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Energie : Les discussions sans fin finissent par générer des décisions autoritaires par Jeannette Williner

Energie : Les discussions sans fin finissent par générer des décisions autoritaires par Jeannette Williner

 

Malthus

C’est unanime: on doit économiser l’énergie car il suffirait de peu pour changer la donne et faire baisser les prix naturellement. Mais pour l’instant, la volonté reste cantonnée dans les discours en Suisse comme ailleurs. Les climatisations s’enclenchent dans les pays tempérés dès que le thermomètre monte et les chauffages d’appoint prennent le relais du chauffage central lorsqu’on décide de baisser ce dernier. Comme on le sait ce genre de d’installations est fort gourmand en énergie. Et l’on ignore séchoirs et autres commodités dont les perfectionnements ont contribué au développement d’une consommation au départ raisonnable. Les comportements ne changent pas d’un pouce du sommet à la base de la hiérarchie sociale même si Fukushima autorise les Verts à des excès de langage.

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L’heure d’été accroît le problème au lieu de le réduire. Quant au chauffage des immeubles on a laissé tout et n’importe quoi se faire sans mettre l’accent sur l’isolation que l’on domine depuis longtemps mais qui coûte cher aux promoteurs immobiliers. Après avoir installé le gaz on ne jure plus que par les pompes à chaleur très gourmandes en électricité. Si les propos échangés étaient moins venimeux on constaterait que prendre un vélo électrique pour une distance très moyenne ne fait que rajouter au gaspillage en se donnant bonne conscience. Serait-ce moins chic de marcher?

 Dans ces conditions peut-on espérer l’émergence de solutions constructives? Y aura-t-il une première ville suisse qui décidera de renoncer à l’éclairage public? Peut-on imaginer d’interdire les climatisations? On débarrasse bien les vitrines des joailliers passé une certaine heure, quid de leurs enseignes lumineuses?

Au début du millénaire, le Congrès américain s’était vu reprocher son manque de rigueur en matière de consommation des véhicules (voitures ou camions) vendus aux Etats-Unis. Un prix Nobel d’économie (Becker) avait alors eu un constat des plus simples. Si le but est de réduire la consommation d’essence pour des questions de sécurité nationale ou environnementale, la seule solution est d’augmenter les impôts frappant le produit. Aux Etats-Unis, vu la quantité de brut utilisée sous forme d’essence, la décision serait effectivement assez radicale. Mais puisque la Suisse est tellement friande d’électricité sans même s’apercevoir qu’elle en consomme, devant l’apathie des citoyens, la taxation de cette énergie serait utile, équilatérale pour tous, sans pénalisation d’une classe sociale particulière. Au-dessus d’un certain quota alloué au prix courant, les suppléments seraient beaucoup plus chers, mais vraiment beaucoup plus.

De toute façon l’énergie bon marché est à oublier. Il est donc ridicule de rendre l’énergie plus chère pour tous alors que beaucoup font des efforts réels. Dès lors, il est normal que les ménages ne comprenant pas vraiment le message, ou les entreprises, voire même les entités étatiques doivent voir pénaliser financièrement leur consommation excessive.

A l’heure actuelle, une assemblée de copropriétaires supposés éclairés, prend rarement des décisions comportant une amélioration sensible de l’isolation: elles coûtent cher. De même les vols pour les capitales européennes que l’on peut facilement rejoindre en train doivent être pénalisés. Et la pénalité doit être en proportion des autres moyens de transport offerts. De surcroît, multiplier les possibilités de trajet pour accroître la concurrence n’a pas de sens à moins d’un règlement parallèle clair précisant aux usagers leurs droits et leurs devoirs. Il n’y a rien de plus stupide que les horaires cadencés des trains suisses qui tournent à vide durant les deux tiers de la journée alors qu’aux heures de pointe ils sont surchargés par une mobilité qui a été encouragée. Réduire l’offre d’horaires peu demandés serait aussi une manière de réduire la consommation d’énergie.

Un tel panel de mesures semble bien autoritaire? La réalité risque d’être pire si la situation évolue sans garde-fous. La nécessité de l’énergie pour la fabrication de produits finis met tout le processus en cause et des temps de guerre économique sont proches même si pour le moment le calme règne en apparence. La Chine et l’Afrique du Sud ont des coupures de réseaux importantes par manque d’électricité. D’autres pays en souffrent également et le temps n’est pas si éloigné dans notre pays où les travaux de lessive etc. devaient se faire avant l’heure de midi où l’énergie destinée aux privés alimentait les seules cuisines. Léger inconfort dans les régions où l’industrie avait priorité sur le privé et qui pourrait revoir le jour ailleurs et différemment. A l’heure de la globalisation le repli de pays sur eux-mêmes est une crainte que l’on ne doit pas sous-estimer. Les Etats-Unis ont depuis toujours préservé leurs ressources nationales sans que personne ne s’en émeuve. La Russie vient d’augmenter de façon prohibitive les prix des exportations de brut afin de favoriser l’approvisionnement intérieur. Le remue-ménage au Moyen-Orient est loin d’être terminé. Alors mettre des taxes sur l’énergie et la rendre chère n’est qu’une façon de ramener à la raison les inconscients de la consommation. Et ces taxes doivent également frapper les entreprises notamment celles du secteur tertiaire qui semblent ne pouvoir vivre que dans des locaux climatisés. Or, il y a un peu trop d’admiration à constater l’implantation massive de telles entités au bout du lac. Entités qui précisément mettent à profit notre indiscipline en matière énergétique pour réaliser des transactions générant des bénéfices importants qui de surcroît ne sont que très peu taxés et de ce fait pénalisent indirectement le citoyen lambda inconscient de l’incidence de ces transactions sur son niveau de vie.

Jeannette Williner Analyste indépendant mai11

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