Matières Premières

Matières Premières : Le Brut, le bon consommateur et le courtier truand….par Jeannette Williner

La chance des courtiers en brut

Ils ont gagné près de 4 milliards de dollars en 2009. Un record. La situation sera plus difficile cette année….

Car quoi qu’on en pense, c’est à une abondance de pétrole qu’il faut s’attendre. Les effets de la hausse du brut depuis 2004 vont se traduire par des capacités de production supplémentaires de 10 à 12% avant la fin de la décennie ce qui sera largement supérieur à l’augmentation de la demande chinoise. De nouveaux producteurs sont en train de s’imposer. Canada, Brésil et Kazakhstan (encouragé par la demande et la proximité de la Chine) ont de très gros potentiels de production. Et ce ne sont pas les seuls : la liste serait même longue….

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Le brut (WTI) termine l’année 2009 à 79,36 proche de son plus haut niveau d’octobre (82 dollars) et en progression de 78% sur l’année (44,60 le 31 décembre 2008).

Un bémol cependant: le brut avait mis près de trois mois à sortir de l’ornière dans laquelle il s’était enfoncé à la fin de l’année.

Les liquidations de positions avaient été nombreuses suite à la crise financière, les banques s’étant fortement engagées dans ce secteur.

Peut-on conclure que les prix de la fin de l’année traduisent le retour d’une spéculation acharnée?

Pas même, plutôt un concours de circonstances. Les contrats sur le brut texan restent à un niveau inférieur de 50% au plus haut de juillet 2008 (147,27 dollars).

Pourtant la demande de la Chine a fortement augmenté en novembre et l’Inde ne devrait pas être en reste dans sa soif de pétrole.

L’Energy Bulletin anticipe des prix de l’ordre de 80 à 85 dollars le baril pour le premier trimestre.

Rien d’affolant. L’hiver sévit et les réserves américaines, toujours observées, semblent se vider (enfin). La situation iranienne est moins rationnelle car le risque géopolitique ne se mesure que mal, or l’Iran est le troisième exportateur mondial de pétrole: en 2008, dans les statistiques finales, les Emirats Arabes Unis l’avaient devancé mais de peu. Les opposants iraniens irontils jusqu’à la grève?

 Par contre pour l’instant, l’incertitude demeure sur la vigueur de la reprise animant les économies occidentales. De ce côté là, il y aura plutôt un manque qu’un excès dans la demande.

Paradoxalement, beaucoup de pessimistes s’affolent et sont sûrs d’une chose : le monde manquera d’énergie. De ce fait, les spéculateurs s’en donnent à coeur joie.

Pourtant, après la chute libre de 2008, les consultants en énergie sont plus sérieux et ne conseillent plus les achats à la légère. Par contre, ils ne peuvent rien ou pas grand chose quant aux désirs des investisseurs. Il semble que début 2010 les gérants de caisses de pension vont s’orienter vers une stratégied’accroissement de la part de leur portefeuille consacrée aux matières premières. Même si le brut, pour les mêmes spécialistes, semble suracheté aujourd’hui, il est possible qu’il persévère quelques temps encore dans cette orientation suite à cette nouvelle allocation d’actifs. On peut déjà supposer que ces excès de prix, qui peuvent être encouragés par la météo ou des complications géopolitiques, devraient, si les paramètres ne connaissent pas d’excès, être des opportunités de ventes.

Car quoi qu’on en pense, c’est à une abondance de pétrole qu’il faut s’attendre. Les effets de la hausse du brut depuis 2004 vont se traduire par des capacités de production supplémentaires de 10 à 12% avant la fin de la décennie ce qui sera largement supérieur à l’augmentation de la demande chinoise. De nouveaux producteurs sont en train de s’imposer. Canada, Brésil et Kazakhstan (encouragé par la demande et la proximité de la Chine) ont de très gros potentiels de production. Et ce ne sont pas les seuls : la liste serait même longue.

D’un autre côté on ne doit pas oublier les efforts faits en matière d’énergies renouvelables. Même la Chine couvrira 15% de ses besoins grâce à elles (solaire et éolienne comprises) en 2020. Ces facteurs combinés à l’amélioration de la technologie allant toujours vers une moins grande consommation énergétique pourraient conduire à une surprise dans les prix du brut. Les politiques, qui exploitent les recettes de poche dont font partie les taxes sur l’essence et le gazole se réveilleront peut-être eux aussi très brutalement.

Plus encore, cela contribuera à la suppression d’opportunités de spéculation. Si l’on pense auporte-monnaie du consommateur ce ne sera pas plus mal. Au fil de la sortie des statistiques on s’aperçoit que le bon argent de Monsieur Lambda n’a pas été perdu pour tout le monde.

 Les principaux courtiers de brut (Vitol, Glencore, Trafigura, Gunvor et Mercuria) auraient gagné près de 4 milliards de dollars en 2009, autant dire un record. Du plus bas de janvier au plus haut d’octobre les prix ont été pour le moins volatiles. Les arbitrages nombreux que cette situation a rendu possibles ont généré des bénéfices dont l’utilisateur n’a naturellement  pas bénéficié. Même les banques n’ont pas été des concurrents sérieux mises en échec par la crise financière. En 2010, la situation sera sans nul doute plus difficile.  Certes, l’intégration des marchés de l’énergie gaz, charbon etc. leur laisse de beaux jours devant eux.

A terme cependant, la situation de contango (prix futur supérieur au prix comptant) risque de se détériorer.

Par ailleurs, les courtiers se sont développés et ne sont plus capables de gagner des parts de marchés compte tenu de l’état de la demande. De ce fait, l’utilisateur a peut-être enfin une chance de bénéficier de la lutte concurrentielle qui s’instaure entre eux. Ces légères blessures entameront leurs bénéfices. Leur expansion ayant été fulgurante (Mercuria: 2004), la possibilité d’un retour en arrière tout aussi rapide ne peut être exclue. Car lorsque les prix baissent, ce sont les intermédiaires qui trinquent, les producteurs entrant eux aussi dans un schéma de défense. Cette situation n’est que pour après-demain.

JEANNETTE WILLINER  Analyste indépendant

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