S’il y a un message à faire passer à M.Papandreou, c’est que le silence est d’or. Le Premier ministre grec a appelé jeudi les responsables européens à s’accorder sur un mécanisme d’aide financière la semaine prochaine afin de laisser à son pays un peu de marge de manoeuvre pour mettre en place ses réformes.
Mais chaque fois que M.Papandreou intervient pour se plaindre du manque de soutien de l’Union européenne envers son pays, ou laisse entendre qu’il pourrait demander l’aide du Fonds monétaire international, il complique encore davantage le financement du déficit de la Grèce.
PLUS DE CREDIBILITE EN SUIVANT :
M.Papandreou redoute que le coût élevé des emprunts n’atténue l’impact des mesures budgétaires strictes déjà annoncées. Si cette inquiétude est légitime, il n’en reste pas moins qu’en insistant autant sur la nécessité d’un soutien pour diminuer le coût de la dette, il risque fort de provoquer ce qu’il craint le plus en faisant germer l’idée dans l’esprit des investisseurs que la Grèce a des problèmes pour accéder au marché, alors que manifestement, elle n’en a aucun. La Grèce a déjà vendu pour 13 milliards d’euros d’obligations cette année, et la dernière adjudication d’emprunts en date, qui remonte à tout juste deux semaines, a remporté un vif succès.
Certes, la Grèce paie actuellement le prix fort pour emprunter. Les émissions obligataires lancées cette année ont été rémunérées à plus de 6%. A titre de comparaison, l’Allemagne paie environ 3% sur ses emprunts à dix ans, et le taux de base appliqué par le FMI sur les prêts qu’il consent s’élève à 1,25%, bien qu’il y ait un supplément non précisé pour les prêts importants. Mais le coût de la dette grecque est déjà en train de diminuer. Ses obligations à dix ans ont un rendement de 280 points de base supérieur à celui de la dette allemande, soit bien moins que les 400 points de base enregistrés à leur plus haut en janvier. Et cet écart pourrait continuer de s’amenuiser à mesure que le pays retrouve une crédibilité budgétaire.
Jean Pierre Petit : De la crédibilité budgétaire (I) (cliquez sur le lien)
Jean Pierre Petit : la crédibilité budgétaire. (II) (cliquez sur le lien)
Il y a toutefois une limite à la baisse des rendements. L’Irlande, qui a des difficultés budgétaires similaires et un système bancaire en déroute, mais jouit d’une plus grande crédibilité auprès des marchés et affiche des notes de crédit bien plus élevées, paierait environ 130 points de base de plus que les Bunds allemands pour emprunter des fonds sur dix ans.
Trappe à Dettes : L’Irlande, ou le douloureux exemple de la rigueur (cliquez sur le lien)
En outre, le marché sait que la Grèce doit faire face à des échéances de remboursement en avril et mai d’un montant de 16 milliards d’euros. Tous ces éléments font que l’écart entre les emprunts grecs et les Bunds pourrait se réduire au mieux à environ 180-200 points de base à moyen terme.
Marché obligataire : Les pays périphériques européens à la traîne sur leur programme d’émissions d’obligations 2010 (cliquez sur le lien)
Cependant, les erreurs de communication de M.Papandreou constituent un obstacle majeur à ce que le coût de la dette atteigne de tels niveaux. Au lieu de rassurer le marché, il risque fort de soulever de nouvelles questions sur la crédibilité du pays et sa capacité à accéder aux marchés. S’il souhaite réellement réduire le coût de l’emprunt, il lui faudra reconnaître qu’il n’y a pas de raccourci – et pas d’alternative – aux réformes difficiles que la Grèce a si longtemps esquivées.
Richard Barley Wall Street Journal mars2010
EN RAPPEL :
Jean Pierre Petit : Vous avez dit crédibilité ?
La correction des marchés en janvier-février a montré l’importance de la crédibilité budgétaire des Etats occidentaux, c’est-à-dire de la vraisemblance de leur engagement à réduire efficacement les déficits et dettes publiques dans l’avenir.
L’attention s’est focalisée sur la Grèce, voire sur quelques pays périphériques, mais c’est en réalité la thématique générale de l’insoutenabilité de la dette souveraine des pays riches qui a suscité des craintes. Avec, en arrière-plan, le sentiment que la croissance des pays riches au cours des prochaines années ne sera pas suffisante pour assurer une réduction significative des déficits, compte tenu notamment d’autres contraintes structurelles comme le vieillissement dont les incidences seront plus fortes dans les années 2010 qu’antérieurement.
A cela s’ajoutent l’absence de fort potentiel de baisse des taux longs (contrairement aux années 80 et 90) et la quasi-impossibilité d’avoir des politiques monétaires beaucoup plus expansives qu’aujourd’hui.
Par ailleurs, un certain nombre d’effets pervers sur l’activité et liés à la progression vertigineuse de la dette publique sont intégrés par les marchés : hausse de la pression fiscale, rationnement non rationnel de certaines dépenses, hausse de l’effort d’épargne (en anticipation de hausses d’impôts futurs), captation de l’épargne au profit de l’Etat…
Pour l’Europe, il y a des circonstances aggravantes. La quasi-simultanéité des programmes de stabilité budgétaire (imposés par le traité) jouera contre les perspectives d’activité. De plus, le sentiment général est que les pays d’Europe continentale ne bénéficieront pas d’une considérable baisse du taux de change (dont avaient pu bénéficier des pays comme la Suède, le Canada, ou le Royaume-Uni dans les années 90) et que les Etats-Unis seront par ailleurs « avantagés » par une croissance potentielle plus forte, le « bas » niveau des recettes courantes (31,3 % du PIB contre 44,9 % dans la zone euro), l’homogénéité et la profondeur de leur marché obligataire ainsi que par le dollar qui restera la seule véritable monnaie de réserve internationale.
Le problème du concept de crédibilité est son caractère subjectif et qualitatif. Car la crédibilité est avant tout la capacité de convaincre indépendamment du contenu de l’action elle-même. Cela va donc bien au-delà des critères utilisés par les agences de rating.
Quels sont les éléments déterminants de la crédibilité budgétaire ?
Le premier concerne la performance passée du pays considéré et en premier lieu son track record. L’Irlande, qui a déjà connu des crises de dette publique qu’elle a résolues, a été épargnée par les derniers soubresauts des marchés. Le Royaume-Uni a également su dans le passé (début des années 80 et 90) gérer ses crises de finances publiques. L’Allemagne a une tradition de plus grande rigueur. Rappelons aussi l’importance, dans ce cadre, du caractère sincère et transparent des comptes, facteur qui « condamne » durablement la Grèce aujourd’hui.
Beaucoup dépend aussi de la « qualité » des annonces et engagements futurs. Un point essentiel concerne la capacité politique réelle des autorités à mettre véritablement les mesures adéquates en place. C’est pourquoi, aujourd’hui, le Portugal ou la Grèce, voire l’Espagne, peuvent subir une prime spécifique. Il pourrait en aller de même au Royaume-Uni si aucune majorité claire ne se dégageait des élections du printemps prochain.
Le contenu et la forme des programmes d’ajustement budgétaire importent aussi grandement : ainsi en va-t-il du caractère politiquement « courageux » de certaines mesures, notamment la baisse de certaines dépenses (salaires des fonctionnaires par exemple).
La précision et le calendrier du programme de consolidation budgétaire constituent également des arguments additionnels importants. Quant aux obligations légales ou constitutionnelles que les pays s’imposent en vue d’assurer l’intangibilité de leur choix (objectif institutionnel de ramener le déficit public/PIB à moins de 0,35 % à partir de 2016 en Allemagne par exemple), elles peuvent jouer un rôle mais celui-ci n’est que complémentaire aux autres critères. Il serait ainsi illusoire de compter sur un quelconque effet du Pacte de stabilité et de croissance en France alors que ce pays n’a pas été en mesure d’exécuter un seul budget en équilibre depuis 1974.
On parlera beaucoup de crédibilité budgétaire au cours des prochaines années et cela ne constituera pas un critère d’efficacité pour les marchés financiers exclusivement. La crédibilité limitera aussi les attitudes excessivement précautionneuses ou prudentes (hausse de l’effort d’épargne en anticipation d’impôts futurs), ainsi que les comportements d’évasion de la sphère marchande officielle ou de fuite des capitaux et des cerveaux. En d’autres termes, la crédibilité déterminera pour beaucoup à la fois l’acceptation par l’opinion et les agents économiques des efforts d’ajustement à venir et les conditions économiques de leur efficacité.