillon, difficulté à isoler les coûts-avantages des fusions de l’environnement général des firmes, différence de taille entre les deux firmes, de l’évolution générale de la profitabilité, des effets sectoriels, de l’enchevêtrement des opérations durant les vagues et des scissions ultérieures, …).

 On sait simplement les critères-clé de réussite d’une opération (prix de la transaction, qualité de l’intention stratégique, bonne estimation des coûts post-intégration, gestion de la dimension culturelle et humaine, qualité de la communication financière).

Pour l’ensemble des «stakeholders» (salariés, fournisseurs, Etat…), les fusions ne créent de la valeur que si elles se traduisent par une hausse de la productivité et de l’efficacité, via notamment l’exploitation d’économies d’échelle ou de gamme.

 La création de valeur pour l’actionnaire peut en effet ne découler que d’un pouvoir de marché accru, au détriment des autres parties prenantes.

Au-delà, les fusions sont à l’origine d’externalités positives (pressions sur les concurrents, prix plus bas, réduction des faillites, …), mais aussi négatives (restriction éventuelle de concurrence, moins d’innovation, …).

Au total, l’effet est probablement positif à long terme. Mais il s’agit plus d’une présomption que d’une vérité établie.

En fait, les fusions acquisitions sont à la base d’une contradiction apparente du capitalisme (contradiction relevée par Alfred Marshall dès la fin du XIXème siècle), à la base des difficultés des politiques de la concurrence.

La course à la taille favorise a priori les situations oligopolistiques. Pourtant, l’augmentation de la taille des entreprises va de pair avec les besoins de la spécialisation, qui poussent à créer de nouvelles entreprises. Les méga fusions des années 90 se sont ainsi accompagnées de créations massives de nouvelles entreprises.

JEAN-PIERRE PETIT Economiste et  Stratégiste de marché

EN COMPLEMENT  INDISPENSABLE : Jean Pierre Petit : Retour des M&A (I) (cliquez sur le lien)

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