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Japon : Reconstruire n’est pas constructif

Japon : Reconstruire n’est pas constructif

Le drame japonais est aussi une catastrophe économique. Un bien-être perdu est irremplaçable. Reconstruire est tout sauf souhaitable, sous peine d’encourager le vandalisme, précise Ivan Van de Cloot  l’économiste en chef d’Itinera.

 

Celui qui écoute la masse des analystes, qui ne mentionnent pas l’impact sur l’économie du cauchemar japonais, doit vraiment penser qu’ils ont perdu les pédales. Sur la majorité des sites internet, on aborde principalement le besoin de reconstruction et de quelle manière cela peut relancer la croissance économique. La vision des économistes cantonnée à l’évolution sur produit intérieur brut (PIB) n’a jamais été aussi pénible qu’aujourd’hui. 

En tant que porte-parole de leur profession, on leur demande quel impact catastrophique cela peut avoir sur l’économie et la seule chose à laquelle ils pensent, c’est le PIB. Nous voyons ici le symptôme du réflexe de Pavlov appliqué à une armée d’économistes.

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S’ils prêtaient une réelle attention à ce que le journaliste voulait vraiment savoir; alors ils auraient dû aborder l’impact catastrophique sur le capital du pays et les infrastructures tels que les routes, ponts, ports, écoles, habitations et bien d’autres encore.

Ils ne le pensent certainement pas, mais le profane a parfois l’impression que les économistes n’attendent rien d’autre qu’une bombe tombe sur le port d’Anvers, car nous pourrions alors le reconstruire, n’est-ce pas?

Les formes apparentes de l’économie

Un autre problème est que les spécialistes paraissant dans les médias n’ont souvent que peu de connaissances dans les matières autres que le marketing, la finance, le management et autres.

Même les purs économistes tombent trop souvent dans ce réflexe de Pavlov, car ils sont trop concentrés sur ce que j’appelle les formes apparentes de l’économie.

On aborde alors les composantes du produit national brut (PNB) comme la consommation ou l’investissement. Il est cependant essentiel de rappeler que les sources de la richesse sont bien plus fondamentales.

Pourquoi un pays est-il plus riche qu’un autre?

Parce qu’il consomme plus? C’est de la tautologie pure: la caracté ristique d’un peuple riche est qu’il peut davantage consommer, mais cela n’en est point la cause. Entre-temps, nous savons que le bien-être est encore bien plus complexe que la constitution d’un capital physique, financier ou même humain.

Pourquoi le bien-être en Allemagne de l’Ouest est-il tellement plus élevé qu’en Allemagne de l’Est? Ce n’est pas uniquement dû aux points susmentionnés. Nous devons également mentionner l’importance des institutions, le droit à la propriété, la sécurité juridique ou si les institutions régulatrices, comme le législateur, combattent les monopoles ou non.

La bonne nouvelle, pour le Japon, est que le tsunami n’a pas affecté profondément les institutions bien que la confiance et les autres formes de capital social soient sous pression.

L’enjeu pour le Japon est d’assurer qu’il n’y ait pas de séquelles permanentes à son potentiel de production. Pour donner un exemple simple, ce serait le cas si une institution scientifique majeure perdait quelques-uns de ses collaborateurs clefs.

Le bien-être dans sa vérité

Évidemment, la plupart des économistes savent bien que la question de l’impact sur l’économie japonaise mérite une réponse bien plus nuancée que le simple fait qu’ils pensent que l’activité économique pourrait être stimulée à court terme. Bien trop souvent, ils sont prisonniers de l’ultra court terme, ce qui est lié à l’attention portée aux cours de Bourses journaliers. Il serait néanmoins vraiment grave que nous ne puissions plus aborder une analyse plus profonde du bien-être économique.

Autrement, les économistes risquent vraiment, en définitive, de créer la méfiance chez les citoyens qui ne peuvent qu’évaluer, même économiquement, cette catastrophe comme négative. Intuitivement, chacun a toujours le sentiment grégaire de ce que le philosophe économiste Frédéric Bastiat a appelé la fenêtre cassée.

Si la fenêtre d’un commerçant est cassée, il va devoir dépenser de l’argent pour la remplacer et cela entraînera toute une activité économique. L’essentiel est, en fait, de comprendre qu’il aurait pu dépenser cet argent à quelque chose de bien plus utile. Si nous ne mettons pas cela en exergue, nous en arriverons bientôt à promouvoir le vandalisme…

Danser sur un volcan de dettes

Nous pouvons seulement faire confiance au peuple japonais pour surmonter ce drame tant sur le plan humain qu’économique. Pour eux, les assureurs apporteront une manne financière qui, au contraire de la population pauvre de la Nouvelle-Orléans après l’ouragan Katrina, couvrira une partie des dégâts. Les assureurs japonais sont généralement réassurés à leur tour part des géants tels que Swiss Re, Munich Re et autres.

Ces réassureurs vont évidemment inclure les coûts, estimés entre 10 et 60 milliards de dollars, dans leurs primes, de telle manière qu’il n’est pas exclu que nous le sentions également dans nos portefeuilles. En soi, nous ne pouvons qu’être rassurés par la pensée que nos compagnies d’assurances répartissent les risques et les coûts des dégâts sur la plus large population possible.

Le problème potentiel est que l’économie mondiale, encore fort fragile après des décennies d’accumulation de dettes, danse sur un volcan (pour rester dans le domaine des éléments naturels) qui peut régulièrement se réveiller, comme le démontre la crise bancaire et celle de la dette souveraine en Europe.

C’est pourquoi il est essentiel que la situation soit suivie pas par pas, de sorte que le drame japonais n’entraîne pas à nouveau une réaction en chaîne et que nous nous concentrions sur l’objectif de rendre le monde un plus sûr et stable, également sur le terrain financier et économique.

Par Ivan Van de Cloot Chef économiste Itinera Institute mars11

1 réponse »

  1. « nous en arriverons bientôt à promouvoir le vandalisme… »
    En france nous y sommes déjà quand on voit le laxisme de la police, de la justice et de certains partis politique.

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