Art de la guerre monétaire et économique

France : Nos “chers amis allemands”…

Mon ami Buzz Lightyear (que je remercie au passage)dans un de ses commentaires et à propos de l’article de Nicolas Baverez sur “l’amitié franco-allemande” pointe avec beaucoup d’a propos vers cet autre article d’origine helvètique cette fois ci sur une thématique similaire…Il m’a semblé opportun d’y apporter une lumière fort méritée…petite remarque au passage : point n’est besoin en ces jours de Paques, et face au petit coq monté sur ses ergots entouré de ses  poulettes qui caquettent, de se demander ou sont les cloches…

 «ON LANCE DES PIQUES À L’ALLEMAGNE, COMME AUX PREMIERS DE CLASSE.» Stéphane Garelli, professeur à l’IMD et à l’Unil

PLUS DAMITIE EN SUIVANT :

L’Allemagne est la Chine de l’Europe

«. Dans le gouvernement Sarkozy, certains voient dans les «chers amis allemands» de dangereux prédateurs pratiquant un dumping salarial.

En raison de la crise, IG Metall, le puissant syndicat allemand de la métallurgie, n’a même pas vraiment négocié avec le patronat: il a renoncé pour 2010 à toute augmentation de salaire supérieure à l’inflation, afin de préserver l’emploi. De quoi faire rêver les chefs d’entreprise français qui, année après année, crise ou pas crise, doivent concéder une bonification de la fiche de paie de leurs employés.

Au pays de la CGT, on s’inquiète depuis longtemps de cette modération salariale qui a pour effet de booster les exportations allemandes, mais aussi de mettre au régime les consommateurs, de ce fait forcément moins enclins à acheter des olives espagnoles ou des Renault françaises. Dans le secret des chancelleries, le contentieux dure depuis plusieurs années entre Paris et Berlin. Mais, en plein débat sur la manière de traiter la débâcle grecque, la ministre française de l’Economie Christine Lagarde s’est lâchée dans une interview accordée au Financial Times: «Ceux qui ont des excédents commerciaux ne pourraientils pas faire un petit peu plus? Clairement, l’Allemagne a fait de l’excellent travail ces dix dernières années, améliorant sa compétitivité, mettant une très forte pression sur ses coûts du travail.» Mais, a-telle poursuivi, «je ne suis pas sûre que le modèle allemand soit viable à long terme et pour l’ensemble de l’ eurogroupe». Elle a précisé sa pensée sur RTL: «Les Allemands pourraient baisser leurs impôts» pour donner un coup de pouce aux importations. L’invitation était polie et teintée d’admiration mais, dans la foulée, les commentateurs ont désigné les «prédateurs» d’outre-Rhin avec leur insolent excédent de la balance commerciale (136 milliards d’euros contre un déficit de 54 milliards pour la France). Pour l’économiste Benjamin Carton, qui a le sens de la formule, «l’Allemagne est à l’Europe ce que la Chine est au monde».

Réplique allemande. A Berlin, on n’a pas aimé. Aux Grecs en déroute, des responsables ont répondu qu’ils n’avaient qu’à vendre leurs îles et l’Acropole. Quant à Christine Lagarde, la chancelière s’en est occupée personnellement dans une intervention au Bundestag: «Nous n’allons pas abandonner nos atouts sous prétexte que nos produits sont peutêtre plus demandés que ceux d’autres pays. Ce serait la mauvaise réponse à apporter à la question de la compétitivité de notre continent. Un gouvernement économique européen doit s’aligner sur les Etats membres les plus rapides et les meilleurs, pas sur les plus faibles.» Fin de la discussion. 

La comparaison avec la Chine tient la route sur le front des exportations: l’Allemagne est le deuxième exportateur mondial, juste derrière la Chine qui vient de la dépasser. Mais la référence devient ridicule quand on parle de rémunération du travail. Certes, la hausse des salaires a été nettement plus faible en Allemagne qu’en France ces dernières années. Mais, cotisations sociales comprises, «les deux pays font grosso modo jeu égal», dit Stéphane Garelli, professeur à l’IMD et à l’Université de Lausanne. Et en termes de revenu disponible brut, les consommateurs allemands sont mieux lotis. Non, Angela Merkel n’affame pas un sousprolétariat. Non, elle ne met pas les Allemands au pain et à l’eau. Ces succès à l’export, les Allemands les doivent au moins autant à l’augmentation de leur productivité qu’à la modération salariale. Au total, la France, qui faisait jeu égal avec l’Allemagne au début des années 2000 encore, s’est fait distancer de 20% en dix ans!

Barre élevée. On ne se plaignait pas de l’opulence allemande quand elle servait à faire décoller les économies des pays du sud de l’Europe après leur adhésion à l’Union européenne. On ne se plaint pas de l’Allemagne quand elle déverse, en tant que contributeur net le plus important de l’UE, des milliards d’euros dans les économies des nouveaux membres. Et quand elle a dû (et bien voulu) faire face au choc économique de la réunification, elle n’a rien demandé à personne. Elle s’est débrouillée toute seule. Mais maintenant que ses entreprises exportatrices sont dans les starting blocks pour profiter de la reprise économique, «on lui lance des piques, comme aux premiers de classe dans la cour d’école», déplore Stéphane Garelli.

Le problème, c’est que l’Allemagne fixe la barre très haut. Ces dix dernières années surtout, elle a pris des positions presque inexpugnables sur les marchés mondiaux. Bénéficiant du label «made in Germany» (fiabilité, robustesse, intégration des avancées technologiques les plus récentes…), et lui faisant toujours honneur, elle peut désormais également mettre en avant des prix revus à la baisse.

Dans un éditorial finement argumenté (sur Générationfrance. fr), l’ancien ministre UMP Jean-François Copé relève que les Français se sont tiré une balle dans le pied en misant prioritairement sur la consommation intérieure comme moteur de croissance, alors qu’elle a profité en bonne part aux exportateurs allemands! Et il égrène les atouts de l’Allemagne: elle bénéfice d’un soutien massif des banques des Länder pour les PME alors que les établissements français se concentrent sur les mammouths du CAC 40. Ces petites et moyennes entreprises sont deux fois plus nombreuses qu’en France. Leurs dirigeants ont fait de l’export une religion. Ils maîtrisent mieux l’anglais que leurs compétiteurs français. Leurs employés sont mieux formés, principalement grâce aux Fachhochschulen, alliant cours et expérience pratique. «Les PME françaises demeurent, elles, très domestiques, souligne Stéphane Garelli. Heureusement pour elle, la France compte davantage de grandes multinationales que l’Allemagne.»

Entre admiration et dépit, Nicolas Sarkozy est conscient du défi lancé à la France. Durant les premiers mois de son mandat en tout cas, il a pris une série de mesures donnant un peu de souffle aux entreprises françaises.

Nouvelles pistes. Le rapport Attali a ouvert de nouvelles pistes: liberté totale des prix, réduction des dépenses publiques, suppression des subventions aux «canards boiteux», amélioration et ciblage de l’enseignement, encouragement massif de la recherche, simplification de la délivrance d‘autorisations de travail pour les étrangers dont la France a besoin. Des thèses explosives. Cela n’a pas empêché Nicolas Sarkozy d’en tenir largement compte dans les objectifs de son «grand emprunt», notamment en mettant un fort accent sur l’enseignement et la recherche. Mais il faudra du temps, et de la continuité politique, pour mettre en place ce programme ambitionnant de placer la France parmi les pays les plus compétitifs du monde.

Les apparences sont trompeuses. Le «keynésien» Nicolas Sarkozy ne mise pas uniquement sur la demande intérieure et choisit, pour le moyen et le long terme, une amélioration de l’offre. Quant à Angela Merkel, elle n’est pas la sotte butée que les dirigeants français dépités aiment à dépeindre. Quand la crise l’a exigé, elle a lancé le programme de relance de la consommation le plus ambitieux d’Europe.

Alors pourquoi ce tohu-bohu au moment où les politiques économiques des deux pays semblent se rééquilibrer? Peut-être parce que la France craint de ne pas être à la hauteur de ses ambitions. Peutêtre parce qu’elle a besoin d’un bouc émissaire. Peut-être aussi, et surtout, parce qu’elle a davantage besoin de l’Europe et de l’euro que l’Allemagne. La France s’inquiète donc de voir plusieurs pays de la zone euro, bien plus mal lotis qu’elle, décrocher du peloton jusqu’au niveau de la voiturebalai en raison du rythme d’enfer imposé par le maillot jaune allemand. Chacun sent bien que c’est rien moins que l’euro, dans sa forme et sa composition actuelles, qui est en jeu. Christine Lagarde a le mérite d’avoir mis le doigt là où cela fait mal.

Par XAVIER PELLEGRINI – le 31.03.2010 l’hebdo 

EN COMPLEMENT : Nicolas Baverez : L’Allemagne, bouc émissaire du déclin francais (cliquez sur le lien)

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