La valorisation de plusieurs pays émergents est plus élevée que celle d’économies matures. A cela s’ajoute un risque de correction à court terme, l’optimisme des investisseurs étant au plus haut.
Selon certains experts, des prises de bénéfices sont sensées, au profit des actions européennes par exemple.
PLUS DEMERGENTS EN SUIVANT :
«Il est temps de prendre ses bénéfices sur les actions émergentes», estime Michel Juvet, stratège chez Bordier & Cie.
Certes, les économies en devenir affichent de meilleures performances économiques que les pays industrialisés. Elles profitent pleinement de la reprise mondiale, comme en témoigne la remontée de l’indice d’activité HSBC publié vendredi: production industrielle et entrées de commandes sont en hausse.
Les investisseurs sont enthousiastes. Les cours des actions émergentes ont doublé en un an, permettant à leur indice MSCI de passer de 470 à plus de 1030 points. Vendredi, la société d’études de marché EFPR Global a dit avoir constaté, sur une semaine, un afflux d’argent dans les fonds en actions émergentes au plus haut depuis près de six mois. Mais les valorisations boursières sont maintenant élevées, plus parfois que celles de grands marchés.
Ainsi, les Etats-Unis se négocient à 15,1 fois les bénéfices estimés pour 2010, selon les données de Bloomberg, alors que ce multiple est de 19,1 pour la Chine, 17 pour l’Inde, 15,8 pour la Malaisie et le Mexique. Il est vrai que d’autres pays sont moins chers, notamment la Russie, avec un multiple de 9,3 sur cette année, la Turquie (10,7) ou le Brésil (13,6).
Les bourses mondiales les plus performantes sur 1M/1AN/5 ans par région géographique avec leurs PER (cliquez sur le lien)
Le frein du dollar
Pour Michel Juvet, le surplus de croissance des pays émergents est déjà largement inclus dans les cours.
De plus, la situation monétaire y est défavorable. L’apparition de tensions inflationnistes tend à pousser le loyer de l’argent à la hausse et la progression des cours pourrait être freinée. Et le stratège pense que l’optimisme très élevé des investisseurs fait courir le risque de correction à court terme.
Michel Juvet n’est pas seul à être prudent.
Selon le dernier sondage de Bank of America Merrill Lynch auprès d’institutionnels, la part de ceux qui surpondèrent les marchés émergents est passée de 47% au début de l’année à 33% à début mars. Par exemple, Swisscanto a fortement réduit sa surpondération des actions émergentes, selon son stratège Thomas Härter.
Indicateur de Marché : Sondage Merrill Lynch Mars10 (cliquez sur le lien)
Citigroup observe pour sa part dans une étude récente qu’un dollar fort est synonyme de ralentissement de la progression des bénéfices des sociétés asiatiques et de sous-performance boursière de celles-ci. Or, le billet vert se raffermit. A cela s’ajoutent les craintes d’éclatement de bulle en Chine ou la nécessité, pour que la reprise économique dure, que la demande privée prenne le relais des soutiens des gouvernements, aux Etats-Unis notamment.
La bulle qui se prépare sera peut-être chinoise, alors faut il et comment investir en Chine ? (cliquez sur le lien)
Mais tous les spécialistes ne sont pas sceptiques. «Nous surpondérons les actions des pays émergents d’Asie, en raison de la dynamique de la région», relève Christoph Riniker, stratège chez Julius Baer. Il estime que les perspectives sont aussi favorables pour l’Amérique latine, mais que les élections qui s’annoncent cette année engagent à la prudence, soit une pondération en ligne avec la stratégie à long terme.
Devises sous-évaluées
De plus, les mesures de valorisation varient selon les estimations choisies. Pour Julius Baer, les actions émergentes présentent toujours une décote moyenne de 15% par rapport aux actions de pays développés. Thomas Härter observe aussi que, si l’on se projette dans trois ou quatre ans, les valorisations apparaissent plus raisonnables.
Et il faut mettre celles-ci en lien avec la sous-évaluation de nombreuses devises. Ainsi, la surévaluation des actions en Chine, d’un ordre de grandeur de 40%, se compare à une sous-évaluation du yuan de quelque 30%.
Le phénomène concerne toute l’Asie. Depuis la crise de 1997, celle-ci ne veut plus voir ses devises surévaluées, poursuit Thomas Härter. Une partie de la monnaie imprimée pour contenir les taux de change se déverse dans les marchés actions. «Cela peut continuer encore trois ou quatre trimestres, jusqu’à ce que la Fed commence à remonter ses taux d’intérêt. A ce moment il faudra devenir prudent», ajoute le stratège.
Toujours sur les valorisations, Hervé Prettre, responsable du conseil aux tiers gérants chez Credit Suisse à Genève, pense que les marchés émergents n’ont plus à être décotés, leurs finances et perspectives étant plus saines que celles des pays matures. Mais tous les experts ne sont pas de cet avis. Christoph Riniker pense ainsi qu’une décote est justifiée, même si celle-ci tendra à se réduire.
Reste la question de la volatilité plus élevée des actions émergentes. Selon Hervé Prettre, l’investisseur qui désirerait s’en prémunir peut jeter son dévolu sur des sociétés occidentales bien implantées dans les marchés émergents. Thomas Härter souligne pour sa part qu’une valorisation élevée concerne avant tout les grandes sociétés. Selon lui, le potentiel boursier des petites et moyennes entreprises est supérieur.
Pourquoi pas la Grèce?
De plus, l’Europe de l’Est, Hongrie mise à part, est intéressante et reste valorisé de manière intéressante. La Russie présente même une véritable décote de valorisation, ajoute Michel Juvet. Pour ce dernier, d’autres alternatives intéressantes sont le cash, dans l’optique d’une possible correction, les actions européennes, peu chères, les sociétés américaines, bénéficiant d’une reprise plus soutenue.
Pour l’investisseur suisse, les actions européennes permettent de profiter du pouvoir d’achat du franc face à l’euro, complète Thomas Härter. De ce point de vue, les actions britanniques semblent encore plus intéressantes. Et pour l’investisseur qui désirerait prendre des risques, le stratège suggère d’envisager les actions ou les emprunts grecs. En petite quantité, car le risque n’est pas nul.
Infographie. Rebond des marchés émergents : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/401ff818-45aa-11df-a32d-c50d2a0e8333/ (cliquez sur le lien)
source le temps avril10
EN COMPLEMENT :
Frontier markets à explorer
Les marchés en marge connaissent un sous-investissement chronique. Pour quel potentiel?
Les frontier markets ont marqué le pas en 2009, tant en regard des marchés émergents que des marchés développés. Pourtant, grâce à ses valorisations attractives, cette classe d’actifs inédite recèle des opportunités pour les investisseurs avertis.
De toute évidence, les marchés émergents sont devenus le moteur de la croissance mondiale. Le dynamisme de leurs économies, leur part croissante dans le commerce international et leur poids de plus en plus important sur les marchés actions mondiaux s’inscrivent dans une tendance fondamentale à long terme. Clairement sortis les premiers de la crise financière, ils ont attiré des flux de capitaux considérables émanant d’investisseurs en quête de perspectives de croissance plus élevées. Toutefois, tandis que les plus grands d’entre eux profitaient de l’essentiel des afflux, les «frontier markets» (en d’autres termes, les marchés «en marge») tombaient en disgrâce, accusant un retard aussi bien face aux marchés émergents qu’aux marchés développés en 2009. Les raisons fondamentales d’investir en priorité dans les marchés frontières n’en restent pas moins valables: une sous-capitalisation et un sous-investissement chronique, malgré un immense potentiel de croissance économique. L’endettement des entreprises et des ménages y a certes augmenté ces dernières années, mais reste modeste en comparaison internationale et, bien que le rythme de croissance ait été perturbé par la récession mondiale, il est peu probable que cela se poursuive.
Les risques couramment associés aux marchés frontières ont baissé, grâce à l’amélioration des politiques publiques. Cela s’illustre par l’ampleur de la diminution de la dette extérieure en pourcentage du PIB dans quasiment toutes les régions, tout particulièrement en Afrique, où elle est passée d’environ 70% à légèrement plus de 14% – même si l’essentiel de cette baisse peut être attribué à la décision du «Club de Paris» de soulager l’Afrique de la majeure partie de sa dette en 2001. En outre, les marchés frontières accusent de toute évidence un retard substantiel en termes de capitalisation. Pour l’heure, ils pèsent à peine plus de 1% de la capitalisation mondiale et conservent une marge importante, en termes de PIB, pour rattraper leurs homologues développés et émergents.
Ces dernières années, l’un des défis posés aux investisseurs a été la corrélation croissante entre classes d’actifs, d’où une diversification réduite. De même, la hausse des corrélations entre les marchés émergents les plus matures a poussé les investisseurs à rechercher d’autres possibilités de diversification. Néanmoins, la récente crise financière a démontré à quel point le monde devient corrélé en cas de ralentissement économique et lors du marché baissier qui s’ensuit.
A ce titre, les «frontier markets» continuent à offrir plus d’avantages en termes de diversification que leurs homologues émergents. De nombreuses raisons peuvent expliquer cette faible corrélation. Les marchés frontières conservent un caractère relativement local, guidé par leur propre dynamique interne, aussi bien au niveau économique que politique. Les investisseurs étrangers ont également tendance à y jouer un rôle moins actif.
Vu la nature particulière de ces marchés, leurs valorisations sont plus difficiles à estimer que pour d’autres classes d’actifs. Les investisseurs souffrent d’un manque de prévisions de bénéfices à la fois unanimes et fiables sur la plupart d’entre eux; même les valorisations historiques sont parfois difficiles à trouver. Depuis janvier 2008, MSCI calcule les P/E, P/B, rendement sur dividendes et ROE en mois glissants pour chaque marché. Aussi utiles soient-ils, ces chiffres peuvent pourtant induire en erreur, étant donné que
1) la plupart des indices pays ne comptent qu’une poignée de titres et seront donc fortement influencés par des événements propres aux entreprises; et que
2) ces marchés offrent généralement une faible visibilité sur les perspectives bénéficiaires.
Les données MSCI désormais disponibles donnent clairement à penser que les marchés frontières sont devenus bien plus abordables; pendant la baisse des marchés, le P/E en mois glissants sur la région a chuté de 17.8x (en février 2008) à 14.7x (en novembre 2008), tandis que le P/B est tombé à juste 1.4x.
Les marchés frontières sont par ailleurs nettement moins bien suivis par les analystes. Cette absence d’une recherche étendue engendre souvent des inefficiences de prix. Localement, des disparités de rendements assez importantes peuvent naître entre les titres. Une gestion active est donc de rigueur. Toute approche d’investissement requiert la capacité d’effectuer une recherche minutieuse et d’identifier des entreprises de haute qualité, faiblement endettées et dotées d’équipes dirigeantes à toute épreuve.
Joseph Rohm T Row Price avril10
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