L’esprit d’entreprise et la méthode pour l’encourager
L’expérience dans les Etats fédérés Suisses confirme l’importance d’une politique maximisant la liberté économique
Favoriser l’entreprise est un leitmotiv de la politique. A raison. Non seulement parce que l’entrepreneuriat détermine le progrès économique et social, mais aussi parce que l’être humain entreprend pour réaliser ce qui lui tient à cœur, sans forcément répondre a priori à une demande explicite. Le lien entre la liberté économique et l’activité entrepreneuriale est depuis longtemps établi. La Suisse, de ce point de vue, figure en bonne position, puisqu’elle se situe au quatrième rang dans le dernier indice international annuel en la matière, édité par le Fraser Institute de Vancouver, et dont l’économiste américain Joshua Hall est l’un des directeurs.
Trop souvent, cependant, la politique se contente de comptabiliser le nombre d’entreprises qui naissent ou s’établissent dans une juridiction (ou la quittent), sans suffisamment prendre en compte les facteurs qui sous-tendent ces décisions. Or, derrière chaque organisation potentielle se trouve un individu qui pèse les coûts et les bénéfices. Dans une nouvelle étude*, Joshua Hall examine pour la première fois le lien entre liberté et l’entrepreneuriat au niveau d’Etats fédérés, c’est-à-dire au sein même d’une juridiction nationale, à l’exemple des Etats américains ou des cantons suisses.
PLUS DE LIBERTE EN SUIVANT :
Dans ce cadre également, comme on pouvait s’y attendre, la corrélation entre liberté économique et activité entrepreneuriale est tout à fait claire: l’augmentation d’un écart type en liberté économique se traduit par un accroissement de plus d’un écart type en entreprises (en chiffres, si un Etat moyen augmente sa liberté économique de 0,22 point, il verra 106 nouvelles entreprises se créer par mois). C’est particulièrement significatif en considérant le rôle de la concurrence institutionnelle entre ce type de juridictions. Une concurrence qui reste faible en Suisse romande, plus compacte et consensuelle que d’autres régions du pays.
La liberté économique est définie selon l’aspect tant fiscal (dépenses publiques et impôts) que réglementaire, qui comprend la réglementation du marché du travail, les réglementations sociales, les patentes professionnelles ou encore l’aménagement du territoire. Tous ces facteurs occasionnent des coûts qui peuvent faire pencher la balance en défaveur de la création d’une entreprise. D’autres influences ont été écartées pour établir leur impact: des variables comme le taux de chômage, la densité de la population, la proportion du secteur des services, l’offre immobilière et la criminalité peuvent exercer un effet positif ou négatif sur l’entrepreneuriat. Il en va de même des caractéristiques de l’entrepreneur lui-même, dont le niveau de formation, qui peut être déterminant pour des start-ups dans les hautes technologies, mais est généralement corrélé négativement à la volonté d’un individu de créer sa propre entreprise: bien que cela semble contre-intuitif, les personnes très qualifiées trouvent généralement de nombreuses possibilités d’emploi attrayantes dans des organisation préexistantes, ce qui diminue leurs incitations à investir dans une nouvelle entité à risque.
Cette nouvelle recherche vient confirmer les conclusions d’un nombre croissant de travaux. La liberté économique est sans doute la condition la plus propice à l’éclosion d’entreprises à somme positive, c’est-à-dire conduisant à un enrichissement tant de l’entrepreneur que de la société dans son ensemble. «Les êtres humains sont entrepreneuriaux par nature: nous désirons améliorer notre bien-être matériel, ce qui nous amène à innover», remarque Joshua Hall. La politique peut cependant avoir un impact considérable sur les incitations à l’activité entrepreneuriale de par les «règles du jeu» qui prévalent. D’une manière générale, des impôts moins élevés et des charges administratives moins lourdes atténuent d’autant les risques substantiels que doit assumer l’entrepreneur.
* «Freedom and Entrepreneurship: New Evidence from the 50 States», Mercatus Center, George Mason University, avril 2012.
Pierre Bessard/Agefi avril12