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Paul Mortimer-Lee : Croissance de l’Europe en L , Etats Unis en V

L’ÉVALUATION DE LA SITUATION AU NIVEAU DES DETTES SOUVERAINES TOURNE ÉGALEMENT À L’AVANTAGE DES ETATS-UNIS

Le rôle refuge du dollar rend la dette américaine moins préoccupante….

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Imaginer la reprise sans les consommateurs n’est qu’un leurre. Rien ne les déprime plus qu’une situation peu encourageante sur le marché de travail. Une diminution du chômage est donc essentielle à un renforcement durable des activités. Les Etats-Unis inverseront la tendance plus vite que le Vieux Continent. Les licenciements sans trop d’états d’âme, souvent excessifs, permettent de passer d’autant plus vite aux engagements.Ce processus est déjà en cours. «Les consommateurs disposent de plus de revenus», se réjouit Paul Mortimer-Lee, Global Head of Market Economics de BNP Paribas.

 Par contre, en Europe, «les ajustements sur le marché du travail se font très lentement ». Par conséquent, «il n’y aura pas de reprise durable. Elle manque de demande domestique, il y a trop de capacités de production – ce qui ne favorise pas les investissements – et les marges bénéficiaires ne s’y sont pas améliorées. Cela semble déboucher sur un calme plat.»

 En résumant, si la reprise aux Etats-Unis prendra en effet une forme de V, l’évolution européenne aura plutôt celle d’un L.

L’évaluation de la situation au niveau des dettes souveraines tourne également à l’avantage des Etats-Unis: «Le mois dernier, les afflux dans les bons du Trésor ont atteint un nouveau record. Le rôle du dollar en tant que monnaie refuge attire nettement plus de ressources. Actuellement, il n’y a pas de crise de dette», explique Paul Mortimer-Lee.

En revanche, «la position de l’Europe est très mauvaise. » Ce qui l’amène à miser sur une baisse de l’euro par rapport au dollar. Une amélioration de ce côté-ci de l’Atlantique n’est pas prévue avant 2011. Les gouvernements doivent encore comptersur le soutien de taux bas, difficiles à augmenter cette année, la croissance restant faible. Une faillite de la Grèce n’entre pas en ligne de compte. La tactique y joue un rôle: «Le déficit budgétaire affiché est probablement trop élevé, pour mieux montrer les progrès.» Certes. Mais le prix en sera probablement une augmentation de la prime sur la dette souveraine, qui peut se révéler d’autant plus importante que des réactions en chaîne (Portugal, Italie, Irlande, Espagne) risquent de se produire.

Malgré ces pressions, la BCE doit resserrer la liquidité au deuxième semestre. Elle relèvera son taux de manière implicite. «En des temps normaux, c’est le taux de refinancement, actuellement à 1%, qui sert de référence. Ce sont toutefois les 0,25% du taux de dépôt qui déterminent le niveau en ce moment. Cette année, il s’opérera probablement un retour au taux de refinancement, ce qui représente une hausse implicite de 0,75%», détaille Paul Mortimer-Lee.

 La Fed n’a guère de raisons de se montrer pressée: «L’inflation tendancielle est en baisse, en raison du surplus de capacités de production. Elle attend habituellement au moins une année après le début d’une baisse du chômage.»

La seule banque centrale qui pourrait relever les taux cette année déjà, c’est… la BNS! «La Suisse a clairement surperformé la zone euro. Les risques de déflation ont diminué. Au sujet des craintes d’une hausse du franc suite à une adaptation des taux, la rhétorique a changé, le combat se limitant désormais aux appréciations «excessives»».

Ces différences illustrent les écueils liés à un processus pourtant inéluctable: «Cette année, des liquidités seront retirées à l’échelle mondiale, mais personne ne sait à quelle vitesse cela se fera. Ces sommes ont permis aux marchés de repartir à la hausse. La question de la liquidité sera donc le thème de cette année.»

Ce qui paraît certain, c’est que les pays ne pouvant agir sur les taux directeurs doivent axer leur stratégie de retrait de liquidités sur les aspects fiscaux plutôt que monétaires.

«Il faut réduire la pression vers une hausse des rendements des obligations. Si l’unité monétaire agit en premier, il ne reste que peu de marge au niveau fiscal.» La Grèce devrait ainsi être la première à durcir sa politique, suivie par le Royaume-Uni, qui doit présenter un plan crédible, sous peine d’abaissement des notations.

L’inaction des gouvernements obligerait en revanche les banques centrales de prendre des mesures, au prix d’une croissance moins forte.

Dans ces considérations, le danger d’inflation ne joue qu’un rôle mineur. Le processus de réduction des dettes crée plutôt l’effet contraire.

En revanche, l’exemple chinois illustre que dans certains pays émergents, la situation est très différente: «Les prêts accordés au cours de la première quinzaine de 2010 ont atteint 1000 milliards de yuans, soit déjà un dixième de la somme de l’année passée! Ce qui a fait bondir l’inflation. Il y aura un resserrement important. Son impact sur les perspectives de croissance donnera beaucoup de soucis aux marchés actions mondiaux», analyse Paul Mortimer-Lee. Les marchés émergents sont toutefois loin d’être uniformes. Le stratège de BNP Paribas aime ainsi miser sur le peso mexicain contre une position à la vente sur le real brésilien, qui ralentit la croissance et augmente le déficit de la balance commerciale. L’Inde reste le pays d’inflation par excellence, avec une politique monétaire beaucoup trop accommodante. Toutefois, la faiblesse des exportations n’autorise aucune hausse de taux.

Sur le marché obligataire, Mehernosh Engineer, stratégiste crédit de BNP Paribas Fixed Income, privilégie toujours les dettes d’entreprises, plus particulièrement les financières. Les banques diminuent les positions de prêts, ce qui force les sociétés à se (re)financer sur le marché obligataire. Mais «il n’y a aucune pression énorme sur les rendements de ces titres, qui restent de toute manière attrayants. » Mehernosh Engineer a toujours une préférence pour la tranche «BBB», «des crédits cycliques, à béta élevé (fortement exposés au marchés)». Les minières, les aciéristes, l’énergie, le tabac, et les ressources de base constituent les sociétés favories. En revanche, les télécoms, défensifs, ont déjà connu leur période la plus faste.

Les dix idées de BNP Paribas pour 2010

-Début d’année  sur les marchés actions: la liquidité demeure abondante et les remontées de taux restent lointaines; la stabilisation du contexte macro offre des perspectives de forte croissance des bénéfices sur un horizon de trois mois.

_ Le retour des incertitudes macro s’accompagnera d’une volatilité plus élevée: la capacité à croître au-delà des coupes dans les coûts sera l’élément clé pour les entreprises; réduction du risque recommandée en milieu d’année.

_ Toujours positif sur la dette d’entreprise de bonne qualité: les rendements demeurent intéressants en comparaison historique; vue positive sur le high yield de bonne qualité, les taux de défaut ont atteint un sommet à la fin de l’année dernière et déclinent; intérêt des convertibles pour les amateurs de risque un peu plus élevé. Préférer les durées courtes. A noter également un avis positif sur la Turquie, la Pologne et le Brésil.

_ Hedge funds, solides dans un monde de performances moindres et de volatilité plus forte: les stratégies long short equity sont favorisées par le contexte de normalisation des marchés actions; global macro favorisées également.

_ Actions avec un dividende élevé, en particulier dans les marchés développés: préférer les secteurs exposés à la croissance globale (technologie, consommation courante) puis les télécoms, l’énergie et la santé plus tard dans l’année.

_Les grandes marques se distinguent quand il s’agit d’imposer ses prix.

_Changement de tendance pour le dollar contre l’euro et le yen: le billet vert devrait remonter face au yen en vertu d’un rebond de la croissance plus vigoureux aux Etats-Unis. L’euro souffrira des craintes sur la santé de certains de ses membres.

_ Le consommateur asiatique et brésilien: BNP Paribas préfère la Chine, la Corée et Taiwan.

_ Le réchauffement climatique (efficacité énergétique, énergies alternatives, nouvelles technologies).

_L’agriculture comme diversification des portefeuilles.

source agefi jan10

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