Cycle Economique et Financier

Le casse-tête des banquiers centraux

Le casse-tête des banquiers centraux

Des taux d’intérêt au plus bas dans les principaux pays industrialisés, que ce soit au niveau des États, des entreprises ou des ménages, ne suffisent manifestement pas à relancer une activité économique qui s’essouffle.

Contrairement à l’Europe, et l’Allemagne surtout, les statistiques américaines publiées la semaine passée (Philly Fed et ECRI) sont mauvaises et montrent clairement que la dynamique de croissance se réduit très vite. La perspective d’un nouveau « quantitative easing » grandit. Mais dans un contexte saisonnier (septembre – octobre) traditionnellement auvais, les investisseurs ne devraient pas se ruer sur les marchés même si la valorisation est attractive en particulieren Europe.

Un casse-tête de plus en plus insoluble pour les responsables de la politique monétaire. Les Etats-Unis constituent, à cet égard, un bon exemple.

PLUS/MOINS DE QE EN SUIVANT :

Si la Banque centrale américaine (Fed) n’avait pour mission que de permettre des taux d’intérêt à long terme modérés, sa réussite serait aujourd’hui éclatante. Les taux longs US (2,5%) n’ont tout bonnement jamais été aussi bas. Mais les statuts de la Fed prévoient aussi qu’elle contribue à l’avènement du plein-emploi. Et là, on est loin du compte. Le chômage culmine à 9,5% et menace, selon S & P, de remonter à 10%.

Bref, la Fed a beau inonder l’économie avec toutes les liquidités qu’elle veut, s’il y a refus à la fois d’emprunter et de prêter, alors il n’y a pas grand-chose que puissent faire les autorités monétaires.

Consommateurs et…

Ce « refus » est particulièrement prononcé chez les ménages. En témoigne la cohabitation de taux d’intérêt pour les emprunts immobiliers au plus bas depuis au moins quarante ans (4,15% à 30 ans), et de ventes dans l’ancien les plus faibles depuis quinze ans. Ces dernières, qui représentent actuellement entre 90 et 95% du marché immobilier US, se sont écroulées en juillet de 27%.

Sachant que la baisse de la valeur du patrimoine immobilier reste l’une des préoccupations majeures de la Fed, on voit mal l’institut d’émission faire autre chose que de maintenir ses taux à quasi 0%.

Immobilier US : le plongeon s’accentue…. (cliquez sur le lien)

Malgré cette politique ultra-expansionniste, les Américains ne mordent pas à l’hameçon. Ils ne veulent pas s’endetter pour se loger, pas plus que pour consommer. L’encours de leurs crédits à la consommation, qui a reculé lors des cinq derniers mois, s’est contracté de 16% depuis le début de la récession fin 2007.

« La dette des ménages est en baisse (leur ratio dette/revenus disponibles a baissé de quasi 14% à 12,46%), les consommateurs ayant une envie et une capacité limitées à emprunter, ce qui tarit une source de liquidité qui était très importante avant la récession », explique Scott Hoyt, de Moody’s Economy.com, en commentant des chiffres hebdomadaires de ventes de grands magasins décevants.

Dans ces conditions, peu importe l’attrait des taux d’intérêt, les consommateurs veulent plus de certitudes sur leur emploi… quand ils en ont un.

… entrepreneurs dos à dos

L’équation devient insoluble quand les chefs d’entreprises expliquent qu’ils n’embauchent pas, justement parce qu’ils ont face à eux des consommateurs frileux.

« Ils mettent leur extrême prudence sur le compte des consommateurs qui sont voués, selon eux, à les décevoir pendant de longues années », rapportait il y a peu le « Washington Post ».

Ces mêmes entreprises empruntent pourtant elles aussi à des taux d’intérêt très avantageux. Sur le marché obligataire, elles bénéficient même des meilleures conditions depuis 2006. Selon Bank of America/Merrill Lynch, la prime de risque moyenne des emprunts d’entreprise a chuté, au niveau mondial, à un peu moins de 2% contre un sommet de plus de 5%. Mais, au dire des analystes, elles manquent d’ambition dans l’usage des fonds levés. « Le fait qu’elles privilégient les fusions acquisitions nous amène à penser que les entreprises recherchent la croissance à travers l’absorption de concurrents, relève Chris Snyder, de l’agence de notation Moody’s. Si on regarde en détail leurs investissements, on remarque que l’accent est mis sur le renouvellement des équipements au détriment des achats d’équipements nouveaux. Plutôt que de se lancer à la conquête de nouveaux marchés, elles préfèrent comprimer les coûts de production. »

Et que dire des banques qui refusent de prêter sauf aux grands groupes, en particulier dans le secteur des matières premières, qui se livrent justement à ces opérations de regroupement.

Les états sont assis entre deux chaises

En fin de compte, le grand gagnant des taux bas paraît être l’État qui parvient à se refinancer à moindre frais. Mardi, les USA ont émis des titres de dette à deux ans pour lesquels les investisseurs ont payé un prix record pour un rendement riquiqui (0,498%, pour un taux d’intérêt de 0,375%). Mais cela lui fait une belle jambe. Si l’économie ne redémarre pas suffisamment, il n’y a pas moyen de résorber les gigantesques déficits publics et dégonfler la bulle de l’endettement.

On comprend que, dans conditions, les investisseurs se risquent de moins en moins à prendre des initiatives « osées » et privilégient les placements leur garantissant la meilleure protection contre le ralentissement économique, voire une rechute en récession.

Une situation particulièrement problématique pour les banquiers centraux…

Luc Charlier/L’Echo aout10

EN COMPLEMENTS : Les fusions et acquisitions annoncées ce mois-ci totalisent quelque 200 milliards de dollars mais cela ne suffira pas à déclencher une remontée durable des grandes Bourses, gagnées par de fortes craintes d’un ralentissement sensible de la croissance mondiale.

Au mieux, les fusions et acquisitions – favorisées par des taux d’intérêt tombés à des plus bas record, des actions bon marché et des trésoreries d’entreprises bien garnies – pourraient limiter la baisse des marchés d’actions, les investisseurs cherchant à prendre des positions sur les titres de cibles potentielles.

Un autre facteur milite contre une multiplication des fusions-acquisitions: les risques de suppressions d’emplois dans un contexte de chômage élevé et leur éventuel impact sur la demande de produits de ces mêmes entreprises.

Le ralentissement aux Etats-Unis a été confirmé vendredi par la publication d’une nouvelle estimation du PIB au deuxième trimestre très en deçà de la précédente, soit +1,6% en rythme annualisé contre +2,4%.

Les sociétés composant l’indice boursier américain S&P 500, qui ont réduit leurs coûts de façon drastique depuis le début de la crise économique fin 2007-début 2008, ont fini le deuxième trimestre avec des trésoreries record – 1.630 milliards de dollars au total, selon Thomson Reuters Worldscope.

« Les bilans des entreprises ont rarement été aussi garnis », a souligné Alain Bokobza, responsable de l’allocation d’actifs globale chez Société générale.

Ces entreprises, qui cherchent à doper leur chiffre d’affaires dans un environnement économique anémié, ont provoqué des remous au cours du mois d’août, généralement le plus calme de l’année en termes de M&A.

LA CHINE AUSSI

Selon les données Thomson Reuters, les opérations annoncées en août ont totalisé 200 milliards de dollars, soit le troisième meilleur mois de l’année en termes de fonds engagés.

Parmi les plus importantes, on compte l’offre hostile de BHP Billiton sur le canadien Potash (à 39 milliards de dollars), l’offre d’Intel sur McAfee (pour 7,7 milliards de dollars) et la prise de participation de Vedanta Resources pour 9,6 milliards dans Cairn India.

S’y ajoute la bataille engagée entre Hewlett-Packard et Dell pour s’emparer de 3PAR, les offres atteignant désormais deux milliards de dollars.

Si, à ce stade l’année, le montant global des M&A dépasse de 20,6% celui de 2009, il est inférieur de moitié à celui de 2007 quand les marchés d’actions étaient en forte progression.

La crise de la dette souveraine en zone euro et le retour des inquiétudes pour la croissance mondiale plombent les marchés actions et dopent les obligations dont les rendements sont tombés à des plus bas record.

« Pour l’instant, le facteur dominant pour les marchés reste le ralentissement de la croissance aux Etats-Unis et en Chine », dit Alain Bokobza qui note que les fusions et acquisitions sont pour la plupart limitées aux secteurs technologiques et miniers.

Des analystes soulignent que si les montants des opérations sont importants, celles-ci ont été peu nombreuses en août – 1.863 contre 2.961 en août 2009.

Selon les professionnels interrogés, la nouvelle vague de M&A traduit une inquiétude des entreprises sur la croissance de leurs chiffres d’affaires et font craindre également des effets négatifs sur la situation de l’emploi.

« Dès que j’entends ‘M&A’, je pense perte d’emplois », dit Kim Caughey, analyste chez Fort Pitt Capital Group, à Pittsburgh.

« Quand on voit la taille des acquisitions actuelles, je ne serais pas surpris de voir le chômage augmenter », a-t-il ajouté.

source reuters aout10

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L’Amérique en route vers la déflation ? par Yves de Kerdrel

  Les Etats-Unis viennent de réviser fortement à la baisse le taux de croissance du deuxième trimestre. Et ce n’est pas fini !

Même le New York Times commence à être critique sur la politique économique menée par Obama. Ce revirement du plus fervent supporter du président en dit long sur les états d’âme des américains, et sur la peur panique du parti démocrate à quelques semaines, désormais, des élections de mid-term.

Le chiffre qui est tombé cette après-midi ne va pas arranger les affaires du locataire de la Maison Blanche puisqu’il s’avère que la croissance de l’économie américaine au cours du deuxième trimestre a été bien moins forte qu’estimée initialement, à 1,6% en rythme annualisé contre les 2,4% annoncés. Certes, il apparaît que l’Oncle Sam a été pénalisé par la plus forte hausse des importations enregistrée depuis 26 ans, ce qui n’est pas incongru compte tenu de la dégringolade de l’euro et du niveau toujours très bas du yuan. Certes, beaucoup d’économistes s’attendaient à un chiffre pire encore, c’est-à-dire plus proche de 1,4 %. Il n’empêche que ce 1,6 % est très faible, quand on pense qu’en rythme annualisé, les précédentes sorties de crise ont donné lieu, outre-Atlantique, à des taux de croissance moyens de l’ordre de 7 %.

Le compte n’y est pas. Malgré les 700 milliards de dollars du plan de relance, malgré les mesures fiscales encore en vigueur une partie du deuxième trimestre, et surtout malgré une politique de taux particulièrement bienveillante menée par la Réserve Fédérale. Si avec des taux directeurs inférieurs à 0,5 %, la croissance annualisée ne dépasse pas les 1,6 %, cela signifie que l’on se rapproche de plus en plus du moment où l’économie américaine risque de basculer dans le scénario d’une déflation à la japonaise.

Maintenant chacun attend que Ben Bernanke donne des indications sur la manière dont il compte sortir l’économie américaine de l’ornière.On attend notamment la mise en place de nouvelles mesures non conventionnelles. Reste à savoir si ce n’est pas trop tard. Et si cela ne risque pas de constituer un signe de plus du désarroi dans lequel se trouve le trio Obama-Geithner-Bernanke !

source wansquare  aout10

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Il existe une «possibilité réaliste» que les États-Unis subissent une détérioration économique de style japonais, selon David Wyss, économiste en chef de Standard & Poor’s.

Les prix à la consommation aux États-Unis, en excluant les aliments et l’énergie, ont augmenté de moins de 1% pour le quatrième mois de suite en juillet dernier, indiquent des données du Département américain du travail tandis que l’inflation de base au Japon est demeurée principalement négative depuis septembre 1998.

«Je crois qu’il existe encore une possibilité réaliste que les États-Unis sombrent dans la même ornière de stagnation où s’est enlisé le Japon pendant 10, 20 ans», a soutenu dans la semaine M. Wyss au cours d’un séminaire tenu à Tokyo. «La hausse de la population aux États-Unis crée un plus grand besoin de capital, un plus grand besoin de logements, ce qui rend la déflation un peu moins probable, mais je ne suis pas certain que ce soit impossible», a-t-il ajouté.

La déflation, soit une baisse des prix généraux, accroît la valeur des paiements fixes des obligations. Les prix des titres de dette américains ont bondi cette année, poussant le taux de rendement des bons du Trésor de 10 ans à 2,53% vendredi dernier, niveau le plus bas depuis mars 2009. Les taux des titres de dette japonais comportant la même échéance sont près du niveau le plus bas depuis 2003.

Dans un rapport publié le mois dernier, James Bullard, président de la Réserve fédérale américaine de St. Louis, écrivait que les «États-Unis sont plus près d’un épisode à la japonaise qu’à tout autre moment de l’histoire récente.»

James Bullard (FED) persiste et signe (cliquez sur le lien)

Au deuxième trimestre, le Japon a cédé à la Chine le titre de deuxième économie au monde, glissant au 3e rang. Aux États-Unis, le produit intérieur brut, le plus gros au monde, a crû de 1,4% au cours du trimestre terminé en juin, soit moins que l’essor de 2,4% rapporté le mois dernier, selon l’estimation médiane d’économistes sondés par Bloomberg. Le département américain du Commerce doit publier les données révisées vendredi.

Les économies mondiales et celle des États-Unis n’en sont encore qu’au début d’un redressement graduel, a estimé M. Wyss. «Une reprise lente est une reprise vulnérable, dit-il. C’est fragile. N’importe quel choc extérieur peut facilement transformer la situation actuelle en une autre récession.»

source :  Bloomberg aout10


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