Commentaire de Marché

Au-delà de l’impasse keynésienne Par Beat Kappeler

Au-delà de l’impasse keynésienne Par Beat Kappeler

Lorsque les dettes atteignent un point critique, la demande ne peut plus être relancée par des déficits encore croissants. C’est «the keynesian endpoint»

Le citoyen vote ce week-end en Suisse sur l’introduction d’un salaire minimal cantonal à Genève et à Neuchâtel.Si une initiative en cours aboutit, il devra aussi voter sur un salaire minimal national. Il a voté sur le calcul des rentes de retraite, en faveur d’un taux de conversion généreux. Le corps électoral suisse s’est accordé également l’assurance maladie pour la médecine dite «naturelle», c’est-à-dire vaudoue. Bref, de plus en plus souvent le citoyen essaie de s’octroyer par la voie des urnes des avantages qu’il n’est pas en mesure de se procurer sur le marché et par le travail.

 

Ce sera la ruine des démocraties occidentales, disent depuis un certain temps déjà des politologues désabusés. Entre-temps, avec l’endettement spectaculaire et ruineux de ces mêmes Etats, on ne peut pas leur dénier une perspicacité certaine.

PLUS DE KAPPELER EN SUIVANT :

Mais passons. Il y a plus sérieux encore. Si une économie nationale est en crise et compte beaucoup de chômeurs, on peut raisonnablement penser qu’une adaptation des conditions de travail contribue à la relance. Travailler mieux, travailler à d’autres postes, travailler pour un salaire moins important que celui du poste précédent biffé par le changement structurel, tout cela permet de recalibrer le marché du travail. Et la même flexibilité des prix vers le bas améliore les structures. Ou plutôt, cela permettait jadis ce changement structurel.

Or, au début du XXe siècle déjà, beaucoup de salaires et de prix ne tombaient plus assez bas pour relancer l’économie. C’est alors que John Maynard Keynes se résigna, devant les «sticky wages and prices» (des salaires et prix qui ne s’ajustent pas à la conjoncture), devant la persistance du chômage et du marasme économique, à prôner la relance de la demande par les déficits étatiques. On sait ce qui en est advenu: les politiciens ont saisi cette aubaine pour dépenser, mais pendant la bonne conjoncture ils ne repayaient jamais les dettes contractées. Les dettes étranglent les Etats aujourd’hui, et la sécurité promise s’est muée en une insécurité générale dans tout l’Occident.

Lorsque les dettes atteignent un point critique, la demande ne peut plus être relancée par des déficits encore croissants. C’est «the keynesian endpoint» que j’ai mentionné ici quand l’expression était formulée il y a une bonne année aux Etats-Unis. Pour sortir de cette impasse, il faut revenir à l’assainissement et à la revitalisation par des changements des prix et des salaires. Mais on ne l’applique que sur les pays du sud de la zone euro, car ils ne peuvent pas dévaluer leur monnaie comme avant. Par ce remède-ci, les pays avaient contourné une baisse directe des prix et salaires, la dévaluation les abaissant – en comparaison internationale – d’une manière générale et automatique.

Ainsi, ces pays et leur population doivent maintenant procéder à de telles «dévaluations internes» de leurs prix, salaires et pensions si longtemps refoulées. Les autres pays cependant lancent l’inflation interne et la dévaluation externe pour épargner des sacrifices directs et pour soulager aussi les dettes étatiques. C’est le cas des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’euro par rapport au reste du monde. Une course à la dévaluation, une «guerre des monnaies» s’ensuit. Voilà le trajet de l’Occident, qui partait de «sticky wages and prices» pour aboutir à la perte de toute notion de rigueur comptable et économique.

C’est depuis ce cadre plus général que je regarde avec inquiétude cette idée récente des Suisses de pouvoir répéter les errements des autres trente ans plus tard. Croire que tout peut être garanti politiquement est une stratégie sociale qui se dégonfle devant nos yeux, en Europe, aux Etats-Unis. Est-ce si difficile à voir? Ne ferait-on pas mieux de recalibrer l’offre – faire marcher les entreprises qui créent alors des emplois, éliminer les entraves pour fonder des entreprises, réduire les moult renchérissements imposés aux constructions, abolir Swissmedic qui chasse la recherche pharmaceutique et la production vers l’étranger et qui renchérit les médicaments? Allez voter, et votez bien.

source le temps nov11

Laisser un commentaire