Trappe à Dettes/ Banques : Le système bancaire espagnol à l’épreuve des “Cajas”
Une partie du système bancaire espagnol est au pied du mur. Sur les 45 caisses d’épargnes régionales que compte le pays, la plupart d’entre elles ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes.
Pour Rafael Pampillon, responsable des analyses économiques auprès de IE Business School à Madrid, “nombre de Cajas sont déjà à moitié en faillite”. Elles sont, à l’instar de ce qu’ont connu de nombreuses banques régionales aux Etats-Unis, rattrapées par leurs “subprimes”.
Après avoir multiplié par cinq les crédits immobiliers commerciaux et les prêts hypothécaires au cours des dix dernières années, elles doivent désormais composer avec une forte hausse du taux de défaut dans le chef des emprunteurs
PLUS DE DETTES DOUTEUSES EN SUIVANT :
La bulle immobilière laisse les banques espagnoles avec près de 300 milliards d’euros de dettes sur les bras, dont près de la moitié se retrouve dans les comptes des Cajas. Leurs créances se révélant de plus en plus toxiques, elles n’ont, poursuit Rafael Pampillon, “d’autres choix que de fusionner” ou de se tourner vers la Banque centrale espagnole, comme l’a fait ce week-end la CajaSur.
Fusions à gogo
C’est dans ce contexte explosif que quatre institutions, Caja de Ahorros del Mediterraneo, Grupo Cajastur, Caja de Ahorros de Santander y Cantabria, et Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Extramadura, ont soumis aux autorités monétaires un projet de regroupement de leurs actifs (135 milliards d’euros) pour former la cinquième banque du pays.
Par l’intermédiaire du fonds gouvernemental destiné à la restructuration ordonnée du secteur bancaire (FROB), la Banque d’Espagne a, jusqu’au 30 juin (date d’expiration du FROB), 99 milliards d’euros à sa disposition pour faciliter les fusions entre Cajas. Pour recapitaliser CajaSur, elle y a puisé 550 millions d’euros, mais le sauvetage pourrait coûter jusqu’à 2 milliards d’euros, soit presque autant que les 1,4 à 1,8 milliard d’euros qui seront nécessaires au projet de fusion des quatre Cajas précitées.
Toujours plus de dette
Inutile de préciser que le compteur risque de s’affoler rapidement. Si près d’un tiers des caisses d’épargne a déjà fusionné, le gouvernement Zapatero estime qu’un autre tiers devrait recourir rapidement au même procédé. Du coup, les estimations de l’agence de notation Standard & Poor’s et de la banque Morgan Stanley évoquent une ardoise de 35 à 43 milliards d’euros pour les pouvoirs publics.
Ce qui tombe au plus mal pour un pays qui a annoncé la semaine dernière un plan d’austérité de 15 milliards d’euros destiné à ramener le déficit public de -11,2% du PIB en 2009 à -9,3% en 2010.
Marchés inquiets
Déjà énormément endetté, l’Espagne, qui doit rembourser (intérêts compris) la bagatelle de 705 milliards d’euros d’ici 2019 (soit 288 mil¬liards d’euros de plus que la Grèce), va donc encore devoir accroître son endettement pour stabiliser son système financier.
Une perspective qui fait froid dans le dos des investisseurs. Échaudés par la crise grecque, ils se méfient de plus en plus des dettes souveraines des pays de la périphérie européenne. Pour emprunter à dix ans, l’Espagne doit désormais offrir un rendement de 4,12%.
Même si ce n’est pas encore aussi astronomique que dans le cas des Grecs (7,78%), le surplus de rendement par rapport aux Bunds allemands exigé par le marché, pour se couvrir contre une éventuelle défaillance de paiement, se monte à 1,55% (contre 5,2% pour la Grèce).
Une prime de risque historique qui montre que les investis seurs ne sont pas pleinement rassurés quant à la capacité des Espagnols à honorer leurs engagements financiers.
En Juillet, ils devront, notamment, rembourser près de 25 milliards d’euros. Et près de 79milliards d’euros pour l’ensemble de l’exercice 2010, soit quasi 15% de leur dette totale. À titre de comparaison, la Grèce doit rembourser cette année 5,4% de sa dette totale, soit trois fois moins. Même si l’Espagne n’est pas la Grèce, il n’est pas im¬possible que le pays soit, lui aussi, acculé à faire appel au dispositif européen de soutien aux pays en difficulté.
Des défis immenses
Avec un taux de chômage, qui culminait à plus de 20% au premier trimestre, l’Espagne est le plus mauvais élève de la classe dans la zone euro, mais aussi dans l’OCDE.
On voit mal, dès lors, comment la croissance (le FMI évoque à peine 1,5% à 2% sur le long terme) pourrait rapidement venir au secours des autorités espagnoles.
Comme le résume le fonds monétaire international, “les défis sont immenses: un marché de travail en état de dysfontionnement, l’éclatement de la bulle immobilière, un important déficit budgétaire, un lourd endettement du secteur privé […], une hausse de la productivité quasi-inexistante, une faible compétitivité et un secteur bancaire présentant des îlots de faiblesse”.
Les réformes structurelles à réaliser sont à ce point importantes que l’Espagne aura fort à faire pour convaincre les investisseurs que le pays ne sera pas confronté à une crise semblable à celle que subit la Grèce.
La consolidation de ces caisses d’épargne est devenue une priorité nationale, au risque d’enfler encore davantage l’endettement du pays.
par Luc Charlier écho mai10
EN COMPLEMENT : L’Espagne doit veiller sur ses caisses d’épargne
Simon Nixon, THE WALL STREET JOURNAL mai10
En théorie, la faillite d’une petite caisse d’épargne espagnole ne devrait pas alimenter des mouvements de vente sur les marchés d’actions mondiaux.
CajaSur représente seulement 0,6% des actifs bancaires espagnols et ses difficultés étaient bien connues. Les 500 millions d’euros destinés à remettre la caisse d’épargne à flot ne grèvent guère le fonds public de soutien à la restructuration du secteur bancaire espagnol, qui est doté de 90 milliards d’euros. Cependant, les déboires de CajaSur soulèvent des doutes quant à la capacité de l’Espagne à résoudre ses problèmes bancaires.
Le gouvernement espagnol a fait preuve d’une trop grande complaisance à l’égard des caisses d’épargne, qui constituent environ 50% du secteur bancaire du pays. Nombre d’entre elles manquent d’efficacité après s’être rapidement développées grâce à une conjoncture économique favorable et avoir accordé des prêts immobiliers de façon massive. Aujourd’hui, plombées par les créances douteuses et exposées à une hausse des coûts de financement, de nombreuses caisses d’épargne sont, ou seront prochainement, déficitaires.
Morgan Stanley estime que ce secteur détient 175 milliards d’euros de prêts immobiliers, équivalents à 273% des actifs corporels, et pourrait nécessiter jusqu’à 43 milliards d’euros de capitaux frais, ce qui mettrait encore plus la pression sur le déficit public espagnol.
La Banque d’Espagne affirme que le traitement sans concessions réservé à CajaSur, avec notamment le remplacement de sa direction, va inciter les gouvernements régionaux à opérer des changements. Quatre des 45 caisses d’épargne restantes ont ainsi annoncé leur intention de fusionner lundi, mais les analystes pensent qu’à terme le nombre de ces banques devra être divisé par deux. De toute évidence, cela a peu de chance de se produire avant la date limite fixée pour le fonds de restructuration, qui est fin juin.
La restructuration des caisses d’épargne ne constitue qu’une première étape. Le Fonds monétaire international a averti que l’Espagne avait besoin d’injecter des capitaux privés dans ses caisses d’épargne pour atténuer la pression qui pèse sur les finances publiques et garantir qu’elles puissent jouer un rôle dans le financement de la reprise.
Madrid doit également mettre en oeuvre des réformes structurelles et de consolidation budgétaire ambitieuses pour résoudre un chômage chronique. Il s’agit de tâches très lourdes, mais commencer par assainir le secteur bancaire serait prometteur.
VOIR AUSSI : Trappe à Dettes : Ultimatum aux caisses d’épargne espagnoles (cliquez sur le lien)
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