Derrière les beaux chiffres des BRIC
Le secteur manufacturier ne dérougit pas en Chine, selon de nouvelles données économiques. Si les pays qui composent le BRIC – Brésil, Russie, Inde et Chine – sont les locomotives de la reprise mondiale, ils affrontent aussi des défis qui pourraient menacer à terme leur croissance.
PLUS DE BRIC ET DE BROC EN SUIVANT :
Au premier coup d’oeil, les chiffres donnent le vertige. Les quatre pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) sont en train de prendre une position dominante dans l’économie mondiale.
C’est en 2001 que l’expression BRIC est apparue pour la première fois. C’est une invention de la maison new-yorkaise Goldman Sachs, qui voulait attirer l’attention sur les quatre grandes économies émergentes, qui lui semblaient pleines de promesses à l’époque. L’expression a rapidement fait partie du vocabulaire courant des milieux économiques et financiers.
Déjà, en 2001, Goldman Sachs s’attendait à ce que la Chine, à elle seule, devienne la première économie mondiale, devant les États-Unis, en 2041. Or, à mesure que les années passaient, on s’apercevait que la prévision était bien en deçà de la réalité. Aujourd’hui, certains prévisionnistes pensent que la Chine pourrait dépasser les États-Unis quelque part avant 2025, peut-être même entre 2015 et 2020.
Le fait est que la croissance économique des pays du BRIC, surtout ces dernières années, tient du prodige. Depuis quatre ans, le produit intérieur brut combiné des quatre pays est passé de 5,6 à 8,6 mille milliards de dollars (américains), un bond impressionnant de 53%. Pendant la même période, aux États-Unis, la progression du PIB n’atteignait que 10%.
Pourtant, on aurait tort de considérer le BRIC comme un énorme rouleau compresseur qui bouleversera l’économie mondiale, pour un certain nombre de raisons.
D’abord, une réalité: le BRIC, c’est d’abord la Chine. À elle seule, la taille de l’économie chinoise est plus importante que celles des trois autres pays réunis. Le volume des exportations chinoises dépasse également ceux du Brésil, de l’Inde et de la Russie réunis. Autrement dit, sans la Chine, le BRI ne serait qu’un trio de pays émergents; pas parmi les plus petits, certes, mais avec un poids nettement moins important.
D’autre part, le BRIC demeure une créature floue. Ce n’est pas (du moins, pas encore) une organisation internationale structurée, on peut à peine parler d’association. Ce n’est que l’an dernier, en 2009, que les dirigeants politiques du BRIC ont convenu d’organiser leur premier sommet.
Sur les plans culturel, politique, économique et social, on peut difficilement imaginer partenaires plus mal assortis. En fait, on retrouve de tout dans ces quatre pays: l’Inde et le Brésil tiennent des élections libres, la Chine et la Russie ne font pas grand cas des droits humains; l’économie russe, et en grande partie celle du Brésil, reposent sur l’exploitation des ressources, alors que l’Inde et la Chine comptent sur l’exportation de produits finis.
Au bout du compte, les quatre pays n’ont vraiment que deux choses en commun.
La première, c’est que tous les quatre sont des économies émergentes.
La seconde, c’est qu’ils sont tous minés par le fléau de la corruption.
Selon le dernier classement de Transparency International, qui fait autorité en la matière, le Brésil ne peut faire mieux qu’une 69e place (sur 178 pays étudiés) au palmarès de la corruption. Et le Brésil est le moins corrompu du groupe. La Chine arrive au 78e rang, l’Inde au 87e, et la Russie figure parmi les pires dépotoirs de corruption de la planète avec la 154e place. Ce ne sont pas précisément les endroits les plus reposants pour faire des affaires.
Malgré la rapide croissance économique, les inégalités subsistent, surtout en Chine, où on compte maintenant, le long de la côte, quelques provinces riches alors que l’intérieur du pays continue de vivre dans la misère. Même lorsque la Chine, probablement aux environs de 2020 si on en croit certaines projections, deviendra la première économie de la planète, son produit intérieur brut par habitant, exprimé en parité de pouvoir d’achat, restera quatre fois inférieur à celui des États-Unis.
Enfin et surtout, la croissance rapide des économies du BRIC, en Chine en particulier, a entraîné une importante augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Les parcs automobiles de la Chine et de l’Inde augmentent à toute vitesse, et ce n’est pas fini: on compte actuellement 15 voitures pour 1000 habitants en Inde, 27 voitures en Chine, 200 au Brésil… contre 800 aux États-Unis. On voit le potentiel, d’autant plus que le constructeur indien Tata offre maintenant des voitures à des prix sensationnels.
Tour cela va entraîner une hausse sans précédent de la demande de pétrole. Et ce n’est pas tout: les installations industrielles des pays émergents auront de plus en plus besoin de pétrole, mais aussi de charbon, de gaz naturel, d’uranium. Il y a une limite à ce que la Terre peut fournir, et peut-être verra-t-on, bien avant 2025, la pénurie de matières premières déjouer les plus savantes prévisions.
Claude Picher La Presse nov10
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Les Bric c’est l’enfer
Selon une étude menée par HSBC, il est particulièrement difficile de s’expatrier dans ces quatre pays.
Si depuis plusieurs années, les gérants de portefeuilles ne jurent que par les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), ce n’est pas le cas des expatriés interrogés par HSBC dans une étude toute récente portant sur la qualité de vie.
En effet, sur 25 pays étudiés, les BRIC décrochent les plus mauvaises places. Suivant une liste de critères établis (facilité d’emménagement, politique médicale, facilité de déplacement…), l’Inde se classe 25ème, la Russie 23ème et la Chine 20ème.
En revanche, l’Afrique du Sud se classe au premier rang, juste devant le Canada et la Thaïlande.
Sachez enfin que pour se faire des amis, les expatriés sondés plébiscitent une région du monde : les Bermudes. Ils sont en effet 80 % à estimer qu’il y est particulièrement facile de nouer des connaissances. Seuls 36 % des expatriés partagent ce sentiment à propos des Pays-Bas !
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Le risque occidental des émergents
Les émergents doivent développer le commerce avec leurs pairs et accéder aux technologies de pointe pour compenser la faible croissance occidentale.
La transition des économies émergentes vers un modèle de croissance plus autonome sera-t-elle suffisamment rapide pour compenser les risques liés aux pays développés? Ces derniers vont devoir traverser une longue période d’ajustement, marquée par une réduction de la dette et une croissance structurellement modérée.
Si le retour en récession des marchés développés semble peu probable, les émergents vont se trouver face à des clients en mauvaise santé, synonymes de pression sur les exportations des pays à bas coûts.
Conséquence: «les émergents vont devoir faire évoluer leur modèle de croissance, vers une consommation domestique beaucoup plus importante», explique Patrice Gautry, chef économiste d’UBP.
Le processus d’évolution du modèle émergent s’accélère lors de chaque crise, comme on l’a vu en 2001 et en 2008. Reste que les contraintes demeurent opposées. D’une part, les pays développés très endettés, avec des déficits importants, une épargne insuffisante, sont en outre confrontés à de fortes incertitudes sur leur système bancaire.
D’autre part, les émergents bénéficient d’une croissance de 6 à 7% en termes réels, d’une épargne élevée (des ménages et des entreprises), et de déficits réduits.
Résultat: la guerre des devises bat son plein, marquée par «de la mauvaise foi des deux côtés», poursuit Patrice Gautry, entre les Etats-Unis qui dévaluent leur monnaie à travers l’assouplissement quantitatif et des émergents qui freinent l’appréciation de leur devise. Ces derniers ne la refusent pas: ils veulent surtout éviter qu’elles bondissent trop rapidement à court terme, comme ce fut le cas pour certaines devises asiatiques depuis le début de l’année.
«A cet égard, le cas du brésil est exemplaire, car le real s’est beaucoup apprécié cette année, les taux d’intérêt sont élevés, la croissance est supérieure au potentiel et la note sur la dette brésilienne a été relevée» remarque l’économiste d’UBP, qui souligne au passage l’inefficacité des agences de notation, «toujours en retard pour prendre en compte le pragmatisme des politiques économiques dans les émergents».
Par ailleurs, le vieux thème du découplage reste d’actualité, même si un découplage total n’existe pas. Mais la montée de la consommation dans les émergents, qui a rapidement rebondi suite à des mesures de relances ciblées en 2008, compense la croissance amorphe en Occident.
C’est là le défi pour les émergents: développer la consommation et réinvestir leur abondante épargne, alors que le plein-emploi n’est pas atteint. Ce qui se traduit en Chine, par la volonté de pousser les entreprises à s’implanter dans les régions rurales, de manière à consolider la reprise en cours.
Par opposition, les Etats-Unis font le forcing pour retrouver 3% à 4% de croissance en jouant sur le côté monétaire, comme lors des sorties de récession précédentes. Or le potentiel de croissance s’est modifié en conséquence de la crise: «l’économie US fonctionne déjà presque à plein régime et on dévalue la dette pour retrouver monétairement de la consommation», observe Gautry, qui pense que les taux de croissance américains de 2003 à 2008 appartiennent désormais au passé. C’est peut-être là que réside le véritable découplage entre émergents et développés: au niveau des dynamiques économiques.
Autre évolution: les émergents ont retenu les leçons des crises passées et mené des réformes structurelles favorisant une meilleure régulation. Résultat, la crise de 2008 a peu affecté les fondamentaux de la majorité des émergents et la crise financière ne rebondit plus d’une zone émergente à l’autre.
Finalement, les pays occidentaux devront probablement se contenter d’une croissance de 1,5% à 2% pendant un certain temps, au cours duquel les émergents vont consolider leur classe moyenne et renforcer l’autonomie de leur croissance. Ainsi, les BRIC – Brésil, Russie, Inde et Chine – vont atteindre prochainement un niveau de richesse par habitant proche de ce qu’il était dans un pays développé «moyen» dans les années 1990.
Deux axes de développement assureront la fin de la dépendance des émergents envers les pays développés: leur entrée dans des industries de pointe et une montée en puissance d’un commerce extérieur intra-émergents, conclut Patrice Gautry.
sébastien ruche/ agefi oct10
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Hausse du commerce intra-émergents
De 50% dans les années 1990, la part du commerce effectué entre pays émergents et pays développés a reculé à 25% actuellement. «Les économies émergentes traversent un processus de diversification, qui se traduit par un fort développement du commerce intra-émergents», explique Christopher Edwards, de FPP – Fabien Pictet and Partners -, de passage à Genève récemment.
Conséquence: au premier trimestre de cette année, les pays du Sud ont été responsables de près de 30% de la consommation privée mondiale. Soit un niveau pratiquement équivalent à celui des Etats-Unis, alors que les émergents représentaient 20% de cette consommation privée globale en 2002 et les Etats-Unis, plus de 35%.
G7: la part d’économie mondiale des pays du G7 chutera d’environ 70% au milieu des années 1980 à moins de 50% en 2012.
La Chine, l’Inde et le Brésil (BIC) ainsi que de nombreux pays émergents situés principalement en Asie enregistrent, depuis 5 ans, la majorité de la croissance mondiale, et la tendance se poursuit. Les pays occidentaux s’habituent graduellement à des vitesses de croissance de leur PNB entre 1,5% et 2,5% l’an. Le pouvoir économique mondial passe graduellement en Asie, avec toutes les conséquences politiques qui s’en suivent, notamment la dépendance croissante des pays occidentaux.
sébastien ruche/ agefi oct10
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Globalement, il existe davantage de ménages disposant d’au moins 10.000 dollars de revenu disponible dans les BRIC qu’aux Etats-Unis. Ils devraient dépasser la zone euro en 2012/2013, puis être plus nombreux que les Américains et les Européens cumulés dès 2020, selon des estimations de Morgan Stanley.
Les profils de consommation devraient demeurer différents selon les pays, observe cependant Christopher Edwards. Le nombre de tels ménages devrait doubler en Inde d’ici 2010, à environ 40 millions de ménages disposant d’au moins 10.000 dollars de revenu disponible.
Mais il devrait au moins quadrupler en Chine sur la même période, pour passer d’un peu plus de 50 millions en 2010 à plus de 200 millions de ménages en 2020.
La classe moyenne des économies émergentes est en croissance rapide, écrit McKinsey& Company dans un article intitulé « Capturing the world’s emerging middle class » (comprendre la classe moyenne mondiale en émergence). Elle regroupe des consommateurs d’une douzaine de pays, pas juste ceux du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine).
On parle ici de deux milliards de personnes qui dépensent annuellement 6,9 billions $US. Ce chiffre grimpera à 20 billions $US au cours de la prochaine décennie, soit environ le double de la consommation actuelle des États-Unis.
Ce phénomène représente des opportunités gigantesques pour les compagnies qui sauront placer leurs pions rapidement sur l’échiquier. Historiquement parlant, dans 17 catégories de produits, le leader du marché, en 1925, occupe encore la première ou la deuxième place cent ans plus tard aux États-Unis. Parmi ceux-ci : Kraft Foods (Nabisco) dans les biscuits, Del Monte dans les fruits en conserve, Wrigley dans les gommes à mâcher.
Cela dit, l’affaire n’est pas dans le sac même si vous avez une marque gagnante dans votre marché national. Les multinationales font face à une compétition féroce à l’étranger, par des joueurs locaux qui ont déjà capturé une bonne partie du budget des consommateurs.
Par exemple, le fabricant chinois de boissons Hangzhou Wahaha a une part de marché évaluée à 5,2G$US même s’il fait face à Coca-Cola et Pepsi. L’entreprise a visé les marchés ruraux, a compris les besoins particuliers de ses clients, maintenu ses coûts au plancher et fait appel au patriotisme.
De plus, les multinationales se sont habituées à fonctionner selon les règles de marché des pays développés, où vous gagnez de petites parts de marché lentement, en coupant dans les coûts et en améliorant le produit. Ce principe marche peut-être en Chine, mais partout ailleurs dans les pays émergents, c’est une autre affaire. Il faut souvent changer la culture de l’entreprise à travers le monde pour, initialement, ne réaliser que de tout petits profits.
Changer son approche
Mais la récompense sera grande pour les dirigeants d’entreprises qui sauront identifier les grappes de consommateurs qui ont des goûts similaires dans plusieurs pays ou ceux qui atteindront une masse critique en s’associant à un partenaire qui connaît la culture locale.
Car cette culture fait toute la différence. Par exemple, en Chine et en Inde, 40% du budget des ménages est dépensé en nourriture et dans les transports. Cette proportion est de 25% aux États-Unis.
Inutile de chercher immédiatement à satisfaire la portion de la classe moyenne qui peut acheter des produits de luxe, comme des voitures sport, des vêtements de designer, de l’électronique haut de gamme ou du maquillage à l’occidentale. Car cette catégorie de consommateurs ne représentera que 3% de la classe moyenne émergente mondiale en 2025. Mais pourquoi ne pas se positionner aujourd’hui pour capturer demain cette part de marché? Car ces consommateurs se comportent comme la classe moyenne des pays riches : les fournisseurs se sentent donc immédiatement familiers avec ces nouveaux clients.
Une façon d’y arriver est d’offrir des produits haut de gamme à des prix légèrement au-dessus de la tarification populaire. En offrant, par exemple, un meilleur service après-vente. Comme l’a fait avec succès la firme LG pour ses produits de santé ou d’électronique à travers l’Asie.
À l’autre bout du spectre, certaines entreprises vont créer des produits populaires, ultra-locaux, afin de créer une demande qui permettra d’introduire ultérieurement des marques mondiales. C’est ce qu’a fait Pepsi en Inde, avec une gamme de snacks intitulée Kurkure, ciblée sur les jeunes consommateurs. Les produits étaient fabriqués par Frito-Lay.
Enfin, une autre façon de s’établir durablement dans un marché est de s’associer avec un partenaire fleuron de l’économie locale. Comme l’a fait la firme de télécommunications norvégienne Telenor. Elle s’est associée avec l’indienne Grameen, pour former Grameen Phone en 1997. L’entreprise domine aujourd’hui le marché du Bangladesh.
Ultimement, une entreprise peut connaître un succès monstre en se métamorphosant pour desservir de nouveaux marchés. Il s’agit d’un énorme défi, car vous touchez à la culture de votre entreprise. Mais le brasseur SAB-Miller l’a fait en Afrique du Sud. Elle a modifié ses techniques de fabrication en privilégiant des ingrédients et des distributeurs locaux. Elle s’est rapidement hissée parmi les leaders de nombreux pays africains, grâce à des prix plus bas et une demande sans cesse croissante.
Les investisseurs sont constamment à la recherche de ces entreprises qui savent se réinventer constamment pour percer de nouveaux marchés.
Stéphane Desjardins/F&I OCT10
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Comment résister à la concurrence émergente ?
Après le rachat emblématique du groupe sidérurgique européen Arcelor par l’indien Mittal en 2006, puis celui du suédois Volvo par le constructeur automobile chinois Geely en 2009, l’année 2010 a vu, entre autres, le rachat du distributeur de nourriture américain Keystone Foods par le groupe d’agroalimentaire brésilien Marfrig, et celui de la société pétrolière américaine ConocoPhillips par l’un des géants chinois du secteur, Sinopec.
Ces exemples ne sont pas isolés : les multinationales issues des pays émergents auraient d’ores et déjà investi plus de 30 milliards de dollars dans des acquisitions de sociétés nord-américaines et européennes depuis le début de l’année.
Dans un ouvrage paru en octobre, intitulé The New Multinationals (Cambridge University Press), Mauro Guillen, professeur à l’université de Pennsylvanie, et Esteban Garcia-Canal, professeur à l’université d’Oviedo (Espagne) comparent la trajectoire des multinationales dites traditionnelles à celle des multinationales émergentes.
Alors que les premières se sont graduellement développées à l’international en favorisant la croissance interne et la création de filiales, les secondes ont plus rapidement internationalisé leurs activités en s’appuyant avant tout sur la multiplication des acquisitions et des alliances stratégiques, aussi bien dans les pays développés qu’émergents.
Si les multinationales occidentales bénéficient toujours d’avantages compétitifs importants liés notamment à la qualité de leur recherche, à la renommée internationale de certaines de leurs marques et au développement de technologies dont elles sont propriétaires, les nouvelles multinationales font, quant à elles, preuve d’une plus grande flexibilité organisationnelle qui leur permet de s’ajuster plus rapidement aux demandes de leurs clients. Elles bénéficient aussi d’un accès privilégié aux marchés des pays émergents dont elles sont originaires. Enfin, elles ont appris à mieux gérer les instabilités politiques qui caractérisent certaines de ces régions.
Nouvelles compétences
De leur côté, les multinationales traditionnelles, qui font face à un coût du travail plus élevé, sont souvent handicapées par leur trop grande rigidité organisationnelle et par leur manque d’expérience quant à la gestion des interactions avec les institutions locales des pays émergents.
Dans ces conditions, comment pourront-elles résister à la concurrence croissante des nouvelles multinationales ? L’enjeu est, pour elles, de renforcer leurs avantages compétitifs tout en développant de nouvelles compétences organisationnelles. Les investissements dans la recherche et le marketing sont nécessaires, mais pas suffisants. Pour s’adapter à la demande, elles doivent faciliter la communication et la coopération entre les départements et les filiales qui les constituent.
Il leur faut aussi forger de nouvelles alliances extérieures. A l’instar des multinationales émergentes, elles devraient envisager les investissements à l’étranger comme un moyen d’explorer de nouvelles façons d’innover et d’accéder aux marchés. Cette exploration peut aller des partenariats ponctuels à des acquisitions, en passant par des alliances stratégiques non seulement avec leurs fournisseurs, mais aussi avec, pourquoi pas, leurs concurrents.
Julie Battilana, professeur assistant à la Harvard Business School/LE MONDE ECONOMIE | 02.11.10
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Le danger viendra de la Chine
La nouvelle dépendance des économies développées comporte aussi des risques. De retournement ou de exclusion.
La probabilité de faillite de certains Etats européens étant écartée, il reste plus que jamais important de garder un œil sur d’autres risques capables de bouleverser la sphère financière. Au premier rang, figure la surchauffe immobilière observée en Chine, laquelle entraînerait l’Ouest dans la tourmente, si elle venait à exploser.
Les Chinois acquièrent plus d’immobilier qu’ils ne peuvent en user personnellement, ce qui indique qu’ils spéculent (ou tentent de se protéger). Un rapide retournement de tendance et vous observerez, comme dans le Golfe, aujourd’hui, des milliers de logements inoccupés. L’immobilier chinois n’est donc pas un actif tangible comme il peut l’être en Europe. De plus, d’évidentes déficiences de construction ont montré que ces immeubles avaient une durée de vie de 10 à 15 ans. Ce qui renforce encore la probabilité d’une panique et d’une revente par les petits porteurs.
Les innombrables scénarios plus ou moins apocalyptiques concernant les pays développés, notamment le crash du marché obligataire, la récession en W ou la résurgence de la panique devant la chute de l’euro paraissent secondaires devant cette menace. Les problèmes que connaissent les pays de la zone euro sont connus et des mesures pour les combattre ont été mises en place. Les dangers que l’on n’aurait, par contre, pas anticipé s’avèrent potentiellement plus redoutables.
Par exemple, l’évolution des cours de change des monnaies américaine et chinoise semble totalement injustifiée. On observe d’énormes inégalités entre les devises. Celles des pays aux économies les plus faibles (Japon et Etats-Unis) sont celles qui se sont le plus appréciées ces derniers temps. Par rapport à l’euro, le dollar a gagné plus de 12% et le yen plus de 25%. Cette hausse n’est pas saine et, sur la base des niveaux fondamentaux, apparaît totalement arbitraire. Le Japon a une dette dépassant les 210% du PIB, alors que les Etats-Unis afficheront en 2011 un taux de croissance inférieur à celui de l’Europe. Ceci présage peut-être d’une dévaluation du dollar à court terme, bien que – en termes relatifs – le yen apparaisse bien plus surévalué. Mais les Etats-Unis n’ont aucun intérêt à avoir une monnaie forte. Cela dit, les tentatives pour corriger un tel déséquilibre peuvent facilement échapper à tout contrôle et conduire à de nouvelles distorsions.
Dans ce cas, les Etats-Unis n’hésiteront pas à adopter une politique monétaire plus souple, une campagne de subventions pour soutenir l’économie et de nouveaux packages pour éviter le scénario d’une double récession.
A l’heure actuelle, la demande intérieure en Europe, au Japon et aux Etats-Unis est trop faible pour stimuler une reprise. Par contre, la croissance des pays émergents est suffisamment forte pour garder à flot les économies chancelantes des pays industrialisés. Dans les cinq prochaines années, la Chine sera le plus grand consommateur mondial, devant les Etats-Unis. Voilà de quelle manière les marchés émergents nous prémunissent de retourner doucement vers la récession.
Bien sûr, cela implique une plus grande dépendance de nos économies face aux émergents. Mais cette exposition est à double tranchant. Dans le futur, la Chine et ses pays satellites voudront façonner eux-mêmes leurs propres biens de consommation et d’équipement. Les gains en productivité affichés ces dernières années témoignent d’ailleurs du rattrapage technologique opéré par la Chine vis-à-vis de ses concurrents. Au risque de voir les entreprises européennes n’être bientôt plus conviées à ce boom de la consommation. Raison pour laquelle, il est primordial de renforcer notre compétitivité. D’autant que l”un des autres risques pour nos économies serait un recul prononcé de la croissance chinoise, qui avoisine annuellement les 8,5%. Un crash de l’économie chinoise serait bien plus dangereux pour nos économies qu’a pu l’être le dernier crash venu des Etats-Unis…
klaus kaldemorgen Global head of equities DWS
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L’économie occidentale est sur une pente glissante par Henri Schwamm
Il faudra bientôt surtout distinguer les pays endettés à l’ouest des marchés en croissance à l’est et au sud….
L’Occident perd-il du terrain dans la compétition économique mondiale? Cette question, de plus en plus d’observateurs se la posent. Et y répondent par l’affirmative. Au profit de qui?
Pas seulement de la Chine, répond Michael Geoghegan, Group Chief Executive de HSBC, un des établissements bancaires les plus globaux qui soit, dans la remarquable conférence qu’il vient de donner à Londres devant la Royal Society of Arts.
Aujourd’hui déjà, la distribution du pouvoir économique à travers le monde est beaucoup plus diversifiée qu’il n’y paraît. Demain, à coup sûr, il faudra surtout distinguer entre, à l’ouest, les HIICs (Heavily Indebted Industrialised Countries) et, à l’est et au sud, les HOGGs (Higher Opportunity, Greater Growth Markets). C’est la future ligne de partage entre les pays.
Ce siècle sera le siècle chinois. Les prévisions chiffrées sont éloquentes: le commerce entre l’Empire du Milieu et le reste du monde augmentera de 13% par an au cours des cinq prochaines années. Pour atteindre le montant impressionnant de 5 trillions de dollars. Le yuan deviendra une des trois plus importantes monnaies du monde beaucoup plus rapidement que d’aucuns ne le réalisent. La Chine est en train de se transformer de marché d’exportation en marché de consommation. Le pays compte 717 villes d’un demi-million d’habitants. Sa classe moyenne doublera presque dans les cinq ans à venir pour atteindre 314 millions de personnes. Les habitudes de consommation du pays changent très vite aussi. Sait-on qu’en 2009, les Chinois ont acheté plus de voitures que les Américains? Que Shenzhen compte d’ores et déjà parmi les quinze centres financiers les plus compétitifs du monde?
L’Inde croît encore plus vite que la Chine. Son infrastructure progresse. Son enseignement supérieur bat des records. Son économie dépend déjà moins des exportations et plus de la demande intérieure.
L’Amérique latine était, il n’y a pas si longtemps, perçue un peu partout comme un foyer d’instabilité. Le Brésil, longtemps considéré comme un cas désespéré, est devenu un important apporteur de revenu. Il faudra aussi compter avec l’Argentine, le Chili, la Colombie, le Pérou et le Mexique.
Mais ce qui frappe le plus, dans les pays de cette région, c’est qu’ils commercent et sont en affaires plus les uns avec les autres et dépendent donc moins de l’Occident. Les routes sud-sud sont désormais plus fréquentées que les routes nord-sud. L’excédent commercial du Brésil avec la Chine a triplé en quatre ans pour atteindre 15 milliards de dollars. En s’appuyant sur ses réserves de cuivre, le Chili a connu un développement similaire. On observe la même tendance lourde pour les investissements directs.
L’Occident s’est-il laissé définitivement distancer?
Pour éviter le pire, il doit impérativement se préoccuper de sa compétitivité. Le CEO de HSBC fait observer que sur les 26 pays qu’il a visités récemment, il n’y en a que deux – le Brésil et Panama – qui ont «une monnaie positive». Où, en d’autres termes, les taux d’intérêt sont plus importants que l’inflation. Il craint que si en particulier les entreprises de services occidentales ne réussissent pas à se rendre utiles, voire indispensables, aux économies émergentes, les courants d’affaires initiés par ces dernières ne se détournent des plates-formes occidentales. Hong-Kong et Singapour ont gagné leurs galons de centres financiers globaux à côté de Londres et New York. Il ne faudrait pas que ces places traditionnelles deviennent des cités interdites sous le poids de réglementations trop tatillonnes. Et pour terminer, Michael Geoghegan, dans une veine pro domo rompt une lance en faveur des grandes banques qui, à son avis, ne sont pas «too big to fail» mais «big enough to cope». Ce qui compte, ce n’est pas la dimension d’un établissement, mais les risques qu’il prend. Nous avons besoin de banques plus sûres, pas de banques moins grandes. Le meilleur moyen d’y parvenir? Le législateur doit renforcer ses exigences de fonds propres et mieux surveiller les différentes catégories d’intermédiaires financiers.
Henri SCHWAMM Université de Genève oct10
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Investissements : Les pays émergents pourraient monter à 80% des allocations (BNP IP) oct10

“On le sait, les actions des marchés émergents restent attractives en termes de valorisations classiques, et ce malgré la disparition de la prime de risque par rapport aux pays développés dont elles bénéficiaient ; en effet, les perspectives de croissance de ces pays sont telles que leurs actions semblent encore aujourd’hui relativement sous-évaluées”, affirme BNP Paribas IP. Le gestionnaire estime même que, si les portefeuilles étaient construits en rapport avec le poids démographique des pays, les émergents pourraient représenter 80% des allocations.
“Notre analyse montre que la corrélation entre marchés émergents et développés s’élève aujourd’hui à 90%, contre 50% en 2000 : le pouvoir diversifiant des actions émergentes semble s’être donc atténué. En affinant, on constate que cette corrélation, est surtout vraie pour les BRIC, les quatre pays à plus forte capitalisation parmi les émergents. Et qu’elle ne fait pas suffisamment état de l’hétérogénéité entre les marchés émergents eux-mêmes.”
“En effet, si l’on prend les marchés émergents deux à deux, ou si l’on compare les valeurs composant l’indice MSCI EM entre elles, on constate que la corrélation reste faible (entre 30% et 40%), bien que la tendance soit à une croissance sur le long terme. Les actions des pays émergents autres que les BRIC peuvent ainsi toujours être considérées comme de véritables actifs de diversification.”
“Au début des années 90, la liquidité sur les marchés actions des pays développés était 40 fois supérieure à celle des pays émergents ; aujourd’hui, elle n’est plus que dix fois supérieure. Les actions émergentes présentent donc moins de risques de liquidité qu’auparavant pour les investisseurs. De plus, cette liquidité – contrairement à ce qui est souvent avancé comme motif de prudence – ne concerne pas seulement un top 10 des plus grandes entreprises dans chaque marché émergent. En effet, la proportion de sociétés traitant entre 10 millions et 100 millions de dollars américains par jour est d’environ 55% de l’univers total de l’index MSCI EM tant sur les marchés émergents que sur les marchés développés. Un point qui devrait rassurer les investisseurs inquiets sur le plan des liquidités.”
“Nous pensons qu’une des principales justifications d’investissement repose sur le fait que le poids en capitalisation boursière des marchés émergents est aujourd’hui encore nettement sous-pondéré. En effet, les capitalisations sont généralement évaluées en free float dans les indices mondiaux, c’est-à-dire la partie du capital traitée librement sur les marchés (contrairement au reste qui peut être détenu par le gouvernement par exemple), ce qui représente 56% du capital total dans les pays émergents contre 82% dans les pays développés. Cette évaluation conduit à considérer que les marchés émergents représentent aujourd’hui 13% du poids financier mondial. Si l’on considère la capitalisation boursière totale, ce chiffre monte à près de 21%, un poids théorique, mais qui donne la tendance à long terme.”
“Ce poids des capitalisations des émergents devrait également s’accroître du fait des introductions en bourse. 70% des IPO (Initial Public Offerings) sont aujourd’hui réalisées sur les marchés émergents, contre 20% en 2000. Investir dans les actions émergentes revient donc à anticiper ce phénomène d’ouverture du capital, qui ne manquera pas de s’amplifier dans les années à venir.
Historiquement, le poids économique des émergents, mesuré par leur poids dans le PIB mondial et leur poids financier, représenté par leur capitalisation boursière dans le monde, ont évolué de façon fortement corrélée, à l’exception de la crise de 1998. Le poids des émergents dans le PIB mondial est donné à 28% actuellement et la croissance économique de cette zone est attendue comme supérieure à celle des développés. Ainsi, leur poids financier devrait suivre la même tendance : si l’on voulait construire une stratégie d’allocation en accord avec cette prévision, la part des actions émergentes dans le portefeuille, aujourd’hui à 13%, devrait augmenter pour avoisiner les 28%.”
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Mardi 9 novembre 2010 :
La Grèce a levé 390 millions d’euros de bons du Trésor à six mois, à un taux d’intérêt de 4,82 %, en hausse par rapport à la précédente émission à six mois le 12 octobre.
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2010/11/09/97002-20101109FILWWW00521-la-grece-leve-390-m-de-bons-du-tresor.php
Ce qui est incroyable, c’est l’évolution des taux d’intérêt de la Grèce depuis un an.
Comparons les mois d’octobre 2009 et 2010.
Comparons les mois de novembre 2009 et 2010.
13 octobre 2009 : pour un emprunt à 6 mois, la Grèce a dû payer un taux d’intérêt de 0,751 %.
26 novembre 2009 : pour un emprunt à 6 mois, la Grèce a dû payer un taux d’intérêt de 0,767 %.
12 octobre 2010 : pour un emprunt à 6 mois, la Grèce a dû payer un taux d’intérêt de 4,54 %.
9 novembre 2010 : pour un emprunt à 6 mois, la Grèce a dû payer un taux d’intérêt de 4,82 %.
http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GGGB6M:IND
Conclusion : plus les jours passent, plus la Grèce se surendette.
Plus les jours passent, plus la Grèce se rapproche du défaut de paiement.