Quand l’union fait la faiblesse: Les bonnes idées si mal abouties par Jeannette Williner
Les errances de la gouvernance européenne mettent sérieusement à mal la crédibilité de la zone euro. Quand et comment en sortir?
Parler à l’unisson au sein d’un groupe présentant des niveaux très différents est de plus en plus difficile.
PLUS DE CACOPHONIE EN SUIVANT :
En janvier, le marché des transactions sur le CO2 à l’intérieur de l’Union européenne a été fermé. Des cyber attaques avaient permis le vol de droits à polluer et leur revente sur le marché. Les registres concernés comptabilisaient les quotas de CO2 émis en Autriche, en Grèce, en République Tchèque, en Pologne et en Estonie. Ce n’était pas la première fois. Le précédent incident avait concerné l’Espagne et les Pays-Bas.
Ce marché est issu des quotas alloués chaque année par l’Union européenne aux Etats membres. Ces derniers les répartissent entre leurs entreprises. Comptabilisés dans un registre, ces droits peuvent être achetés par des entreprises ayant de plus grands besoins à celles qui se trouvent excédentaires. Ces «droits à polluer» sont, à l’heure actuelle, gratuits. Dès 2013 par contre, ils seront payants. Il est donc clair que de l’ordre doit être apporté et que l’informatique gérant l’ensemble doit être dotée d’une sécurité renforcée. Les détenteurs des droits de carbone ne sont pas irresponsables. Pourtant, en donnant leur mot de passe ils ont autorisé la mise en place de procédures de «phishing» ouvrant la voie à ces malversations. Quatorze pays sur vingt sept auraient des systèmes de sécurité fort vulnérables. On retrouve là le principal défaut de l’Union européenne: considérer chaque Etat membre de façon égale sans qu’aucune faiblesse ne soit mise en cause pour éviter toute susceptibilité. Et pourtant, comment vingt sept pays, au passé et à l’évolution aussi différents, pourraient-ils être égaux en matière de sécurité informatique? Il y a tout un apprentissage à faire que les Etats-Unis et tant d’autres font tous les jours.
C’est un point auquel personne ne s’est attardé en mars 2000 lorsque la Commission européenne a présenté, entre autres moyens, un marché des «droits à polluer»: il aurait fallu l’évoquer ultérieurement. Le seul inconvénient envisagé alors était que les Etats les plus concernés de l’époque, s’exonèrent de tout effort de diminution des rejets sur leur territoire et se limitent à ces échanges. Venait se rajouter au débat la position américaine: les Etats-Unis étaient alors formellement opposés à toute taxe ou projet de taxe. Et pourtant, tout comme les terroristes de l’informatique n’étaient à l’époque qu’en devenir, les plus acharnés des opposants, les députés conservateurs américains, sont aujourd’hui convaincus qu’il est nécessaire de créer une telle taxe. Ils veulent bien sûr en neutraliser les effets et redistribuer le produit de celle-ci au travers des impôts sur le revenu. La seule retenue rencontrée est qu’une fois le processus engagé la pente peut s’avérer très savonneuse. Ce serait effectivement l’acceptation implicite d’une responsabilité dans le développement des gaz à effet de serre. Mais lancée par les conservateurs américains, cette idée a malgré tout des chances réelles de succès. Le processus d’application sera mieux pensé qu’en Europe. On ne se souviendra même pas que l’idée est européenne.
De même, si les pays fondateurs de l’Europe avaient assimilé les règles du marché commun, il semble que celles de l’Union, enthousiasmantes, aient été mal expliquées aux nouveaux participants et aux futurs pays membres. Ces derniers ont surtout vu le potentiel des avantages à en tirer. Pourquoi Axel Weber s’est-il retiré brutalement d’une possible élection à la présidence de la Banque centrale européenne? Tout simplement parce que le chemin qui devrait être suivi pour mettre un terme au chaos n’est vraisemblablement pas celui qui sera adopté. L’Europe de l’Ouest est actuellement un débiteur moins apprécié que l’Europe centrale et orientale. Il serait urgent de songer à ébaucher une solution. Cependant, les Allemands souhaitent une responsabilité limitée ou plutôt un plafond clairement établi: on ne rachète pas n’importe quel montant de dettes dans le désordre. Malgré tout, il est indispensable de trouver un modus vivendi tolérable en parallèle avec une dette colossale dont personne ne se sent responsable. Alors bien sûr, on parviendra à un accord mais il sera mauvais car il ne peut couvrir les encadrements nécessaires aux finances de pays structurés économiquement de façon aussi différente et dont l’état actuel demande une réforme économique totale. Comment instaurer d’un commun accord les incitations adéquates pour que les politiques adoptées par les Etats membres de l’euro puissent éviter une crise? Et si celle-ci se produit malgré tout quel mécanisme prévoir qui n’effacerait pas les responsabilités individuelles des participants concernés, pays ou acteurs du marché?
La plupart des propositions faites à ce jour minimisent la responsabilité des acteurs du marché et des Etats ce que l’Allemagne ne veut pas les contribuables n’ayant pas à payer ce genre de choses. Le 11 mars un sommet extraordinaire se réunit et examinera un pacte de compétitivité affaibli par rapport à celui poussé par l’Allemagne et relayé par la France. On a enlevé tout ce qui fâchait, donc tout ce qui était efficace: l’abandon de l’indexation des salaires sur l’inflation est oublié tout comme la hausse de l’âge des retraites etc. Bref, encore une décision trop hâtive et plus facile à voter que d’essayer de convaincre les pays membres, y compris les syndicats, du réalisme de certaines dispositions. La réponse à la crise de la dette ne sera pas musclée et il n’est pas sûr du tout que l’arsenal anticrise qui doit être publié à fin mars suffise à éviter un nouveau vent de panique sur l’avenir de la zone euro qui perdra encore une partie de sa crédibilité. La remise en question émanant de certains pays n’est pas loin.
Jeannette Williner Analyste indépendant mars11