Le retour du mercantilisme
La dette publique a prédominé en 2011. La guerre commerciale entre pays devrait être un thème majeur de 2012.
La course à la dévaluation de leur devise à laquelle prennent part de plus en plus de pays nous en semble la meilleure illustration. Plus particulièrement, deux monnaies faibles, l’euro et le dollar, vont se confronter, tandis que la convertibilité du yuan chinois se fera attendre. D’ailleurs, cette tendance ne concerne pas que les devises citées ci-dessus. Récapitulons donc quelques décisions récentes.
PLUS DE MERCANTILISME EN SUIVANT :
En Suisse, le 3 août dernier, pour contrer la force de sa devise, la Banque Nationale Suisse décide de ramener le taux d’intérêt Libor à trois mois aussi proche que possible de 0%. Le 10 août, puis encore le 17 août, elle augmente les liquidités fournies au marché. Enfin, le 6 septembre, elle annonce vouloir défendre un taux-plancher de 1,20 franc contre un euro. Au final, le total de son bilan est passé, à fin juillet, de 249.6 milliards de francs à 385,7 milliards à fin septembre (soit environ 70% du produit intérieur brut nominal 2010 de la Suisse). Plus particulièrement, la Banque Nationale Suisse a augmenté ses placements en devises de 50% par rapport à fin 2010, les portant à l’équivalent de 305 milliards de francs. Au vu du succès rencontré, la BNS a pu se permettre de diminuer ses placements en devises en octobre, tout en affirmant ne pas poursuivre une politique de dévaluation compétitive. Toutefois, les industriels ont déjà fait entendre leurs voix pour réclamer une hausse du plancher (à 1,25…1,30?).
Au Japon, la Banque du Japon est intervenue le 31 octobre, affaiblissant le yen de 4% contre le dollar, après que le premier ait atteint un plus haut historique.
Aux Etats-Unis, les discussions politiques autour de la décision de considérer officiellement la Chine comme manipulant sa devise, en la maintenant sous-évaluée, continuent. Une telle décision pourrait initier une montée du protectionnisme via l’imposition de droits de douane réciproques.
On comprend mieux l’importance accordée aux débouchés extérieurs dans les économies matures lorsque l’on considère que la demande domestique restera atone au cours des prochains mois : désendettements publics et privés obligent. D’ailleurs, la zone Euro est probablement déjà en récession, alors que les Etats-Unis ne connaissent qu’une faible croissance. Dans un tel contexte, la contribution des exportations à la croissance apparait primordiale aux yeux d’autorités nationales pas forcément prêtes à entrer dans un jeu coopératif.
Le poids des exportations n’est pas une nouveauté pour un pays comme la Suisse. Celles-ci représentaient 37% du Produit Intérieur Brut helvétique en 2010. En revanche, le rôle de l’export depuis les Etats-Unis est une nouvelle donne pour la croissance américaine. Ainsi, la proportion des exportations par rapport au produit intérieur brut est à son plus haut depuis 30 ans. Au troisième trimestre de cette année, la contribution des exportations brutes à la croissance s’est élevée à +0,55 points de pourcentage (sur un total de 2,5%). On comprend dès lors le souci des autorités américaines quant au maintien d’un avantage compétitif fort via le cours du dollar.
On notera également qu’une baisse du commerce international irait de pair avec une diminution de la croissance chinoise. La Chine est dépendante des exportations à un degré deux fois supérieur à celui des Etats-Unis (mais l’Allemagne en dépend deux fois plus que la Chine).
Que faut-il en conclure? D’une part, que 2012 ne sera probablement pas la fin du monde, comme préconisé par le calendrier Maya, mais qu’on y verra sans doute les prémices d’un coup de frein à la mondialisation. D’autre part, que dans un monde où le mot d’ordre semble être «dévaluation compétitive», il n’y a plus vraiment de monnaie-refuge. Il faudra alors trouver d’autres réservoirs de valeur pour stocker sa richesse!
Paul WETTERWALD Crédit Agricole Suisse Private Banking DEC11
D’autres réservoir ? Vous voulez dire à part des baignoires ? Mais où c’qu’on va trouver des trucs comme ça ?