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Cette autre affaire Espirito Santo qui touche la finance lémanique

Cette autre affaire Espirito Santo qui touche la finance lémanique

C’est une vaste enquête sur un réseau de blanchiment et d’évasion fiscale qui a conduit à la brève arrestation du patriarche du conglomérat portugais en juillet dernier. Pas l’effondrement financier de la banque Espirito Santo. Lancée en 2011 par Lisbonne, cette opération «Monte Branco» a également mobilisé la justice genevoise

Le 24 juillet au petit matin, la police ne sonne pas à la résidence de l’homme d’affaires le plus puissant du Portugal pour lui parler de la situation catastrophique de son empire familial. Ricardo Espirito Santo Silva Salgado est convoqué pour une affaire de blanchiment et d’évasion fiscale d’une ampleur sans précédent. Et dont les ramifications s’étendent vers l’archipel du Cap-Vert comme vers Genève.

Depuis trois ans, une campagne de la justice portugaise baptisée «Monte Branco» (Mont-Blanc) s’intéresse au rôle joué par Akoya Asset Management SA dans cette fraude que la presse portugaise chiffre à près de 1 milliard d’euros. Montée en 2009 par un ancien banquier avec trois décennies chez UBS à son actif, cette officine genevoise de gestion de fortune a eu comme copropriétaire l’ex-patron de Banco Espirito Santo en Angola. Les trois associés d’Akoya installés en Suisse sont arrêtés en mai 2012 à Porto, en compagnie d’un affairiste portugais en vue. Ils font 5 mois de détention avant d’être remis en liberté. Depuis, la plaque de la raison sociale d’Akoya a été déplacée à Pully (VD). Contacté, son nouvel administrateur ne répond pas aux messages.

La justice helvétique est également mobilisée sur cette affaire. Un procureur du Ministère public genevois est chargé depuis mai 2012 de l’exécution d’une commission rogatoire envoyée par un de ses homologues à Lisbonne. «Des documents ont été cherchés auprès de l’antenne de la BES Banco Espirito Santo à Pully», précise-t-on dans l’entourage de l’enquête. Avant de souligner que cet établissement «intervient en l’état comme tiers saisi pour de la documentation bancaire, sans qu’une infraction lui soit reprochée».

Il y a trois ans, le versant fiscal de l’affaire fait d’autant plus de bruit que l’Etat portugais, surendetté, semble voué à la banqueroute. Genève n’est cependant qu’une des pièces d’un vaste réseau de recyclage financier occulte qu’un autre grand naufrage bancaire a fait remonter à la surface en 2008. Celui de la Banco Portugues de Negocios, qui se transforme en scandale politique. Nationalisé, l’établissement est bradé en 2009 par le gouvernement au profit d’une banque angolaise. Une procédure pénale est ouverte à Lisbonne alors que surgissent les financements à fonds perdu octroyés, notamment vers une banque du Cap-Vert. Les soupçons se dirigent rapidement vers un député social-démocrate qui s’avère être au centre du réseau de blanchiment de l’enquête «Monte Branco». L’aide de la justice genevoise – qui saisira des documents chez Banco Espirito Santo à Pully – sera également demandée dans cette affaire.

Ricardo Salgado, le patriarche de l’empire Espirito Santo, a, lui, été entendu l’an dernier comme témoin au Portugal. Il a bénéficié d’une amnistie fiscale dans le cadre de cette opération, rappelle le Diario de Noticias. La justice portugaise ne précise pas pourquoi cette affaire de blanchiment rattrape aujourd’hui celui qui est appelé «Dono Disto Tudo» – le «Propriétaire de tout». Surtout au moment où de tout autres soupçons l’entourent, après la révélation par Lisbonne des 3,5 milliards d’euros de pertes accumulées en trois mois par la banque soutenant son conglomérat. Un trou noir qui, depuis le début du mois, focalise l’attention sur les responsables de cette pyramide de dettes dans laquelle l’une des plus grandes banques du Portugal, et ses dizaines de milliers de clients ou de petits actionnaires, ont été pris en otage. Toutes les interrogations entourent ainsi l’utilisation de véhicules financiers montés par Eurofin, un sous-traitant lausannois de Banco Espirito Santo qui ne cesse de clamer son innocence depuis quinze jours.

PAR PIERRE-ALEXANDRE SALLIER/ Le Temps 16/8/2014

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/20fe0cfc-24a5-11e4-9a79-d749102b8541/Cette_autre_affaire_Espirito_Santo_qui_touche_la_finance_l%C3%A9manique

Révolte des petits porteurs d’actions Espirito Santo

Révolte des petits porteurs d’actions Espirito Santo Des associations se créent au Portugal, en Espagne mais aussi à Genève. Les épargnants ayant souscrit au dernier appel public de juin s’estiment victimes du plan de sauvetage de l’Etat portugais. Ils veulent aussi s’en prendre aux intermédiaires

La révolte gronde parmi les petits porteurs d’actions de la Banco Espirito Santo (BES). Des associations veulent croiser le fer devant les tribunaux. Avec l’Etat portugais, ce qui dessine des années d’enlisement judiciaire. Mais aussi avec les intermédiaires ayant joué un rôle dans les émissions d’actions ou d’obligations du groupe.

Le plus important de ces mouvements, l’Associação de Defesa dos Clientes Bancários (ABESD) dit défendre «les déposants et souscripteurs de titres des holdings du groupe, pour la plupart desquels le dépositaire est Banque Privée Espirito Santo, basée en Suisse». Une autre initiative, baptisée ATM, demande que les petits porteurs soient dédommagés à hauteur de 0,65 euro pièce, la valeur des titres lors de la dernière augmentation de capital. Leur cotation a été interrompue le 1er août dernier à 0,12 euro.

Un regroupement d’actionnaires lésés est également lancé de Genève. Près de 150 détenteurs de 10 millions d’actions – majoritairement installés en Espagne et en Suisse – ont rejoint les «Afectados BES» sur Internet. «Chaque jour, entre 10 et 20 personnes nous contactent», témoigne Vincent Merminod, l’un des quatre initiateurs du mouvement. L’objectif est de se joindre aux associations portugaises dans leurs procédures judiciaires. Mais également d’initier des plaintes à l’étranger. «Plusieurs avocats fonctionnant au pourcentage se sont dits intéressés à nous accompagner», poursuit le co-initiateur du groupement.

Intermédiaires suisses visés

Ces actionnaires se rendent compte qu’ils ont été les cobayes du nouveau système de renflouement de banques naufragées adopté par l’Europe en 2012. Coulée par 3,5 milliards d’euros de pertes accumulées en trois mois – en raison de prêts accordés à d’autres entités du groupe Espirito Santo –, la plus grande banque portugaise n’a évité l’implosion qu’au prix d’une recapitalisation de 5 milliards d’euros des autorités.

Mais aussi au prix du sacrifice de dizaines de milliers de petits porteurs n’ayant pu se séparer de titres qui avaient perdu les neuf dixièmes de leur valeur depuis la mi-juin. Les souscripteurs d’un type d’emprunts dits «subordonnés» se retrouvent également sur le carreau. «Le sauvetage s’est fait sur le dos de ceux qui, il y a deux mois, étaient incités à souscrire à une augmentation de capital pour renflouer la banque», s’insurge un épargnant contacté mardi par téléphone. L’autorité financière portugaise, la CMVM, est en train de vérifier que le public avait été suffisamment informé, dans les prospectus d’émission, de la situation catastrophique du conglomérat.

La banque centrale portugaise poursuit, elle aussi, ses enquêtes. En particulier sur «l’émission et le rachat de leurs propres obligations [par] la banque et le groupe Espirito Santo ayant provoqué 1,3 milliard d’euros de pertes, et impliquant la [firme suisse] Eurofin Securities», précise-t-elle. Ajoutant que «si l’illégalité de telles pratiques se confirmait, les conséquences pénales en seraient tirées». Mardi, le Wall Street Journal a publié une série d’éléments à charge contre cette entité installée à Lausanne.

Pierre-Alexandre Sallier/ Le Temps aout14    

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/d3a420a4-230f-11e4-9a79-d749102b8541/R%C3%A9volte_des_petits_porteurs_dactions_Espirito_Santo

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