Risque Nucleaire/Japon : Peur à long terme autour de Fukushima
L’opérateur de la centrale nucléaire affirme avoir besoin de neuf mois pour refroidir les réacteurs endommagés. La population évacuée, pendant ce temps, ne pourra pas réintégrer la zone d’exclusion
Arrivée dimanche à Tokyo en provenance de Corée du Sud, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a obtenu un début de réponse à la peur diffuse toujours ressentie par les pays voisins de l’Archipel, surtout depuis le versement d’environ 11 000 tonnes d’eau radioactive dans l’océan opéré le 10 avril au large de Fukushima.
Pour la première fois depuis le tsunami du 11 mars à l’origine du plus grave accident nucléaire de l’histoire depuis la catastrophe de Tchernobyl, la direction de Tepco – la firme propriétaire de la centrale – a en effet annoncé hier son plan pour sortir de la crise. Assorti d’un calendrier: trois mois pour commencer à réduire la radioactivité, et neuf fois au maximum pour refroidir les réacteurs endommagés.
PLUS DE RISQUE EN SUIVANT :
Cette annonce de Tepco n’est en soi guère rassurante. Quelque 80 000 personnes ont été évacuées du périmètre de sécurité de 20 km (puis 30) depuis la première explosion survenue à Fukushima 1, et leur retour apparaît déjà impossible aux experts avant l’automne 2012. Beaucoup de questions se posent en outre sur la contamination des sols autour de la centrale, alors que des milliers de tonnes d’eau continuent d’être déversées quotidiennement sur les enceintes fissurées des trois réacteurs endommagés et dans les piscines où sont stockés les déchets. Quelque 60 000 tonnes d’eau hautement radioactive empêchent toujours les techniciens d’accéder aux bâtiments pour rétablir l’alimentation électrique des pompes.
Le plan de Tepco prévoit dans les trois prochains mois de stocker cette masse d’eau contaminée dans un ancien bassin de retraitement des déchets ordinaires, puis de la filtrer. Ce qui laisse perplexe. L’introduction d’un système d’évacuation de la vapeur qui continue d’émaner des réacteurs interviendra ensuite pour permettre la remise en marche des systèmes de refroidissement, balayés par le tsunami. Un conseiller du premier ministre japonais Goshi Hosono a toutefois affirmé que cette phase de l’opération serait très délicate. Le gouvernement nippon s’est d’ailleurs engagé à tenir régulièrement informés les pays riverains des mesures de radioactivité et des futurs rejets d’eau contaminée dans l’océan Pacifique.
La seconde étape du plan consistera à recouvrir les enceintes où se trouvent les réacteurs d’une enveloppe protectrice, après la destruction des bâtiments déchiquetés par les explosions. Ce qui suppose d’accéder à proximité des zones les plus radioactives. Or, là aussi, des doutes subsistent. Aucune indication n’a par exemple été donnée par les ingénieurs japonais sur le matériau qui sera utilisé. Il ne s’agira toutefois pas, a expliqué la direction de la firme, d’un sarcophage «type Tchernobyl». L’utilisation de béton interviendrait seulement à «moyen et long terme». La division du plan en deux phases, alors que tout ce travail devrait être fait parallèlement, soulève aussi des questions.
La situation, en tout cas, n’est toujours pas sous contrôle. Ces derniers jours, un rapport d’un institut d’études atomiques de Tokyo affirmant que le carburant des réacteurs concernés était bien entré en fusion et que des résidus granuleux reposent désormais au fond des cuves a été aussitôt rejeté par l’Agence officielle de sécurité nucléaire.
La polémique se poursuit aussi sur les conséquences pour les populations des fuites radioactives. Pour Greenpeace, dont deux équipes viennent d’achever une mission de mesures aux alentours de la centrale de Fukushima, une augmentation importante des cancers est prévisible. «Les populations ont un urgent besoin d’informations, a confirmé au quotidien belge Le Soir l’un de ses experts, Jan Van De Putte. Nos mesures sont en cohérence avec celles du gouvernement. Pas notre analyse. Sans aller jusqu’à l’évacuation, une zone de 60 à 70 km autour de la centrale devrait faire l’objet de mesures de précaution supplémentaires.» Un avertissement pris très au sérieux par les autorités de la province de Fukushima, dont le chef-lieu est à 58 km de la centrale.
Le lent poison de Fukushima n’est par conséquent pas près de disparaître. Tepco, assailli de critiques depuis le début de la crise, a annoncé le déblocage d’environ 500 millions d’euros pour les 50 000 premiers évacués de la zone des 20 km. Une somme qui sera, à l’évidence, très vite insuffisante.
Par Richard Werly bruxelles/le temps avril11
Au fil du temps
Mercredi, Tepco avait terminé de transférer de l’eau contaminée, environ 660 tonnes, du tunnel vers le condenseur d’une turbine. Cette opération avait permis d’abaisser de 8 cm le niveau d’eau dans le tunnel. Mais samedi matin, le niveau a de nouveau augmenté, dépassant de 2,5 cm celui précédemment enregistré. Il doit y avoir une fuite quelque part.
Selon le Gouvernement, la radioactivité a fortement augmenté dans le Pacifique. Cette nouvelle hausse pourrait provenir d’une nouvelle fuite en provenance de la centrale. Les quantités de Iode-131 sont 6’500 fois supérieures à la limite légale et les quantités de Césium-134 et 137 ont été multipliés par 4.
Ce samedi, les liquidateurs ont commencé à déverser des sacs de zéolithes dans la mer. Ce minerai a la particularité d’absorber la radioactivité du Césium.
Samedi matin, une secousse tellurique de 5,9 a secoué le nord de Tokyo
A court d’idées et de solutions, Tepco tente de gagner du temps et annonce qui lui faudra au moins 6 à 9 mois pour reprendre le controle des Réacteurs de la Centrale de Fukushima et environ trois mois pour commencer à réduire la radioactivité.
Ce dimanche des robots américains vont tenter de pénétrer dans les réacteurs pour prendre des images et mesurer la contamination.
Le niveau de la radioactivité de l’eau souterraine est en constante augmentation depuis samedi . Cette eau hautement contaminée pourrait venir des fuites du Réacteurs 2. Si le niveau de l’eau continue de monter, elle pourrait à nouveau se déverser dans le Pacifique.
De son côté, le CEO de Tepco, Masataka Shimizu, pourrait prochainement laisser sa place. Depuis le début de la catastrophe, M. Shimizu a brillé par son absence et son congé maladie pour raison de stress.
EN LIEN : http://www.2000watts.org/
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Risque Nucléaire /Japon : Indemnités aux victimes de Fukushima
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