Il est intéressant d’observer rétrospectivement l’attitude d’investissement dans le cas des produits structurés…
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Dans le passé (2004 – mi-2007), certaines variantes de produits structurés ont fait leur apparition en bourse. On y trouve des variantes conservatrices avec protection de capital, des produits offrant une protection partielle tels que les Barrier Reverse Convertibles et des structures plus agressives à levier complémentaire.
Lorsque de nouveaux Barrier Reverse Convertibles ont été proposés, ils ont été le plus souvent offerts avec divers Barrier Levels de façon à permettre aux investisseurs soucieux de bénéficier d’une meilleure protection contre le risque, comme à ceux désireux d’obtenir un rendement plus élevé, de disposer d’une possibilité de choix correspondante pendant la période de souscription. On a toutefois pu observer qu’en majeure partie les variantes d’équipement des Barrier Reverse Convertibles à rendement plus élevé et à plus faible amortissement du risque étaient notablement plus appréciées sur le marché. Le rendement des investissements s’est toutefois profondément modifié entre-temps. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte, mais si on les observe à la lumière de la Behavioral Finance, on peut alors y trouver une justification psychologique.
La finance comportementale ou Behavioral Finance est un secteur florissant de l’industrie de la finance qui fait une entrée progressive mais remarquée dans les produits structurés. Il s’agit essentiellement d’analyser la psychologie qui se cache derrière une attitude d’investissement. Le «Mental Accounting» est un secteur partiel de la Behavioral Finance, où diverses personnes utilisent des éléments cognitifs pour organiser, évaluer et garder une certaine vision d’ensemble des activités financières.
En 1979, Daniel Kahneman (Princeton University) et Amos Tversky (Stanford University) ont développé un modèle actuellement connu sous le terme de Prospect Theory.
Il s’agit en premier lieu de modéliser le processus décisionnel de personnes se trouvant en position de prise de décision entre deux alternatives comportant un certain risque, comme c’est le cas par exemple dans les décisions financières. Les gains potentiels et les pertes sont confrontés et l’on observe alors comment les investisseurs les évaluent. Les concepteurs du modèle, Kahneman et Tversky, ont ainsi pu démontrer de façon convaincante que l’homme a une aversion pour les pertes. Dans le contexte de la Prospect Theory, cette aversion pour les pertes se traduit par la tendance de l’homme à s’investir davantage pour éviter une perte que pour réaliser un gain.
Cette attitude ne pourrait-elle pas s’appliquer cependant à l’attitude d’investissement durant les années 2004-mi-2007? Est-ce que les investisseurs ont eu durant cette période la possibilité de mieux évaluer les marchés et de s’exposer au risque accru de façon contrôlée? Est-ce que l’aversion pour les pertes a soudainement disparu en cours de route?
La Behavioral Finance propose en cela des justifications psychologiques que l’on nomme «Choice Bracketing and Dynamic Mental Accounting» 1.
On a constaté à cet égard durant diverses expériences que la sensation de bénéfice et de perte pouvait dépendre du succès antérieur lorsque les transactions précédentes ne pouvaient pas être classifiées mentalement comme des transactions isolées. Il est donc principalement question du mode de comptabilisation mentale de ces transactions. Si l’on relie une perte que l’on vient d’essuyer à un gain antérieur, la perte que l’on vient de réaliser fait moins mal. Un nouvel achat est plus fréquemment réalisé lorsqu’un gain a été réalisé lors d’une transaction antérieure. La comptabilisation mentale de diverses transactions joue ici un rôle essentiel pour savoir où se situent les limites. Regroupe-t-on une série de décisions ou considère-t-on chaque décision comme une décision indépendante? En d’autres termes, le bénéfice réalisé dans un investissement antérieur, chose parfaitement possible dans la période précédemment évoquée, peut stimuler la capacité de risque de l’investisseur. Et ceci peut conduire à des résultats pour le moins indésirables.
De l’automne 2007 à la mi-2009, beaucoup moins de produits à paramètres de risque ont été écoulés sur le marché suisse. Les investisseurs sont devenus prudents. Lors de discussions avec des investisseurs, on note d’ailleurs une certaine insécurité.
On s’est vraiment donné du mal pour tenter d’estimer les fluctuations du marché. Est-ce que les investisseurs étaient mieux informés durant les années du boom ou était-on disposé tout simplement à prendre des risques accrus, suite au succès des investissements antérieurs? On peut à juste titre se poser la question. De façon générale, les investisseurs en produits structurés ne devraient pas se laisser amener par les conditions et les chances potentielles de rendement à effectuer des investissements, sans se poser les vraies questions sur la fluctuation de cours de la(des) valeur(s) de base. Chaque nouvel investissement est totalement indépendant du résultat de l’investissement antérieur et devrait donc être considéré de façon neutre comme un nouvel épisode. En transposant dans la pratique l’observation individuelle d’un investissement, on peut notablement réduire le risque de générer des pertes inattendues.
Par Dominique Boehler Public Distribution Suisse, Commerzbank AG, Zurich jan10
1. Richard H. Thaler, Choices, Values, and Frames, Cambridge University Press, réimpression en 2002
Catégories :Behaviorisme et Finance Comportementale