Barbarisme v. stupidité Par James Howard Kunstler
Tout au long de ma vie, je ne me rappelle pas avoir vu les Etats-Unis sombrer dans une politique étrangère aussi incapable et incohérente qu’aujourd’hui.
La campagne américaine qui a mis l’Ukraine dans le camp de l’Euroland et de l’OTAN – et l’a éloignée de l’Union commerciale eurasiatique dirigée par la Russie – a fait du fiasco d’une opération secrète une humiliation stratégique pour la Maison blanche d’Obama. Notez que l’affaire a été majoritairement étouffée par les médias américains, même suite à la publication la semaine dernière par l’Union des ingénieurs russes d’un rapport selon lequel l’avion commercial MH17 de Malaysia Airlines aurait été abattu par des obus 30mm tirés par un avion de chasse ukrainien. Le Département d’Etat n’a pas osé réfuter cette affirmation, parce le faire aurait attiré bien trop d’attention sur le fait que ce soit la seule explication plausible à ce qui s’est passé.
De la même manière, la campagne qui a visé à dépeindre Poutine comme une sorte de Staline en kimono de judoka a presque marché, puisque Poutine a semblé d’être l’acteur le plus calme et le plus rationnel de la scène politique, un homme cherchant à défendre ses intérêts nationaux depuis longtemps établis. Si l’Occident avait laissé l’Ukraine en paix et l’avait laissée joindre l’Union commerciale eurasiatique, le pays serait devenu la pupille économique de la Russie. Mais aujourd’hui, les Etats-Unis et l’Union européenne ont à le supporter grâce à des millions de dollars de prêts qui ne seront jamais remboursés. Nos alliés européens se sont lancés dans une série de sanctions économiques et financières contre la Russie, ce qui leur garanti de passer l’hiver prochain sans pétrole. Une grande idée.
La raison pour laquelle plus personne n’en parle est que la partie est terminée en Ukraine. Nous avons ravagé la région, et il ne tardera pas que l’Ukraine aille ramper devant la Russie pour la supplier de lui fournir un peu de pétrole pour se réchauffer cet hiver.
Existe-t-il un seul Américain sans tatouage et qui ne soit pas omnibulé par les Kardashian et la NFL et qui se sente confiant de la direction que prennent les politiques américaines concernant l’Etat islamique ? Il y a d’abord l’humiliation née du fait que cette bande de psychopathes ait pu défaire dix années, 4.500 morts américains et plus d’un trillion de dollars d’efforts de reconstruction en seulement quelques semaines. Le public américain ne semble pas avoir évalué les dommages causés à notre honneur, notre confiance en nous et notre position internationale.
Alors nous allons nous contenter de distribuer la mort par voie aérienne à ces hommes au drapeau noir, sur leur territoire qui s’étend de l’Irak à la Syrie – en violant au passage la souveraineté de cette dernière. Une telle opération ne manquera certainement pas d’inspirer ces hommes à mener leurs actions jusqu’en Europe, aux Etats-Unis et en Arabie Saoudite. Le mouvement est trop épars pour le moment, et inclue trop de psychopathes venus du monde entier (et particulièrement d’Europe) et munis de passeports qui leur permettent de voyager aisément depuis le Moyen-Orient et d’exporter le chaos où ils le désirent.
Les Etats-Unis se tiennent sur un carrefour de systèmes en cet automne 2014, ce qui ne devrait pas manquer d’être exprimé par nos politiques internes dans le futur proche. Nous sommes en voie de mettre en place un état de siège, et le Pentagone militarise déjà les commissariats du pays. Je ne doute pas que la moindre opération de l’Etat islamique sur le sol américain sera susceptible de semer l’hystérie.
Et pendant que tout cela se passe, Wall Street et ses valets font tourner les moteurs du mal-investissement et enchérissent sur de fausses valeurs qui sont loin de nous mettre dans la voie de l’économie des valeurs véritables qui nous attend. Et cette économie des valeurs véritables n’inclue pas beaucoup des conforts et des services auxquels nous sommes accoutumés – automobilisation de masse, chaînes de distribution nationales, air conditionné pour tous, électricité 24 heures sur 24 – mais elle est inévitable. A mesure que la réalité nous tire, hurlant et battant des pieds, vers cette nouvelle économie, la possibilité d’une convulsion politique domestique se fait de plus en plus sentir. Nous observerons un jour ces drôles d’années qui ont suivi le déraillement de 2008 avec un grand étonnement. Ces années de politiques sans gouvernail et de petits hommes qui se cachent lâchement. Un peuple ne peut accepter cela qu’à petite dose.
La finance est le maillon le plus faible de la chaine des systèmes qui nous permettent de maintenir en vie la vieille économie. Il s’agit du système le plus dénué de réalité et le plus facilement manipulé. Il est aussi le plus apte à entamer une glissade fatale. Tout ce qu’il faudra pour que tout s’effondre sera une simple perte de confiance