Art de la guerre monétaire et économique

Le grand détournement du FMI Par Beat Kappeler

Le grand détournement du FMI Par Beat Kappeler

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On oubliera vite l’arrestation et l’inculpation de Dominique Strauss-Kahn. Ce qui est néanmoins significatif, voire réconfortant, dans ce fait divers, c’est qu’en ce moment même on arrête et inculpe les chef de guerre du Congo qui avaient organisé ou toléré des viols en série.

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 Ainsi traite-t-on sur un pied d’égalité ces chefs et le directeur du Fond monétaire international (FMI), un des hommes les plus puissants de la terre.

En revanche, au-delà du fait divers, le passage de DSK au gouvernail du FMI a laissé des traces dont on se souviendra longtemps encore. J’y décèle une boulimie comparable à celle dont il fait preuve dans sa vie privée. Car sous la direction de DSK, le Fonds monétaire a quitté le domaine bien défini de ses tâches.

Il a commencé par soutenir non pas des espaces monétaires, des pays entiers comme jadis l’Argentine, la Lettonie et beaucoup d’autres. Non, en soutenant la Grèce et en lui garantissant un paquet d’aide, proposé ensuite à l’Irlande et au Portugal, cette institution internationale est entrée dans la gestion interne d’une unité monétaire des pays de l’euro. La Grèce, le Portugal ne sont que des «provinces» à l’intérieur de l’espace monétaire de l’euro. Le FMI n’a pas soutenu le cours de cette monnaie, ce qui aurait correspondu à sa mission, mais il soutient des budgets publics provinciaux en déficit massif. Quelle idée!

Revenons au Congo. Dans ce pays secoué par différentes tourmentes, les provinces ne vont pas trop bien, en termes de budgets publics. Mais a-t-on entendu que le FMI donne des crédits à la province du Katanga? Cette province a autant d’habitants que l’Irlande, et elle ne forme qu’une partie de l’espace monétaire du Congo. Les Européens bénéficient de privilèges au sein du FMI dont d’autres, bien plus pauvres, ne peuvent que rêver.

Plaçons-nous encore du côté des Chinois, dont la part au capital du FMI augmente, mais dont l’influence reste loin derrière les Européens et surtout les Américains. Les Etats-Unis détiennent à eux seuls une minorité de blocage par leur droit de vote. Or, les Européens et les Américains, c’est-à-dire l’Ouest en entier, est complètement endetté. Depuis quand les débiteurs gèrent-ils la caisse des dettes?

Ensuite, il y a l’aspect technique, financier de la récente évolution du FMI. Il décuple en ce moment ses moyens d’intervention et de garantie envers des membres dans l’embarras. Mais qui garantit ces moyens? Les Etats très endettés de l’Europe et des Etats-Unis. On assiste alors à un glissement des dettes de l’Occident vers des bilans toujours plus élevés et abstraits: les ménages sont endettés par leurs hypothèques. Les banques sont de ce fait en danger et surendettées. Alors les Etats occidentaux ont repris leurs avoirs en difficulté. Mais les Etats, comme l’Irlande, se sont tellement endettés avec cela que les banques centrales achètent leurs dettes. Enfin, cet endettement général a amené le FMI à garantir ces dettes étatiques – elles sont en quelque sorte maintenant dans son propre bilan (gonflé). Pas très solide, tout ça.

Je pense qu’il faut arrêter ce jeu de pyramide financière et fiscale. La Suisse aurait tout intérêt à exiger une gestion plus solide. Le chef de la Banque nationale semble avoir émis de légers doutes à ce sujet la semaine passée. Mais il ne faut pas y aller de main morte. Il faut arrêter les garanties énormes que la Suisse était appelée à fournir – volontairement d’ailleurs. Et il faut remplacer DSK par un Asiatique, par un créancier donc, non pas par un débiteur. La Suisse doit exercer ses droits de vote, enrichis par «Helvétistan» dans ce sens. Ne serait-ce que pour punir nos détracteurs de l’Occident en matière fiscale.

Endettés, ces derniers veulent encore donner des leçons, et ils détournent une institution comme le FMI à leur profit. Sans l’aide du FMI, un euro fort, délesté de ses deux membres faibles du Sud, serait une monnaie crédible, internationale, comme les Européens l’appellent de leurs vœux. Et cet euro causerait moins de tort à nos exportations. La raison, la solidité, l’intérêt propre doivent guider notre politique.

 source le temps mai11

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