Pétrole : Bahreïn beaucoup plus inquiétant que la Libye
Le panier de l’Opep, qui rassemble douze qualités de pétrole, a redépassé les 100 dollars et retrouvé son niveau de septembre 2008. En cause, surtout : les troubles en Libye, l’un des principaux exportateurs d’or noir du cartel.
Le prix du panier de douze qualités de pétrole brut qui sert de référence à l’Organisation des pays exportateurs de pétrole a franchi la barre des 100 dollars pour la première fois en deux ans et demi, à 100,59 dollars, selon un communiqué diffusé mardi.
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Ce prix de référence est une compilation de prix constatés lundi, alors que les tensions s’exacerbaient en Libye, l’un des principaux pays exportateurs de l’Opep. Il était de 99,08 dollars vendredi. C’est la première fois que le cours de référence de l’Opep franchit la barre des 100 dollars depuis septembre 2008. Il avait atteint un record historique quelques semaines auparavant, à 140,73 dollars (le 4 juillet).
Ce panier de brut prend en compte les divers bruts produits par les membres de l’organisation: Saharan Blend (Algérie), Girassol (Angola), Oriente (Equateur), Iran Heavy (Iran), Basra Light (Iraq), Kuwait Export (Koweït), Es Sider (Libye), Bonny Light (Nigeria), Qatar Marine (Qatar), Arab Light (Arabie Saoudite), Murban (Emirats arabes unis) and Merey (Venezuela).
Il peut donc différer sensiblement des deux qualités de brut qui font référence sur les marchés des matières premières, le Brent de la mer du Nord (pour l’Europe) et le West Texas Intermediate (pour l’Amérique du Nord). Mardi matin, le Brent de la Mer du Nord pour livraison en avril s’échangeait à 106,95 dollars, alors que le WTI pour livraison en mars valait 92,65 dollars.
Après les troubles en Egypte qui menaçaient moins la production d’hydrocarbures – relativement mineure – que la route stratégique du canal de Suez, les troubles s’étendent maintenant à un véritable acteur pétrolier : le 4ème producteur de brut en Afrique, après le Nigeria et l’Angola et l’Algérie.
Le premier, pour les réserves : le pétrole libyen est en outre un pétrole d’une qualité particulière ; s’il venait à manquer, une partie de l’approvisionnement, en premier lieu européen, serait bouleversé. Il faudrait adapter à nouveau la logistique, le circuit de raffinage.
Pour l’heure, à part la grève sur le gisement de Nafoora opéré par la compagnie nationale libyenne dans le bassin de Syrte, la production ne serait pas perturbée à plus de 3%, selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie. Les compagnies étrangères présentes sur le sol libyen, dont le français Total, ont bien annoncé qu’elles allaient évacuer tous ou une partie de leurs expatriés. Mais sans impact sur leur production, pour l’instant, assurent-elles.
Les gisements sont situés dans des régions éloignées des émeutes urbaines, que ce soit pour Total la plate-forme offshore d’Al-Jurf au nord-ouest du pays, ou le champ de Mabrouk dans le grand bassin de Syrte. Ce sont, reconnaît un expert, plutôt les oléoducs ou les dépôts, en aval, qui pourraient être le plus facilement touchés par les déprédations ou les grèves et alors contrarier les expéditions par tankers.
Ce sont donc des menaces plus que des perturbations réelles de la production qui inquiètent les marchés. Les opérateurs observent avec angoisse la contagion de la révolte dans les pays arabes. La Libye ne pèse encore que 2% de la production mondiale de pétrole. Mais qu’arriverait-il si les Etats du golfe Arabo-Persique, au premier rang desquels l’Arabie Saoudite, qui produit dix fois plus, étaient à leur tour déstabilisés…
Bahreïn beaucoup plus inquiétant que la Libye
La proximité avec l’Arabie Saoudite rappelle que le plus grand risque pétrolier actuel vient de cette région.
Les évènements en Lybie ne mettent pas réellement en cause les approvisionnements mondiaux.La Libye est le quinzième exportateur de pétrole et avec 1,5 million de barils par jour représente 2% des exportations nettes mondiales. C’est le quatrième producteur africain derrière le Nigeria, l’Algérie et l’Angola même si elle possède 3,3% des réserves prouvées de pétrole'(les 1ères en Afrique)
Une rupture des approvisionnements en provenance de Libye peut créer un goulot d’étranglement temporaire dans une industrie qui fonctionne à flux tendus mais elle ne menace pas réellement l’équilibre global. D’autant que les réserves des Etats-Unis sont au plus haut depuis cinq ans. Les ministres de l’OPEP, réunis à Riyad aujourd’hui à l’occasion du Forum mondial de l’énergie, se sont déclarés prêts à intervenir si nécessaire. Tant les Emirats Arabes Unis que le Koweit et l’Arabie Saoudite se sont mis d’accord pour déclarer qu’ils ne laisseraient pas s’installer une pénurie de l’offre de pétrole. David Fyfe, chef de la division du Marché pétrolier à l’Agence internationale de l’Energie (AIE), a annoncé aujourd’hui a Londres que les gouvernements membres de l’agence avaient 1,6 milliards de barils de réserves, suffisamment pour fournir 4 million de barils par jour pendant un an. L’AIE regroupe 28 pays dont la Suisse, membre depuis 1974, et les Etats-Unis.
Le centre de la préoccupation des marchés est en réalité la possibilité d’une dégradation de la situation en Arabie Saoudite. Avec 8,1 millions de barils par jour et surtout 3,5 millions de capacité non utilisée, l’Arabie est le deuxième exportateur mondial. Les émeutes à Bahreïn – à la frontière de l’Arabie – font peur. S’il y a contagion, la situation enflammera durablement les cours. C’est certainement ce que les marchés craignent le plus.
Source RFI+Agences