Le secteur privé en phase de désendettement
Le problème trop négligé de surexposition au crédit ne se limite pas à la dette publique. Ni même aux entreprises. Le plus sensible se trouve du côté des ménages.
Les risques liés à l’explosion de l’endettement public suite à la crise financière ont été abondamment thématisés. Mais qu’en est-il de l’endettement privé?
Les économistes de la Banque des règlements internationaux (BRI) estiment que les crises financières tendent à être suivies par une période de réduction des dettes du secteur privé non financier dans dix-sept sur vingt crises bancaires systémiques précédées par un gonflement des crédits.
Historiquement, le ratio endettement-PIB a diminué en moyenne de 38 points de pourcentage, retournant à leurs niveaux antérieurs.
l’Histoire sert de guide, il faut s’attendre à une contraction encore plus importante de l’endettement du secteur privé, en particulier des ménages, que celle intervenue jusqu’ici suite à la dernière crise.
Les coûts de ce processus, qui implique une diminution de la production, sont difficiles à évaluer, mais ne doivent pas être nécessairement élevés. En particulier si les problèmes ayant conduit à la crise sont abordés et résolus
PLUS/MOINS DE DETTES EN SUIVANT :
Dans quelle mesure les ajustements nécessaires dans la structure d’endettement du secteur privé suite à la dernière crise financière peuvent impacter la croissance économique future? La Banque des règlements internationaux (BRI) tente une première réponse à cette question: dans son rapport trimestriel publié hier,* elle conclut sur la base de l’expérience historique que les coûts d’une baisse du niveau d’emprunts du secteur privé non financier ne doit pas nécessairement s’avérer coûteux.
Si l’expérience peut servir d’indicateur, une baisse des emprunts n’est guère évitable suite à une crise. Dans 17 sur 20 crises bancaires systémiques examinées, les économistes de la BRI trouvent que l’endettement privé a diminué en moyenne de 38 points de pourcentage, alors qu’il avait augmenté de 44 points durant la période précédant la crise. L’endettement du secteur privé a également très largement augmenté durant la période précédant la dernière crise financière. La débâcle des crédits hypothécaires américains, qui avaient connu une croissance rapide jusqu’en 2007, apparaît comme la pointe d’un iceberg beaucoup plus étendu.
En effet, dans certains des pays les plus touchés par la crise, les ménages avaient augmenté leur endettement d’un niveau d’environ 100% de leur revenu disponible en 2000 à plus de 130%, voire à 160% dans le cas de l’Espagne. Et cette expansion ne s’est pas limitée aux ménages. Les entreprises du secteur privé non financier ont également augmenté de façon considérable leur endettement, principalement pour financer des projets immobiliers. De toute évidence, les difficultés subséquentes de remboursement suggèrent que ces niveaux d’endettement n’étaient pas tenables.
Cependant, des prix inférieurs de l’immobilier pourraient inciter les ménages à réduire leur niveau d’endettement au-delà de ce qui serait optimal. De la même manière, un niveau de production inférieur et des conditions financières plus restrictives pourraient encourager les entreprises à réduire leur niveau d’emprunts.
Il convient dès lors de s’interroger jusqu’où l’endettement privé peut baisser sans mettre en danger la croissance économique future.
Etant donné que les conditions d’emprunt trop laxistes sont en large partie à l’origine de la crise financière, un dilemme se pose entre la restauration des bilans des entreprises et des ménages, d’une part, et le maintien de l’accès aux crédits pour financer l’activité économique, d’autre part.
Or, l’expérience des crises passées suggère que la diminution de l’endettement n’est pas une cause de la baisse de la production, mais interviendrait dans tous les cas: la baisse de la production initiale est due à l’ajustement aux niveaux inférieurs de revenu suite à la crise, et non au remboursement des emprunts. Pour renouer avec une croissance durable, les économistes de la BRI estiment donc qu’il n’y a pas d’alternative à assainir en premier lieu le secteur bancaire en identifiant immédiatement l’ensemble des pertes et en assainissant leurs bilans. Ce n’est qu’alors que les banques pourront accorder de nouveaux crédits.
* Garry Tang et Christian Upper, «Debt reduction after crises».
Pierre Bessard Agefi sep10