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Comment peut-on rétablir la crédibilité budgétaire? par Jean Pierre Petit

Comment peut-on rétablir la crédibilité budgétaire?

Jean-Pierre Petit

L’acquisition progressive de fiabilité supposerait le transfert de souveraineté à des experts indépendants.

PLUS DE CREDIBILITE EN SUIVANT :

Il existe d’ores et déjà des instances indépendantes d’évaluation budgétaire. Ainsi en va-t-il des Cours des Comptes nationales, mais leur rôle est essentiellement ex-post. De même existe-t-il les agences de prévisions budgétaires rattachées aux Parlements, comme le Congressionnal Budget Office aux Etats-Unis, mais celles-ci se contentent en général de faire des prévisions stricto sensu (à politique inchangée ou en cas de nouvelles mesures) mais n’entrent pas dans le débat de politique économique.

L’objet d’un tel organisme va bien au-delà; il s’agit de fournir des hypothèses macro plus réalistes (et d’établir éventuellement les soldes structurels), de formuler les trajectoires de dettes, rappeler les engagements hors bilans et les engagements contingents, projeter les implications de la politique en cours sur la dette future et sa soutenabilité, éventuellement mesurer ou évaluer ex-post le coût ou économie budgétaire de certaines mesures, voire apprécier ex-ante leur bien fondé.

Le transfert d’une partie de la souveraineté budgétaire du Parlement (ou du moins des autorités politiques légitimes) à des Comités indépendants peut surprendre. Mais le parallèle avec la politique monétaire est saisissant. Après des années de déséquilibre inflationniste dans les années 70, le retour progressif à la crédibilité monétaire était passé par l’octroi de l’indépendance aux banques centrales afin de garantir l’intangibilité du choix anti-inflationniste. Aujourd’hui, après des années de dérives budgétaires dans un grand nombre de pays, l’acquisition progressive d’une crédibilité budgétaire supposerait le transfert de souveraineté à des experts indépendants.

Dans sa forme la plus extrême, ce comité jouerait, pour la politique budgétaire, un rôle proche de celui d’une banque centrale (où le pouvoir politique assigne un objectif d’inflation et délègue sa réalisation à une banque centrale indépendante dont c’est le mandat principal). Le Parlement définirait le niveau de dette de moyen terme désirable; le Comité définirait en conséquence le niveau maximal de déficit permis chaque année, compte tenu de l’environnement (conjoncture, niveau des taux) et l’objectif de dette. En pratique, dans la version forte: chaque Parlement voterait en début de mandat un objectif de dette de moyen terme (i. e. horizon à fin de législature), ce qui implique un sentier de déficits structurels particulier. Le CBI, chaque année, en fonction de la conjoncture, des taux, des déficits de l’année précédente, définirait le montant maximal de déficits possibles pour l’année à venir.

Mais aucun organisme de ce type n’existe encore aujourd’hui. On imagine mal que le degré de pouvoir d’un tel organisme puisse être aussi fort que pour la banque centrale. Le vote du budget est l’expression naturelle de la démocratie et il ne peut être question que la fixation de choix stratégiques et même le pilotage budgétaire soient déterminés par une instance non élue.

C’est pourquoi les Comités budgétaires indépendants, là où ils existent (Pays-Bas, Suède, …), n’ont qu’un rôle consultatif. Mais il est indéniable qu’ils ont «le vent en poupe». La Suède est dotée d’un tel «comité» depuis 2007. Son déficit n’est pas allé au-delà des 3% du PIB pendant la crise et la dette publique reste inférieure à 60%, alors que la récession frappait durement (- 5% en 2009).

Beaucoup de gouvernements ou formations politiques (y compris en Europe centrale) réfléchissent actuellement à la mise en place d’un tel Comité. Très récemment, l’un des premiers actes du gouvernement de D Cameron fut d’instituer l’Office for Budget Responsibility «, l’exemple type d’un comité budgétaire indépendant.

jean-pierre petit économiste et  Stratégiste de marché sep10

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