Joel Greenblatt, un gourou qui fait confiance à deux ratios
Professeur et investisseur, Joel Greenblatt a l’avantage d’une performance de 521% au cours des 10 dernières années. Il fait mieux que Warren Buffett (77%) et que l’indice S&P (–9%)
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La performance de Joel Greenblatt sur dix ans interroge. Comment cet investisseur «dans la valeur» peut-il dépasser Warren Buffett en personne? La surprise n’est pas le fait du hasard. Entre 1985 et fin 1994, à la tête de son hedge fund (Gotham), son rendement s’était déjà élevé à 5197% et dépassait l’indice (154%).
Après avoir alors remboursé ses investisseurs, Joel Greenblatt est devenu président d’un groupe de défense (Alliant), puis professeur à l’Université de Columbia et patron de Gotham. Il publie deux best-sellers financiers dont The Little Book That Beats The Market, vendu à 300 000 exemplaires.
Aujourd’hui, il gère ses propres fonds et participe à la création de produits RBS basés sur sa propre «formule». Ses recherches ont en effet abouti à une sélection d’actions fondée sur deux seuls ratios censés mettre en évidence l’entreprise la plus rentable et l’action la meilleur marché. Comme ces deux ratios ne sont pas adaptés à tous les secteurs, Gotham exclut les financières et les assurances parce qu’un bénéfice avant intérêts ne signifie plus rien pour ce secteur. Et il élimine les services aux collectivités parce que le rendement est défini par les réglementations de l’Etat.
De passage mardi à Zurich pour le lancement de produits en collaboration avec RBS, il explique au Temps les clés de sa stratégie d’investissement.
Le Temps: Peut-on réduire la complexité des marchés à deux ratios?
Joel Greenblatt: Nos principes sont fondés sur les travaux de Benjamin Graham et Warren Buffett. Le premier a introduit l’idée de marge de sécurité dans l’achat d’actions et celle du «Monsieur Marché», un partenaire qui se révèle souvent émotionnel. Warren Buffett a poussé le raisonnement plus loin, expliquant qu’il était non seulement nécessaire d’acheter des entreprises bon marché mais aussi de bonnes entreprises.
Mon idée est aussi d’acheter bon marché de bonnes entreprises. A cette fin, nos travaux, menés avec 17 chercheurs et qui ont coûté 20 millions de dollars, ont conduit à sélectionner deux concepts. Il s’agit de celui de «bon marché» et s’exprime à travers le rendement du bénéfice (bénéfice d’exploitation par rapport au cours boursier). Le deuxième est celui du rendement du capital (bénéfice d’exploitation par rapport aux actifs circulants et actifs fixes). Nous l’avons testé de 1988 à 2004, et il en ressort que si l’on sépare les actions en 10 ensembles, le groupe offrant la meilleure combinaison a offert une performance annuelle de 17,9%, le deuxième meilleur groupe 15,6% etc., jusqu’au pire groupe avec 2,5%.
– Est-ce que votre formule fonctionne bien par tous les temps?
– Sur les dix dernières années, nous avons analysé 20 meilleures périodes de 12 mois et chacune a montré la supériorité de notre formule. Lors des 20 pires périodes, notre formule a battu l’indice en 15 occasions sur 20. Mais elle ne fonctionne pas toujours. C’est heureux, car sinon tout le monde l’utiliserait et finalement elle ne fonctionnerait plus. En 2008, elle a sous-performé le marché de 2%, après avoir surperformé de 12% en 2007 et de 40% en 2009.
– Si vous utilisez la formule de façon disciplinée, est-ce que vous risquez d’avoir des actions d’une seule branche d’activité?
– C’est pour cela que nous avons créé un indice Gotham qui empêche d’avoir plus de 4 entreprises par branche pour un total de 16 secteurs. Nous procédons à un rééquilibrage chaque trimestre.
– Quel est aujourd’hui le secteur le plus attractif et au meilleur prix?
– Il s’agit de sociétés d’ingénierie, de construction et de consommation, en raison du pessimisme régnant sur les perspectives conjoncturelles, et de la pharma, en réponse à la réforme de la santé.
– Est-ce que vous avez une opinion sur le niveau actuel des bourses?
– Si je vous avais dit il y a dix ans que le marché des actions allait baisser, vous n’auriez pas investi. Pourtant Gotham a multiplié par six la valeur sous gestion. Il importe peu de savoir comment évolue le prix moyen. Nous ne sommes pas très bons sur l’avenir du marché. Mais il y a toujours de grandes différences entre les compagnies. Nous pensons que le marché est correctement évalué actuellement et prévoyons un rendement annuel de 5 à 7% sur dix ans. Avec notre stratégie, il est possible d’ajouter un rendement additionnel.
Propos recueillis par Emmanuel Garessus, Zurich le temps mai10
EN LIEN : Infographie. Analyse rendements et risques sur 10 ans (cliquez sur le lien)
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