L'Etat dans tous ses états, ses impots et Nous

André Gosselin : L’État, c’est moi !

On connaît la recette d’un État efficace. Mais on ne sait rien sur la manière de le mettre en place dans un pays qui ne l’a jamais connu…..

L’État, disait le grand économiste Frédéric Bastiat, est la grande fiction selon laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde.

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Chacun réclame son dû à l’État: riches et pauvres, salariés et entrepreneurs, étudiants et retraités, artistes et fonctionnaires, ceux qui paient des impôts et ceux qui n’en paient pas (40 % des Québécois adultes).

La fiction, ce n’est pas seulement l’État. La fiction est d’abord en nous, dans nos croyances douteuses et dangereuses. Nous tous qui croyons que la « société » (autre belle fiction commode) ne nous récompense pas suffisamment pour la contribution que nous y apportons ou, pire, pour la contribution que nous pourrions y apporter si seulement l’État était plus juste, généreux, gros, mince, lucide, solidaire et quoi encore !

L’État est la grande affaire de notre temps. Nous sortons à peine d’un siècle de grandes fictions idéologiques (le communisme, notamment) où des générations d’individus, sur toute la planète, ont cru que tous les rapports entre les humains, toutes les idées et toutes les réalisations devaient passer par le filtre de l’État.

Nous commençons tout juste à comprendre que la mise en place d’institutions publiques justes et de qualité est une affaire beaucoup plus complexe que ce que laissent entendre les grandes doctrines politiques qui ont marqué nos imaginaires (socialisme, libéralisme, nationalisme, fédéralisme, etc.).

Nous connaissons bien sûr le type d’État qui est le plus favorable à la prospérité économique : un État modeste capable d’assurer la sécurité de ses citoyens et de protéger leurs droits individuels les plus élémentaires, à commencer par le droit à la propriété, le droit d’expression et le droit d’association.

En revanche, nous sommes plutôt ignorants quant à la manière de transférer nos institutions démocratiques et libérales aux pays en voie de développement (l’Afghanistan, l’Irak, la Palestine, Haïti et la quasi-totalité de l’Afrique nous le rappellent chaque jour) ou aux pays qui cherchent à sortir d’un demi-siècle de dictature communiste (la Russie, la Chine, la Bosnie, le Kosovo, etc.).

Des élections tous les quatre ans, la privatisation de quelques agences publiques et l’ouverture des frontières au commerce international sont loin d’être des formules magiques pour créer un appareil gouvernemental juste et efficace.

De grands intellectuels ont jeté la serviette depuis longtemps quant à cette prétention des pays occidentaux à pouvoir exporter leur modèle étatique ailleurs dans le monde. Les néo-conservateurs américains, qui croyaient qu’une guerre juste pouvait être une étape nécessaire, sont en train de déchanter.

Les pays riches réussissent assez bien à envoyer des ressources financières, humanitaires et policières aux pays dans le besoin. Ils appuient assez bien leurs entreprises, leurs ONG et leurs travailleurs qui acceptent de s’y installer et d’y oeuvrer. Mais nous sommes incapables d’y exporter les règles juridiques, la culture politique et les institutions publiques qui ont fait notre fortune.

Les théories libérales et démocratiques sont impuissantes quand il s’agit de connaître la marche à suivre pour construire un appareil d’État équitable et responsable dans un pays qui sort de 50 ans de communisme, de 25 ans de dictature militaire ou de 10 ans de guerre civile.

Et pourtant, on connaît trop bien l’importance de l’enjeu, car les États faibles, incomplets ou défaillants sont à l’origine de plusieurs des problèmes les plus graves actuellement. Que l’on pense seulement au terrorisme, à l’épidémie du sida, à l’analphabétisme, à l’oppression des femmes, à la pauvreté, à la famine et à la guerre.  

La pire fiction concernant l’État n’est pas celle où « tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde », comme le dit Frédéric Bastiat. Désormais, la plus grande fiction concernant l’État moderne, et les États démocratiques et libéraux en l’occurrence, c’est de croire qu’ils peuvent exporter leur modèle partout, de gré ou de force.

André Gosselin  analyste et chercheur canadien Chronique   parue  dans  Affaires Plus

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