Le refus du nucléaire et les schistes bouleversent le marché du gaz
Fukushima fait bondir le prix du gaz liquéfié (GNL). Importateurs il y a peu, les Etats-Unis exporteront le leur à partir de 2015
Même l’Agence internationale le dit dans un rapport à paraître prochainement: le gaz naturel connaît un nouvel «âge d’or». Lundi, en présentant à Lausanne les résultats record de Gaznat, son président Daniel Mouchet confirmait de son côté la capacité de l’industrie gazière suisse à alimenter «des centrales à gaz à cycle combiné destinées à remplacer les installations nucléaires». Depuis la catastrophe de Fukushima, cette énergie, bien que fossile, est de nouveau présentée comme la variable clef de l’équation énergétique mondiale.
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Le retour en grâce du gaz naturel liquéfié – qui assure pourtant moins de 10% de la consommation mondiale – symbolise cette nouvelle ère. Son transport transocéanique par méthanier – sans attendre la construction de milliers de kilomètres de gazoducs – permet déjà au Japon de compenser les effets d’un tsunami ayant balayé le cinquième de ses capacités électriques.
Spécialiste du secteur au sein de la banque BNP Paribas à Paris, Marco Boeri estime entre 7 à 8 millions de tonnes annuelles les besoins additionnels de l’Archipel. Soit environ le dixième de ce que le Qatar – premier liquéfacteur de gaz au monde – peut expédier de ses rivages. «Fournir ces quantités additionnelles ne devra pas causer de problèmes», avance cet analyste, rappelant qu’à l’échelle mondiale plus de 50 millions de tonnes sont disponibles, c’est-à-dire non promises au préalable via des contrats d’approvisionnement.

Le fait que ce marché du GNL soit déjà largement «asiatique» facilite cette prise de relais. Il y a une dizaine d’années, les projets de développement des infrastructures de liquéfaction du Qatar prévoyaient d’en faire partir entre 50 à 60 millions de tonnes supplémentaires vers l’ouest. C’est-à-dire vers les ports américains. Redécouvrant l’abondance gazière des années 1970 – en raison de leurs schistes –, les Etats-Unis «n’ont pas accru leurs achats et ces quantités additionnelles [liquéfiées par le Qatar] ont été reportées vers l’Europe et l’Asie», relate Marco Boeri. Un re-routage des plus profitable: aujourd’hui le prix de ce gaz «mondialisé» atteint deux fois les tarifs américains lorsqu’il arrive dans les ports européens, et presque trois fois s’il est vendu en Asie. Sa valeur pourrait augmenter, les spécialistes de Barclays Capital prévoyant «des tensions sur l’offre à partir du quatrième trimestre».
En clair une raréfaction, qui rend au GNL l’attrait qu’il avait suscité en 2005. L’importance croissante qui lui était promise faisait même planer la menace d’une «OPEP du gaz» ayant la haute main sur les approvisionnements mondiaux. Le mot «shale» – schiste – a chassé ce péril de la presse anglo-saxonne. «Aux Etats-Unis, le marché est aujourd’hui clairement excédentaire; mais il y a cinq ans, personne n’aurait pu prévoir que la production gazière allait passer de 510 à 612 milliards de mètres cubes annuels», relate Anne-Sophie Corbeau, experte au sein de l’Agence internationale de l’énergie.
En 2008, l’écroulement du cours du GNL devait même conduire au report du pharaonique chantier de Chtokman. Symbole de ces espoirs déçus, le gaz tiré des profondeurs de la mer de Barents devait être compressé sur des navires en partance pour les Etats-Unis. Ceux-ci ne savent aujourd’hui plus quoi faire de leur gaz. Et ont depuis longtemps remis au placard leurs propres projets de terminaux portuaires destinés à accueillir des méthaniers. En 2010, «les Etats-Unis ont importé 8,6 millions de tonnes de gaz liquéfié alors que leurs capacités de regazification sont prévues pour en traiter 128 millions, une véritable catastrophe pour les exploitants, dont certains ont obtenu l’autorisation de réexporter», relate la spécialiste de l’AIE.
Il y a un an, la société Chenier Energy – qui avait achevé la construction du plus gros terminal de regazification aux Etats-Unis il y a trois ans – a même effectué un virage à 180° en annonçant la construction d’un terminal d’exportation en Louisiane – le premier du pays, en quarante ans. Facture du projet? Plus de 6 milliards de dollars. D’autres sociétés l’ont rejointe pour construire neuf terminaux de liquéfaction du gaz de schiste «made in USA» à partir de 2015.
Par Pierre-Alexandre Sallier/Le Temps mai11
EN RAPPEL : L’exploitation des hydrocarbures non conventionnels consomme une grande quantité d’eau
Les gaz de schiste, dits non conventionnels, sont emprisonnés dans le schiste, une roche située entre 2000 et 3000 mètres de profondeur. La technique d’extraction par forage horizontal et fracturation hydraulique de la roche est utilisée depuis 2002. Elle consiste à injecter, à très haute pression, un mélange d’eau, de sable et d’additifs chimiques afin de libérer le gaz prisonnier. Le mélange doit être capable de maintenir les fissures de la roche ouvertes pour permettre au gaz de remonter vers le puits de captage.
Cette technique fait l’objet de fortes critiques. D’une part, elle utilise de grandes quantités d’eau, ce qui est problématique dans les régions où les ressources hydrauliques sont faibles, comme le sud de la France. D’autre part, lorsqu’elle est injectée dans le sous-sol, l’eau contenant des produits chimiques dangereux risque de contaminer les nappes phréatiques. Enfin, les fluides qui remontent à la surface sont aussi chargés des produits de la réaction chimique, comportant de nouveaux risques de pollution des sous-sols.
Ces gaz sont considérés par certains experts «comme la plus grande révolution énergétique des dernières décennies», souligne le Conseil d’analyse stratégique (CAS) auprès du premier ministre, dans une récente note d’information.
http://www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=1369
Selon les estimations actuelles, les gaz non conventionnels «pourraient représenter près du double des réserves de gaz conventionnels. Au total, le monde serait ainsi assuré de disposer de bien plus d’une centaine d’années de consommation, si celle-ci se poursuivait à son rythme actuel», calcule le CAS. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les hydrocarbures non conventionnels pourraient prendre une place de choix dans le bouquet énergétique, en représentant 35% des approvisionnements totaux en gaz en 2035.
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Les gaz de schiste, dits non conventionnels, sont emprisonnés dans le schiste, une roche située entre 2000 et 3000 mètres de profondeur. La technique d’extraction par forage horizontal et fracturation hydraulique de la roche est utilisée depuis 2002. “Elle consiste à injecter, à très haute pression, un mélange d’eau, de sable et d’additifs chimiques afin de libérer le gaz prisonnier. Le mélange doit être capable de maintenir les fissures de la roche ouvertes pour permettre au gaz de remonter vers le puits de captage.”
vous êtes sûr que ce soit la seule technologie?
Non bien sur et nous en avons déjà traité ici mème mais c’est à ce jour une des techniques les plus répandues en attendant (beaucoup)mieux…