Agences de Notation

L’Edito : Les racines de l’inflation sont plus solides que celles des green shoots Par Bruno Bertez

L’Edito : Les racines de l’inflation sont plus solides que celles des green shoots Par Bruno Bertez 

 

  Permettez-nous, avant d’entrer dans le vif de cette chronique, avant de vous livrer le plat de résistance, de vous faire cadeau d’une petite friandise. Le Global Financial Stability Report du FMI a été publié mercredi dernier. Il nous dit que la stabilité financière globale s’est considérablement améliorée au cours des six derniers mois. Ce sont les mêmes personnes qui,  trois mois avant le déclenchement de la grande crise des subprimes, nous affirmaient « la croissance mondiale repose sur des bases solides ».

DSK juge les bases de la croissance mondiale solides

01/10/2007 à 18h15

PARIS (Reuters) – Les bases de la croissance mondiale sont aujourd’hui solides et les conséquences des récentes turbulences financières ne devraient pas être dramatiques, a estimé lundi Dominique Strauss-Kahn, directeur général désigné du Fonds monétaire international (FMI). « Le choc que nous continuons de vivre à la suite de la crise du marché hypothécaire américain va certes avoir des effets sur la croissance mais je ne pense pas qu’on puisse les mesurer aujourd’hui (…) Je ne pense pas que ces effets soient dramatiques », a expliqué Dominique Strauss-Kahn. »Sans doute l’année qui vient sera-t-elle encore une année dans laquelle les pays émergents vont tirer la croissance mondiale » ce qui justifie leur revendication d’avoir plus de poids dans les institutions internationales « Au bout de l’année 2008 « nous en serons je crois encore pour la croissance mondiale à un taux très honorable », a-t-il déclaré dans les locaux européens du FMI.

Inquiétant, n’est ce pas. Inquiétant d’oser prétendre que la stabilité financière du monde s’est améliorée alors que les Etats-Unis ont dépassé le plafond de leur dette autorisée de 14,2 trillions, alors que les mêmes Etats-Unis viennent de se voir menacer d’une dégradation de leur notation de crédit, alors que la Chine vient de dépasser les 3 trillions de réserves, alors que la croissance des réserves mondiales, base de l’inflation, s’effectue au rythme de 19% l’an, alors que l’épargne américaine est redevenue nulle, alors que les taux d’intérêt sont maintenus à zéro, alors que l’inflation accélère partout, etc. Nous laissons au FMI la responsabilité ou plus exactement l’irresponsabilité de ses affirmations. Simplement, nous vous demandons de garder présent dans un coin de votre mémoire ce qui, au mieux est une déclaration de propagande, au pire une imbécillité.

YWC

Ayant déjà consommé le dessert, passons au plat de résistance.

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT :

Nous avons conclu notre chronique de la première semaine d’avril sur une note équilibrée : « sur fond haussier de l’indice S&P500, nous pensons que temporairement les chances de gains et les risques de pertes, pour les opérateurs à court terme s’équilibrent ».

Cette neutralité s’est avérée fondée puisque notre indice de référence a varié dans d’étroites limites sans jamais réussir à passer, en clôture, la résistance des 1330 ou casser le soutien des 1310. Bref, on a fluctué dans d’étroites limites, ce qui signifie que l’on se trouve toujours dans la phase de consolidation qui a débuté à la mi-février.

source Bespoke 

La technique ne nous apprend pas grand chose sur l’orientation à venir. L’incertitude domine. C’est certainement ce qui explique le fort rétrécissement des volumes d’échanges. Ce rétrécissement reste cependant à nuancer car on dit que les transactions plus ou moins artificielles du HFT (High Frequency Trading) ont beaucoup baissé. Cela rend difficile l’appréciation de la demande finale.

RT

Ce qui est sûr, c’est qu’à l’intérieur du marché, quelques signes pointent dans le sens de la rotation. Rotation vers des positions plus défensives, ce qui est plutôt annonciateur d’un top intermédiaire : les leaders des dernières semaines, matériaux et énergie, semblent subir des prises de bénéfices au profit des services, de la consommation courante, de la santé.

source Bespoke

Le complexe du risque marque une pause sous la conduite des financières. Le Nasdaq, le Russell 2000 sous-performent par rapport au S&P500. Le Russell, bon indicateur de l’activité spéculative, de l’audace des opérateurs en quête de performances, le Russel, disons-nous, est revenu sous la moyenne mobile des 50 bourses. Il a plutôt tendance à s’enrouler autour.

Bref, les marchés ont corrigé, digéré, décanté la hausse antérieure ; le sentiment haussier s’est quelque peu corrigé dans ses excès et l’on est dans une relative expectative.

Commentsource Bespoke

Il faut noter que le leverage, c’est à dire l’endettement pour acheter des actions, est néanmoins resté dans ses plus hauts historiques.

 

source Zerohedge

Depuis notre dernière analyse à vocation boursière, plusieurs éléments ont été confirmés.

D’abord, la tendance à la révision en baisse  de la croissance 2011 s’amplifie. On trouve maintenant des prévisions autour ou en-dessous des 2% contre 3 à 3,5% en début d’année.

Ensuite, il se vérifie que les pressions sur les marges bénéficiaires deviennent préoccupantes ; les dirigeants sont de plus en plus nombreux à exprimer leurs réserves sur l’inflation des coûts.

 

source Bespoke

 Enfin, on se plaint de délais de livraisons et de pénuries chinoises et japonaises.

Fait nouveau, les résultats du secteur bancaire sont mitigés pour ne pas dire plus. L’appréciation reste cependant difficile en raison des manipulations comptables.

source Bespoke

Les établissements cherchent à sortir de leurs inventaires « bank book » des actifs non dépréciés auparavant, mais à risque, à les remettre dans leurs « trading book ». Tout ceci pour jouer sur les ratios qui leur sont imposés par les réglementations. L’extend and pretend continue de faire des ravages, mais c’est dans l’autre sens cette fois. Ce qui est sûr, c’est que le secteur bancaire ne semble pas en mesure de jouer les locomotives or, les marchés ont toujours besoin de leadership pour avancer.

Face à ce que l’on peut considérer comme plutôt légèrement négatif, il y a ce que les inflationnistes appellent le positif : les espoirs de QE.

QE

Le débat entre les « faux-durs » et les « vrais-mous » de la Fed se poursuit. On a les soi-disant faucons qui s’expriment pour dire qu’il faut stopper les expériences monétaires, commencer à retirer de l’excès ; tandis que les authentiques colombes comme Bernanke, Dudley et Yellen soutiennent que la reprise est fragile et que l’inflation n’est que temporaire.

A partir de là, les marchés pensent à juste titre que si l’économie se révélait quelque peu décevante, la Fed viendrait à son secours avec, d’une part, le remploi des titres arrivant à maturité et, d’autre part, s’il le fallait, une prolongation de la grande expérience des QE. Personne, à ce stade, ne croit à une réduction du bilan de la Fed ; or, on sait que la corrélation entre le bilan de la Fed et le S&P500 est de l’ordre de 75%. 

 During periods of QE, the market recovers a lot faster

 Correlation between the Fed's balance sheet and the S&P has been dramatic

On semble s’acheminer vers une prolongation à durée indéterminée des taux zéro et surtout de l’excès de liquidités en quête d’emplois. Pour les marchés, c’est l’essentiel. Nous ne résistons pas au plaisir de vous livrer une phrase de Bullard de la Fed de Saint Louis qui est, à lui tout seul, une synthèse de « faux-dur » et de « vrai-mou » de la politique monétaire : « nous avons une ultra-easy, über-easy, monetary policy », nous a t’il appris le 13 avril via Bloomberg, comme si nous en doutions.

Pour résumer, disons que les perspectives économiques sont un peu moins brillantes, mais qu’elles sont compensées et peut-être au-delà par les espoirs de prolongation de la grande expérience monétaire inflationniste. En fait, comme nous nous en doutions depuis plusieurs années, l’exceptionnel est en train de devenir la norme

Et puis, il ne faut pas oublier d’ajouter dans ce registre bien sûr les Japonais. Ces derniers ne vont pas rater  une nouvelle et si belle occasion de rajouter un grand épisode keynésien à la faveur de leurs difficultés. Avec un yen-carry qui s’ajoute au dollar-carry, la communauté spéculative mondiale à encore de beaux jours devant elle.

yen

Le spectacle fiscal américain ne nous paraît absolument pas susceptible de modifier négativement la donne des marchés. Nous continuons de l’interpréter comme une pièce de Grand Guignol à destination des partisans de la Tea Party , à destination des médias, à destination des émergents, à destination des citoyens moyens. Bref à destination de tout ce que la classe politique américaine considère comme des simplets et des sous-développés. Manipulables et propagandables à merci.

Humbug

Tout se passe comme si Démocrates et Républicains jouaient comme dans les séries, à bon flic/mauvais flic. Les 38 billions qui font ce débat acharné entre les Républicains et les Démocrates sont une goutte d’eau dans l’océan des déficits et de l’endettement. Ils représentent moins de 1% du budget total. On calcule qu’en réalité ils correspondent à des coupes réelles de moins de 360 millions. Vous lisez bien millions et non pas billions.

CF

USA income statement

Image: Mary Meeker, Kleiner Perkins

On retrouve en matière fiscale ce que l’on retrouve au niveau monétaire, des faux débats du type Politburo soviétique destinés à la propagande, débats dont le seul objectif est de prolonger le plus longtemps possible les dérives en cours

La menace de dégradation de la notation de crédit, du rating américain, par Standard and Poor’s s’inscrit bien sûr dans le même scénario de la pièce de Grand Guignol.

clown

 Rien de tel qu’une grande menace sans conséquence, non suivie d’effet, pour accréditer le thème de la rigueur. Les interprétations du grand chœur de la propagande ont d’ailleurs aussitôt mis les points sur les i : la menace de dégradation est positive pour la dette américaine car elle va précipiter les deux partis vers la discipline fiscale.

GN

Comprenons, comprenez, que le négatif est finalement positif et qu’il suffit de parler de discipline pour finalement éviter de la faire. En parler permet de considérer qu’elle est acquise. A l’annonce de la menace de rétrogradation du rating américain, les valeurs du Trésor, de ce Trésor de moins en moins solvable et de moins en moins crédible, ont été recherchées.

Jusqu’aux Chinois qui, eux aussi, ont voulu un petit bout de rôle dans le scénario Grand Guignol. Ils ont lancé un appel solennel aux dirigeants américains : « pour qu’ils mènent des politiques responsables afin de protéger les intérêts de leurs créanciers » !

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Le ministre des Affaires Etrangères chinois qui a lancé cet appel à la responsabilité est-il complice ou idiot ? Qui oserait penser qu’un appel à la défense des intérêts des chinois puisse trouver un seul instant écho chez les Américains. Au même moment d’ailleurs, un ex-officiel de la PBOC évoquait les dangers du Ponzi américain : « le marché des valeurs du Trésor US est un Ponzi géant ». Il est vrai que le peu de vérité que l’on trouve dans le système sort toujours de la bouche des ex.

Faut-il rappeler aux ministres des Affaires étrangères chinois que si, au cours des sept dernières années les réserves chinoises ont été multipliées par plus de 7, le pouvoir d’achat de ces réserves a été tellement laminé qu’il n’a été multiplié que par 2, en termes de pétrole, d’or, de matières premières industrielles et agricoles !

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L’appel à la responsabilité ne sert à rien tant que l’irresponsabilité paie. Les Américains le savent et les dirigeants chinois aussi. Eux qui achètent leur maintien au pouvoir et la stabilité de la société par le jeu complexe de la connivence ambivalente avec les Etats-Unis. Il est une évidence que tout le monde connaît, même les banquiers, si vous voulez que votre débiteur cesse de se sur-endetter, il suffit d’arrêter de lui faire crédit et de stabiliser son encours. Miraculeusement, il trouvera les solutions  pour vivre non seulement à l’intérieur de ses moyens, mais surtout à l’intérieur des vôtres.

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L’équilibre entre la Chine et les Etats-Unis via la chaîne de la dette, chaîne qui lie le maître et l’esclave mais dont on ne sait qui est le maître et qui est l’esclave, est un équilibre stable que seule une déstabilisation sociale chinoise pourra perturber.

Nous passons sur les énièmes rebondissements de ce que l’on ne peut même plus appeler la crise de la dette des périphériques européens.

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Le jeu de cache-cache avec les marchés sur le thème des défauts ou restructurations n’intéresse plus personne. La crédibilité des intervenants sentencieux, apprentis manipulateurs, est tellement faible que l’on préfère attendre tranquillement l’inéluctable. Finalement, leurs contradictions n’ont même plus d’influence sur les marchés.

Il n’y a pas grand chose de nouveau depuis notre dernière chronique. Nous sommes plutôt neutres sur l’évolution à court terme. Nous changerons peut-être d’avis si l’on passe les 1340 au S&P500. Nous observons que ce qui a été fait n’est plus à faire, on a partiellement consolidé et on a un tout petit peu assaini. Bien entendu, au-delà du court terme, nous sommes toujours haussiers.

L’inflationnisme est bien ancré. Il est général. Il n’y a pas de rebelle à l’intérieur des pays ; il n’y a pas de rogue nation à l’extérieur. L’inflation couplée à son déni, hommage du vice à la vertu, a de beaucoup jours devant elle

En tant que système de gestion, mode de gouvernement, et moyen de contrôle des populations, l’inflation a des racines profondes, bien plantées, dans nos sociétés dominées par l’absence de courage, le refus de l’effort et le rejet de la vérité. Les racines de l’inflation sont bien plus solides que celles des green shoots de Bernanke. Nous n’en doutons pas et nous vous conseillons d’investir et de protéger votre patrimoine en conséquence.

BRUNO BERTEZ 20 AVRIL11

BILLET PRECEDENT : L’Edito : D’un coté il y a des risques, mais de l’autre le dollar par Bruno Bertez

EN BANDE SON :

6 réponses »

  1. Rien sur l’Europe ?

    La crise est finie en Europe ?

    Tout va bien en Europe ?

    Jeudi 21 avril 2011 :

    Tous les records sont pulvérisés.

    En Europe, plus personne ne contrôle la situation.

    La situation européenne est devenue totalement incontrôlable.

    Irlande : taux des obligations à 2 ans : 10,891 %.

    Irlande : taux des obligations à 3 ans : 11,936 %.

    Irlande : taux des obligations à 5 ans : 11,318 %.

    Irlande : taux des obligations à 10 ans : 10,210 %.

    Portugal : taux des obligations à 2 ans : 11,108 %.

    Portugal : taux des obligations à 3 ans : 11,229 %.

    Portugal : taux des obligations à 5 ans : 11,379 %.

    Portugal : taux des obligations à 10 ans : 9,509 %.

    Grèce : taux des obligations à 2 ans : 22,746 %.

    http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GGGB2YR:IND

    Grèce : taux des obligations à 3 ans : 22,456 %.

    Grèce : taux des obligations à 5 ans : 16,842 %.

    Grèce : taux des obligations à 10 ans : 14,882 %.

  2. Vendredi 22 avril 2011 :

    La Grèce envisage d’étendre la maturité de sa dette afin d’être en mesure de la rembourser, rapportent vendredi deux journaux grecs.

    Le gouvernement de George Papandréou réfléchit à une « restructuration de velours » qui comporterait un allongement de la dette et un accord avec les créanciers pour modifier les termes du remboursement, indique le quotidien Ta Nea, sans citer de source.

    Selon Isotimia, Athènes pourrait chercher à étendre la maturité du total de ses encours de cinq ans en moyenne. Cette opération interviendrait après négociation avec ses créanciers, précise le journal en citant des sources gouvernementales.

    Aucune décision définitive n’a encore été prise à ce propos et les discussions en sont encore à un stade informel, ajoute Isotimia.

    Les autorités grecques ont répété à plusieurs reprises qu’elles ne restructureraient pas la dette du pays, allant à l’encontre de la conviction de nombreux observateurs qui jugent cette opération inéluctable.

    Une large majorité d’économistes interrogés par Reuters juge que la Grèce devra se résoudre à cette solution dans les deux prochaines années en dépit de sa résistance.

    http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRLDE73L03R20110422

    Grèce : taux des obligations à 2 ans : 23,013 %.

    Grèce : taux des obligations à 3 ans : 22,681 %.

    Grèce : taux des obligations à 5 ans : 16,734 %.

    Grèce : taux des obligations à 10 ans : 14,903 %.

  3. Un an après avoir demandé l’aide de l’Union Européenne et du FMI, la Grèce se retrouve dans une situation encore pire.

    Le plan de sauvetage de la Grèce a échoué.

    Grèce : taux des obligations à 2 ans : 23,304 %.

    http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GGGB2YR:IND

    Grèce : taux des obligations à 3 ans : 22,922 %.

    Grèce : taux des obligations à 5 ans : 16,932 %.

    Grèce : taux des obligations à 10 ans : 15,127 %.

  4. En Europe, plus personne ne contrôle la situation.

    La situation européenne est devenue totalement incontrôlable.

    Irlande : taux des obligations à 2 ans : 11,987 %.

    Irlande : taux des obligations à 3 ans : 12,604 %.

    Irlande : taux des obligations à 5 ans : 11,861 %.

    Irlande : taux des obligations à 10 ans : 10,514 %.

    Portugal : taux des obligations à 2 ans : 11,695 %.

    Portugal : taux des obligations à 3 ans : 11,501 %.

    Portugal : taux des obligations à 5 ans : 11,792 %.

    Portugal : taux des obligations à 10 ans : 9,581 %.

    Grèce : taux des obligations à 2 ans : 24,195 %.

    http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GGGB2YR:IND

    Grèce : taux des obligations à 3 ans : 23,661 %.

    Grèce : taux des obligations à 5 ans : 17,306 %.

    Grèce : taux des obligations à 10 ans : 15,366 %.

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