Revenir au monde réel est une absolue priorité par Jeannette Williner
L’éternelle référence à Keynes dans l’explication de la crise actuelle n’est pas pertinente.
Il est curieux que l’on se réfère sans cesse à Keynes pour expliquer la crise actuelle, lui trouver des remèdes et la guérir. Le diagnostic est fait, mais le traitement balbutie toujours. L’époque actuelle, où tout est globalisé, n’est en aucun cas comparable à celle de Keynes. Pas plus que son époque n’était comparable à 1907 où pourtant, là aussi on avait affaire à un excès de crédits. Ce ne sont pas des structures et des produits fumeux qui vont en éviter les suites logiques. Dévaluation et inflation en seront des points d’orgue inévitables: ce sont bien là les seuls ingrédients communs.
L’inflation zéro a été un objectif incontournable. Il n’a été réalisé qu’à coup d’effets de levier dans les différentes catégories de crédit. La propriété immobilière pour tous, le luxe accessible à tous, l’objet d’art pour tous, des soins équivalents pour tous… alimentaient la machine. Or tous ces secteurs mentionnés, et il y en a bien d’autres, ont une caractéristique commune : il est exclu d’améliorer les rendements, encore que dans la construction certains processus développés par l’industrie y aient contribué. Le coiffeur, le maroquinier de luxe, l’orchestre, le médecin, l’infirmière ne peuvent aller plus vite pour exécuter leur travail. On arrive dans le mur. Ce dernier est constitué par l’accumulation de crédits engendrés par le développement d’affaires au-delà d’une demande réaliste encadrée par une formation adéquate. Un manque de culture dans un concept de droit conduit inévitablement à une surconsommation injustifiée..
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Les retournements sont violents: d’une époque d’abondance, on passe à une époque de disette détruisant inévitablement des acquis dits sociaux dans certains cas, des situations privilégiées dans d’autres. S’entêter à vouloir préserver ou protéger certaines habitudes jugées indispensables conduit à un dénuement encore plus grand. Le cas de la Grèce est révélateur. Priée de rationaliser sa gestion, le pays n’y parvient pas. Pourquoi? Pour des motifs tout à fait humains. Les fonctionnaires ne veulent pas annuler les pensions des morts encaissées par des vivants démunis: ce n’est qu’un exemple injustifiable mais compréhensible. Moins explicable est la résistance du pays à imposer sa diaspora (elle est importante) comme le font les Etats-Unis, pourtant exemple de libéralisme.
L’année 2012 pourrait bien enregistrer quantité de retournements violents. Les marchés du luxe et de l’art semblent invulnérables. Les riches des pays émergents, sans cesse plus nombreux, vont sauver le monde et surtout son économie. C’est faire peu de cas du système de vases communicants dans lequel on se trouve. Si les pays développés, en crise, n’achètent plus suite à une réelle baisse de leur niveau de vie, car c’est bien la classe moyenne qui est leur cliente, aucun miracle ne se trouve à l’horizon. Miser statistiquement sur la quantité potentielle d’êtres humains susceptibles de devenir acheteurs de biens de luxe ou d’art ou de biens de consommation est erroné. Les citoyens des économies émergentes ont les mêmes réflexes que ceux des économies matures.
Le dernier exemple de «creux» profond d’un marché hors secteur financier date de fin octobre 2011. La crise grecque a engendré un mardi noir chez Christie’s à New York: 31 lots sur 83 n’ont pas trouvé preneur. Picasso, Giacometti, Renoir… n’ont pas fait le poids! Certes, le lendemain l’alerte était terminée. Mais des traces sont restées dans le marché moyen qui permet de composer un catalogue de ventes attrayant. De plus en plus de détenteurs choisissent le statu quo Autant une œuvre mineure que des liquidités menacées par la santé des banques ou par les aléas du marché. Face à eux les acheteurs sont sélectifs et surtout très prudents. Non seulement il faut des noms mais encore la rareté même lorsqu’elle est multiple (six araignées de Louise Brooks mais seulement six!)
En 2009, le marché de l’art avait compté ses survivants et ce n’était que pour mieux repartir en 2011 malgré les quelques soubresauts du dernier trimestre. Mais voilà, la part asiatique a atteint 39% de l’ensemble du marché international de l’art et le pouvoir d’achat de la Chine a été prépondérant. Il n’est pas dit que cette partie du monde soit aussi présente. Par ailleurs, beaucoup d’élections auront lieu en 2012 et 2013: cela insécurise les acheteurs et surtout les vendeurs. Si la demande est globalisée, l’offre l’est aussi. Beaucoup de lois sont en train de mijoter pour récupérer des impôts: les œuvres d’art pourraient en être les victimes.
Le secteur financier profitera-t-il des creux de ces marchés annexes et raffinés? Il y a fort à parier que non, car le comportement des acquéreurs est assez moutonnier. Même si une tornade est un climat d’achat, peu conservent le sang froid de la mettre à profit. Quant aux métaux, s’ils devenaient un danger pour les banquiers centraux le nécessaire serait entrepris. Est-ce que ce sera bien nécessaire? Il serait peut-être intéressant de se souvenir que la hausse des prix du pétrole de 1973 a engendré une formidable inflation et des taux d’intérêt prohibitifs cocktail encore inimaginable en 1978. Aujourd’hui rien n’est semblable mais c’est bien le marché qui dictera, comme toujours, sa volonté. L’inflation, qu’on la désire ou non, s’imposera. Peu de parades existent pour parer ses effets. La déflation frappe déjà les détenteurs d’épargne. L’indice du bœuf sur pied est déjà orienté à la hausse. Ce dernier a jusqu’ici été beaucoup plus fiable que les variations de l’or pour indiquer la direction des prix.
Jeannette Williner Analyste indépendant/AGEFI FEV12
Inflation ou déflation, il faudrait savoir……
Ah ! Suivez l’boeuf ! C’était un slogan fort prisé … dans les années 60/70 !
J’aime bien. Allons, SUIVONS L’BOEUF on aura ben du foin comme ça ? Bof !!!