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Jean Pierre Petit : FED /Quel contenu de l’Exit Strategy?

FED. La lecture de la politique monétaire américaine va être quelque peu compliquée d’ici quelques mois.

PLUS DE DETAILS ET DEXPLICATIONS EN SUIVANT :

La Fed, comme la plupart des banques centrales du monde développé, a considérablement gonflé son bilan durant la crise. Il y a eu en fait deux sortes de gonflement de bilan.

L’augmentation passive a consisté à mettre en place des facilités de crédit auxquelles les banques commerciales peuvent se refinancer si elles le désirent. En ce sens, cette politique correspond plus à une demande des banques commerciales puisque ce sont précisément elles qui sont responsables de la hausse de la base monétaire dans ce cas.

 La BCE avait été la première à le faire dès août 2007 en allouant des liquidités très importantes à très court terme pour ensuite étendre progressivement cette pratique à des échéances de plus en plus longues. La FED a suivi le mouvement et on a assisté à la mise en place de très nombreuses facilités de crédit (TAF,PDCF, TALF…).

L’augmentation active correspond à l’initiative unique de la banque centrale qui détermine précisément l’offre de crédit via des achats d’actifs ou des opérations plus traditionnelles d’open market.

La mise en place de cette phase a eu lieu en décembre 2008. Les achats directs d’actifs par la Fed (300 milliards de dollars de Treasuries, 1250 milliards de MBS et obligations d’agences,…) ont étéen effet engagés après le choc Lehman afin de maintenir des taux longs et taux mortgage à unbas niveau.

Aujourd’hui, la plus grande difficulté concerne le pilotage des taux d’intérêt sur le marché monétaire.

Dans les conditions normales, le Taux Fed Funds (taux d’intérêt directeur de la Fed) est compris entre le taux que la Fed paye sur les réserves (aucune banque n’acceptant de prêter à une autre banque en deça du taux qu’elle obtient sans risque) et le taux auquel les banques peuvent emprunter à la Fed (aucune banque n’empruntant plus cher qu’au taux qu’elle peut obtenir à la Fed, soit le taux d’escompte).

La Fed, pour injecter de la liquidité dans le marché (ou de façon équivalente pour acheter des titres en grande quantité), a fortement augmenté le niveau de réserves des banques. Il s’agit donc d’augmenter le contrôle de la Fed sur les taux court terme en limitant le montant de réserves excédentaires (i.e. disponible au jour le jour pour les banques) et la liquidité sur le marché des Fed Funds. Actuellement, le taux Fed Funds effectif est inférieur au taux payé par la Fed sur les réserves)

Ben Bernanke a détaillé début février les principales étapes que la Fed devrait suivre pour sortir du «Quantitative Easing», sans pour autant indiquer le moindre calendrier.

Notons cependant que la première phase a été entamée dès la mi Février.

a)Augmentation du «Discount rate» (taux d’escompte) : +25 pb réalisé le 19 Février 2010 (à0,75%).

L’augmentation du taux auquel les banques peuvent emprunter à la Fed permettra d’augmenterle coût pour les banques de se refinancer au près de la Fed et ainsi réduire progressivement  la surliquidité du système. L’impact sur les taux devrait être très faible. Si le premier mouvement a eu lieu, la Fed devrait poursuivre la remontée de ce taux par étape jusqu’à 100 pb au dessus du taux FF cible (i.e. 1,25% avec des taux FF à 0,25%), soit le spread d’avant la crise.

b) Réduction des réserves par des prêts de titres (reverse repo) et des facilités de dépôts à terme (Term Deposit Facilities).

 Pour faire baisser les taux longs et taux mortgage, la Fed a injecté des liquidités dans les marchés des obligationsd’Etat et des MBS. Pour financer les achats de ces titres, elle a augmenté les réserves des banques. L’excès de liquidité, en particulier auprès d’institutions financières n’ayant pas accès aux dépôts de la Fed (Fannie, Freddie et les GSE’s), a entraîné les Fed Funds en dessous du taux que le Fed paye sur les réserves (dans la mesure où les GSE’s ont placé une partie de leurs excès dans les bons du Trésor). Dès lors, pour que les décisions de la Fed puissent se transmettre aux taux courts, cette dernière doit retirer l’excédent de liquidité sur le marchédes Fed Funds.

c) Augmentation du taux payé sur les réserves des banques

Après avoir réduit les réserves excédentaires des institutions n’ayant pas accès aux refinancements de la Fed, le taux des Fed Funds sera égal à celui payé par la Fed sur les réserves. Dès lors, pour que les décisions de resserrement de la Fed se traduise dans les taux courts (ce qu’elle ne peut plus faire directement en ciblant un taux Fed Funds à cause de l’excédent de dépôts bancaires), la Fed augmentera le taux qu’elle paye sur les réserves (et donc le taux des Fed Funds). Notons que cela permettra à la Fed de maintenir un montant de réserves bancaires élevées, ce qui lui est nécessaire pour pouvoir financer les titres de crédit qu’elle détient (MBS, …).

d) Fin du renouvellement de l’achat de Treasuries (déjà partiellement le cas) et de MBS.

Le but est de diminuer le bilan de la Fed en ne renouvelant pas les obligations du Trésor ou les MBS arrivant à maturité. Dès lors, l’encours de ces titres détenu par la Fed diminuera, de même que son bilan ainsi que les liquidités injectées dans ces marchés de crédit.

La Fed disposait début 2010 d’un portefeuille d’actifs financiers à la fois d’un montant très important (multiplié par 4 en 1 an et demi), d’une maturité moyenne en forte augmentation (supérieur à 7 ans et demi, contre moins de 4 ans et demi historiquement) et dont la liquidité est moindre (52% du portefeuille étant composé de MBS, bien moins liquides que les Treasuries).

Dès lors la réduction du bilan de la Fed prendra plusieurs années._

JEAN-PIERRE PETIT  économiste et Stratégiste de marchés

 EN COMPLEMENTS INDISPENSABLES :

La Fed entame l’assainissement de son bilan en relançant son dispositif de financement

La banque centrale va relever de 5 à 200 milliards de dollars le Supplementary Financing Program. Une décision qui permettra de réduire ses réserves

L’assainissement du bilan de la Fed, qui flirte avec les 2.300 milliards de dollars, est lancé. Mardi, la banque centrale a annoncé la réutilisation du Supplementary Financial Program (SFP), son dispositif qui lui permet depuis l’automne 2008 d’émettre des bons du Trésor sans qu’il y ait de création de monnaie par la voie traditionnelle des réserves. La Fed va relever à 200 milliards de dollars le solde du SFP actuellement figé à 5 milliards. Le Trésor organisera huit adjudications hebdomadaires de bons SFP de 25 milliards de dollars et de maturité 56 jours. La première adjudication a eu lieu hier.

Le recours au SFP confirme aussi la volonté de la Fed de retirer les liquidités du système financier. Le cash issu des ventes de bons est déposé dans le compte du Trésor à la Fed et est inscrit au passif de la banque. La hausse de cette trésorerie réduit donc mécaniquement les réserves excédentaires dans le système.

Après Lehman Brothers, le solde du SFP a été porté à 500 milliards de dollars pour aider la Fed à financer la première phase d’extension de son bilan. Entre février et septembre 2009, il a été abaissé à 200 milliards. Mais depuis octobre, ce sont les réserves excessives qui ont financé les achats par la Fed de titres hypothécaires (MBS). Celles-ci s’élèvent actuellement à un pic de 1.202 milliards de dollars.

Pour BNP Paribas, le relèvement du SFP permettra à la Fed de stériliser une partie de son bilan étendu, de réduire de 200 milliards les réserves excessives et de rétrécir les conditions de liquidité jusqu’à un certain degré. D’après Barclays, plus le Trésor émettra de bons SFP, plus les réserves baisseront, plus le taux effectif des Fed funds traitera à des niveaux élevés. Selon SG CIB, la Fed «souhaite se faire une idée de la sensibilité réelle du taux effectif des Fed funds à l’assainissement des réserves et du corridor entre le taux d’escompte et le taux d’intérêt des réserves». Selon la banque, la Fed pourra ainsi «calibrer la vitesse à laquelle elle assainira les réserves avec les « repo » inverses et ensuite les dépôts à terme».

Pour d’autres, l’effet pratique du relèvement du SFP est que la Fed sera capable, grâce à la trésorerie récoltée, d’atteindre son objectif de 1.250 milliards de dollars d’achats de MBS sans faire marcher la planche à billets. Au 17 février, ceux-ci s’élevaient à 1.025 milliards.

Tân Le Quang – 25/02/2010 agefi

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L’arsenal de la Fed

La Réserve fédérale (Fed) a pleinement joué son rôle de fournisseur de liquidité en dernier ressort après la faillite de Lehman Brothers. En outre, la banque centrale a fait tourner la planche à billet pour financer ses achats d’actifs. Il en a résulté un gonflement sans précédent de la taille de son bilan. Les mesures prises ont été couronnées de succès, contribuant en particulier à ramener le calme sur les marchés interbancaires. Mais à mesure que la situation macrofinancière se normalise, la Fed doit désormais convaincre les marchés que sa politique ne menace pas de générer de l’inflation.

Nous revenons sur l’arsenal des mesures dont elle dispose pour neutraliser les liquidités excédentaires. La remontée du taux des fed funds n’arrivera qu’en bout de course.

Surveiller non seulement les taux…

Avec l’autorisation de rémunérer les réserves des banques, le cadre opérationnel de la politique monétaire a profondément changé. La Fed dispose désormais d’un corridor : le taux de rémunération des réserves (IOER, actuellement à 0,25%) en représente le plancher et le taux d’escompte le plafond. En effet, le taux auquel les banques s’échangent les réserves au jour le jour (le taux effectif des fed funds) est censé, par arbitrage, évoluer dans ce corridor. A court terme, on notera toutefois que l’arbitrage est mis à mal dans la mesure où les Agences (Fannie Mae, Freddie Mac…) disposent de réserves auprès de la Fed qui ne peuvent pas être rémunérées. Elles les offrent donc sur le marché à un taux inférieur à l’IOER.

La hausse du taux d’escompte (de 0,50% à 0,75%) le 18 février est à juste titre présentée comme une mesure technique qui n’affecte pas les conditions monétaires.

Ce taux plafond auquel les banques peuvent se refinancer auprès de la Réserve fédérale si elles n’y parviennent pas aux conditions de marché n’est en pratique plus guère utilisé. Il s’agit toutefois d’un geste symbolique (on remonte le plafond avant de toucher au plancher) qui marque le début des opérations de normalisation de bilan qui s’imposent pour ancrer les anticipations d’inflation. En effet, les achats d’actifs réalisés par la Fed représenteront plus de $1700 Mds d’ici fin mars. En contrepartie, les réserves excédentaires des banques se sont envolées à plus de $1100 Mds. Ces liquidités étant disponibles en théorie pour réaliser de nouveaux crédits, la Fed doit convaincre qu’elle dispose de moyens pour les neutraliser rapidement. La remontée de l’IOER est une arme dont elle entend se servir, ce dernier pouvant même remplacer temporairement le taux des fed funds comme taux directeur.

 …mais aussi l’ensemble du bilan de la Fed

Mais ce moyen n’est pas le seul, loin s’en faut. La Fed dispose d’un véritable arsenal de mesures permettant de drainer la liquidité.

 Tout d’abord, il y a l’option classique de « reverse repo » : il s’agit de vendre des d’actifs avec l’engagement de les racheter ultérieurement à un prix préalablement fixé par enchère. Les titres adossés à des créances hypothécaires (MBS) achetés par la Fed seront éligibles et elle examine la possibilité d’élargir les contreparties pour ce type d’opérations aux fonds monétaires et aux agences hypothécaires.

Deuxième moyen : une facilité de dépôt pour les banques devrait voir le jour (les réserves des banques seraient ainsi bloquées dans un compte à terme).

Troisième moyen : en accord avec la banque centrale, le Trésor a décidé le 23 février de relancer son programme d’émission de bons ($200 Mds sur les 2 prochains mois) pour l’aider à drainer la liquidité. En pratique, les recettes issues de ces émissions seront déposées par le Trésor dans un compte spécial à la Fed (SFP).

 Enfin, la Réserve fédérale pourrait décider de procéder à des ventes fermes d’actifs, notamment de MBS. Ces ventes, qui diminueraient directement la taille de son bilan, exerceraient une pression haussière sur les taux à long terme. Bien que cette dernière option soit explicitement envisagée, il nous semble qu’elle vise surtout à convaincre les marchés de la « puissance de feu » de la Fed et qu’elle ne sera utilisée qu’en tout dernier lieu.

En définitive, la stratégie de sortie est plus transparente. Reste toutefois en suspens la question du calendrier de la remontée des taux d’intérêt qui taraude les investisseurs. Ces derniers se focalisent exagérément sur la « promesse » du FOMC de maintenir « le taux des fed funds à un niveau exceptionnellement bas pendant une période prolongée ». Plusieurs membres de la Fed ont en effet laissé entendre qu’il s’écoulerait au moins 6 mois entre la suppression de cette phrase du communiqué et la remontée du taux cible des fed funds. Il faut toutefois bien comprendre que l’ensemble des opérations de drainage de la liquidité menacent d’avoir un impact avant. Et ce d’autant plus que la Réserve fédérale n’exclut pas de remonter l’IOER en parallèle, ce qui exercerait une pression haussière sur l’ensemble des taux courts bien avant la remontée du taux cible des fed funds !

La Fed est ainsi parvenue, en détaillant son arsenal, à se délier les mains. Au vu des données économiques récentes, il est clair qu’il est encore trop tôt pour remonter les taux d’intérêt. Mais à mesure que la conjoncture s’améliorera, notamment sur le front de l’emploi, la Fed pourrait songer à accélérer son calendrier. L’examen des opérations menées au bilan va s’avérer plus que jamais nécessaire pour décrypter ses intentions

par Didier Borowski, économiste chez Amundi Asset Management 2 mars 2010

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