Changes et Devises

Investissement non éthique / Prêter au Venezuela: le pétrole ne fait pas tout (et heureusement!!!)

Investissement non éthique / Prêter au Venezuela: le pétrole ne fait pas tout (et heureusement!!!!)

Souscrire aux dettes de Caracas? Apparemment une affaire des plus intéressantes, avec les rendements à deux chiffres offerts et un prix du brut à trois chiffres qui remplit les caisses de l’Etat

 Les emprunts contractés en dollars par le Venezuela – ou sa compagnie pétrolière PDVSA – offrent encore 14% de rendement; et ce en dépit d’un engouement ayant conduit à une appréciation de plus de 6% de ces titres cette année, trois fois celle affichée par les autres pays émergents. Les investisseurs semblent confiants dans la capacité de ce pays à honorer ses dettes, mais la complexité de la situation mérite une plus ample réflexion.

En effet, les investisseurs devront considérer la détérioration rapide de la capacité de remboursement d’un pays pétrolier dont la production de brut décline depuis l’arrivée de Hugo Chavez au pouvoir, en 1998. Si PDVSA génère 95% de recettes d’exportation, ses bénéfices alimentent surtout des projets sociaux, paramètre important avant les élections d’octobre 2012 visant à garantir la réélection du président.

Il leur faudra tenir compte de la contraction de 1,8% du produit intérieur brut connue l’an dernier – une croissance de seulement 2% étant attendue en 2011. Nationalisations, expropriations – dans le secteur pétrolier mais aussi industriel ou alimentaire – et gestion étatique de l’économie concourent à un déclin de productivité; à des infrastructures délabrées, des coupures d’électricité ou des pénuries contraignant à importer des produits alimentaires.

Sur le front financier, il leur faudra évaluer la difficulté du gouvernement à satisfaire la demande croissante de dollars des importateurs et de particuliers qui sortent leurs capitaux. Caracas a pourtant dévalué sa monnaie de 65% en 2010 en ajustant le change officiel à 4,3 bolivares pour un dollar, le billet vert valant deux fois plus sur le marché parallèle! Pas étonnant, dans une telle situation, que l’inflation flirte avec 30%.

 Afin d’attaquer ce fléau – l’objectif est de museler l’inflation sous les 10% d’ici aux élections – l’administration Chavez s’embarque dans un dangereux exercice d’endettement, afin de réduire l’écart entre l’offre et la demande de devises; et d’éviter ainsi des dévaluations massives. Résultat, Caracas et PDVSA ont déjà emprunté 11 milliards de dollars sur les marchés l’an dernier et devraient y placer 15 milliards de plus cette année; si l’appétit des souscripteurs est toujours là. Le pays s’est certes vu accorder un prêt de 36 milliards par Pékin – remboursable en pétrole au prix estimé de 33 dollars par baril. Ceci peine à masquer les risques d’un tel endettement face à des réserves de change qui ont chuté de 30 à 27 milliards de dollars depuis le début de l’année. Autant d’interrogations auxquelles devront répondre au préalable les investisseurs attirés par les obligations de Caracas.

Agnès Arlandis  Responsable des marchés émergents, HSBC Private Bank (Suisse).

Laisser un commentaire