L’OPEP maintient sa production de pétrole inchangée sur fond de guerre économique
L’OPEP maintient sa production de pétrole inchangée Les pays du Golfe ont ignoré les appels à réduire le rythme pour gonfler les prix. Les cours du brut, déjà en baisse avant la réunion, jeudi, ont accéléré leur chute dans l’après-midi. Ils sont au plus bas depuis quatre ans
Le marché finira tôt ou tard par se stabiliser. L’argument des pays du Golfe, Arabie Saoudite en tête, l’aura finalement emporté sur les autres considérations. En dépit des appels de certains de ses membres, comme le Venezuela ou l’Algérie, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a décidé de maintenir son plafond de production d’or noir à 30 millions de barils par jour, a annoncé jeudi à Vienne le ministre koweïtien du Pétrole, Ali al-Omair, à l’issue d’une réunion qui n’avait pas autant concentré les attentions depuis plusieurs années.
C’est que les prix du pétrole n’en finissent plus de chuter. Depuis le mois de juin, le recul des cours a atteint 30%, en raison d’une offre surabondante et d’une demande affaiblie.
L’OPEP a pris une «bonne décision», a indiqué le puissant ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaïmi. Le ministre vénézuelien des Affaires étrangères, Rafael Ramirez, a lui quitté la réunion le visage fermé, en refusant de répondre à la presse.
Aucun engagement
Les pays de l’OPEP devaient trancher entre une baisse de leur plafond de production collectif, figé depuis trois ans à 30 millions de barils par jour, soit près du tiers de l’offre pétrolière mondiale, ou un maintien éventuellement assorti d’un engagement à mieux respecter ce niveau.
Mais les ultimes déclarations des délégations, avant la rencontre, avaient montré l’absence d’un consensus. Les prix du pétrole avaient plongé jeudi matin, signe que les investisseurs anticipaient un maintien du plafond. Jeudi, après la diffusion de la décision de l’OPEP, les cours accéléraient leur descente. Le baril de Brent s’est inscrit à 18 heures à 73,11 dollars, un niveau qu’il n’avait plus atteint depuis septembre 2010.
Impossible d’expliquer la chute du cours du pétrole sans prendre en compte les intérêts géostratégiques des Etats-Unis. La baisse des prix du pétrole met à genoux l’économie iranienne et fait souffrir la Russie. Or, à Téhéran et à Moscou, on soupçonne Washington d’avoir orchestré la baisse des prix avec l’aide de l’Arabie saoudite pour être en position de force dans deux dossiers délicats: les négociations sur le nucléaire iranien et le conflit en Ukraine.
«Tous les experts pensent qu’il y a une surabondance de l’offre sur le marché pétrolier», a déclaré mercredi le ministre iranien du Pétrole, Bijan Namdar Zanganeh, à son arrivée dans la capitale autrichienne. D’un côté, la stagnation de l’économie européenne et le ralentissement chinois ont induit un fléchissement de la demande. De l’autre, la production mondiale a gonflé grâce à l’exploitation de ressources non conventionnelles, comme le pétrole de schiste aux Etats-Unis. Ce déséquilibre entre l’offre et la demande cause la baisse actuelle des prix. Mais si cette dernière ne bénéficie à aucun pays producteur, l’Arabie saoudite, le deuxième plus gros exportateur avec 10,3 millions de barils par jour, juste derrière la Russie, rechigne à diminuer sa production pour relancer le cours. Et ce, malgré les demandes insistantes de Téhéran.
Le président iranien Hassan Rohani n’hésite pas à parler de «complot de la baisse des prix», accusant implicitement les Etats-Unis et leur allié saoudien, moins affectés par la chute des cours. Son gouvernement a tablé sur un prix du baril à 100 dollars au minimum pour boucler un budget fortement affecté par les sanctions occidentales. Pour Thierry Coville, professeur d’économie à Novancia Business School, à Paris, «l’Iran a déjà perdu 50% de ses recettes en devises étrangères depuis 2011 à cause des sanctions. Compte tenu du fait que les exportations d’hydrocarbures, essentiellement du pétrole, constituent 80% des recettes en devises du pays et la moitié du budget, la baisse du prix du baril a un impact considérable sur l’économie du pays.» Cela pourrait contraindre le gouvernement iranien à faire des concessions sur le dossier nucléaire alors que la date butoir pour obtenir un accord final a été repoussée au 30 juin 2015.
L’Iran est cependant prêt à faire des sacrifices pour maintenir tout ou partie de son programme nucléaire, ajoute Thierry Coville: «Si la faiblesse des prix du pétrole conjuguée aux effets négatifs des sanctions était tout à fait décisive, Téhéran aurait accepté un accord sur son programme nucléaire dès lundi, à l’échéance du dernier round de négociations qui se tenait à Vienne comme la réunion de l’OPEP.» En fait, les pressions sur l’Iran pourraient aussi se révéler contre-productives et renforcer le clan des durs, à Téhéran comme à Vienne, qui refusent toute concession.
Derrière leurs possibles intérêts conjoints, Riyad et Washington se battent aussi pour obtenir des parts de marché. «En 2011 déjà, lorsque les sanctions avaient contraint l’Iran à baisser sa production, l’Arabie avait augmenté la sienne pour compenser et empêcher une hausse des prix», explique Thierry Coville.
Moscou envisage de réduire sa production de pétrole
La baisse de 30% depuis juin du cours du pétrole rapproche les principaux pays producteurs, OPEP comme non alignés. «Nous avons discuté de la situation du marché et de coordination», a indiqué mardi le ministre des Affaires étrangères vénézuélien, Rafael Ramirez, pour décrire une réunion tenue entre le Venezuela, l’Arabie saoudite (tous deux appartenant à l’OPEP) et les deux principaux producteurs non alignés: la Russie et le Mexique, non membres du cartel.
Le Kremlin, par la voix du ministre de l’Energie, Alexander Novak, a laissé entendre la semaine dernière qu’il envisageait de réduire sa production, même si aucune décision définitive n’a été prise. La Russie produit actuellement au rythme de 10,5 millions de barils par jour, et pourrait choisir de réduire sa production de 300 000 barils par jour, d’après les experts. La compagnie Rosneft aurait réduit sa production de 25 000 barils par jour. Reste qu’il n’existe, pour l’instant, aucun mécanisme centralisé pour réduire la production.
«Offre et demande faussées»
Certains groupes pétroliers privés comme le numéro deux russe Lukoil s’opposent à cette mesure, qui «fausserait les rapports entre l’offre et la demande», selon son patron Vaguit Alekperov. Pour des raisons climatiques, les puits de pétrole sibériens ne peuvent être arrêtés sans causer des problèmes techniques.
D’autre part, fort de sa qualité (retrouvée) de premier producteur mondial de pétrole et campé sur son désir de souveraineté sans compromis, Moscou a toujours considéré l’OPEP avec dédain.
Les revenus issus des hydrocarbures représentent la moitié des recettes du budget fédéral russe, déjà grevé par les dépenses sociales promises par le président, Vladimir Poutine, et par les monstrueuses dépenses militaires.
Du coup, la Russie se retrouve plus vulnérable que jamais à la baisse du prix du baril. Le budget russe trouve officiellement son équilibre avec un baril autour de 100 dollars, mais certains économistes estiment que l’équilibre réel se trouve autour de 115 dollars, à cause de l’accumulation des problèmes économiques ces derniers mois. Un seuil à comparer avec celui de la plupart des pays du Golfe, capables d’endurer sur de longues périodes un baril entre 60 et 80 dollars.
L’Etat russe a certes pour lui de n’être que faiblement endetté et d’avoir sous le coude les réserves de 428 milliards de dollars de la banque centrale. Mais cette protection risque de s’effriter en raison d’une économie peu diversifiée.
Le rouble a tendance à suivre mathématiquement la courbe du prix du pétrole. La devise nationale a également perdu 30% de sa valeur au cours des derniers mois, et la banque centrale a dépensé 50 milliards de dollars pour soutenir le rouble.
Croissance en berne
L’OCDE vient d’abaisser son pronostic sur la croissance russe à cause de la faiblesse du baril. La croissance devrait être de 0,3% cette année, nulle en 2015 et de 1,6% en 2016, selon un rapport publié mardi. L’organisation n’exclut pas une récession si les prix du pétrole continuent de baisser ou si les sanctions économiques contre la Russie s’accentuent.
Pour le ministre des Finances russe Anton Silouanov, les sanctions vont faire perdre 40 milliards de dollars par an à son pays. Mais le pétrole est nettement plus crucial. Si le baril reste à son niveau actuel, les pertes dues à la chute des prix du pétrole atteindront les 100 milliards de dollars, a prévenu lundi Silouanov.
La baisse des cours du pétrole met en péril le futur de l’industrie pétrolière. Le niveau actuel du prix du baril (autour de 80 dollars) se trouve sous le seuil de rentabilité des futurs gisements pétroliers sur lesquels la Russie compte pour maintenir son potentiel.
Ces futurs gisements se trouvent dans des régions très inhospitalières, en Sibérie orientale, ou dans l’océan Arctique, loin de toute infrastructure de transport. Ils requièrent d’énormes investissements et l’acquisition de technologies étrangères, qui tombent précisément sous le coup des sanctions contre la Russie.
PAR EMMANUEL GRYNSZPAN MOSCOU/ BORIS MABILLARD/ Le Temps 27/11/14+ Agences
Poutine, conscient de la manip, a déclaré : “Jusqu’à présent, la Russie vendait son pétrole et avec ça, elle achetait ce dont elle avait besoin… à présent, la Russie va produire elle même ce qu’auparavant elle achetait”..
Pour la Russie, c’est en quelque sorte un aller vers le “capitalisme productif”… du coup, j’ai pas envie de les plaindre..
C’est la guerre entre les dealers (US et Arabie Saoudite) qui utilisent la came pétrodollar pour s’en mettre plein les poches et celui (la Russie) qui ne veut pas payer et utiliser cette “saloperie”. C’est la Chine qui doit rigoler !….