Cycle Economique et Financier

Les conséquences dramatiques d’un lien du franc suisse à l’euro Par Emmanuel Garessus

Les conséquences dramatiques d’un lien du franc suisse à l’euro Par Emmanuel Garessus

La demande de l’interventionniste en chef, le président euroturbo du Parti socialiste, qui veut lier temporairement le franc à l’euro, est une conséquence logique des errements de la banque centrale. Logique mais dangereuse

 

La BNS a perdu une partie de son crédit lors de ses inutiles interventions sur le marché des changes. Sa dernière décision de maintenir les taux inchangés n’a pas été plus réussie. La NZZ a fort justement regretté le non-relèvement des taux directeurs. Une hausse des taux aurait envoyé un message un peu plus limpide au marché hypothécaire qu’une répétition de mises en garde rhétoriques. Et rien ne laisse penser qu’elle aurait provoqué une hausse supplémentaire du franc. Car ce n’est pas le différentiel de taux d’intérêt entre la Suisse et la zone euro qui définit la tendance du franc, mais l’écart de risque de défaut. La Suisse demeure l’un des pays les sûrs au monde. Un nouvel excédent des finances publiques est attendu en Suisse en 2011 et 2012. La dette publique reste sous contrôle. C’est loin d’être vrai dans la zone euro, et pas seulement en Grèce. Un regard vers nos proches voisins est suffisant.

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 La France, qui se pique de gérer les organisations internationales, devrait présenter un déficit public de 5,8% du PIB cette année. Un tel niveau de déliquescence du ménage public est pire que celui de l’Italie (4,3% du PIB) et il pourrait même dépasser celui du Portugal. Le déficit public des pays de la zone euro devrait pour sa part atteindre 4,3% du PIB.

Encore faut-il analyser la procédure utilisée pour présenter le solde budgétaire. La BCE s’est précisément penchée sur les révisions successives des déficits publics de 15 pays de la zone euro entre 1995 et 2008*. Un sujet d’autant plus important que les règles de surveillance de l’UE se basent sur les premières estimations du budget. La BCE montre à quel point elles sont biaisées. «Les premières estimations ne sont pas des indicateurs efficients des chiffres définitifs», explique-t-elle. Les révisions successives mènent à des déficits publics bien supérieurs. La Grèce sort du lot tant la révision est forte, mais il serait faux d’imaginer que les grands pays se soustraient à cette observation. Les biais sont systématiques, selon la BCE, qui critique moins les petits pays que les grands. Les cycles politiques, les hypothèses de croissance et les règles budgétaires expliquent cette faiblesse, conclut-elle. Les révisions des déficits ne peuvent être considérées comme rationnelles que deux ans après la première indication!

Les marchés préfèrent donc le risque suisse. Pourtant notre pays a réduit sa marge de manœuvre monétaire. La BNS n’a pas seulement raté ses interventions mais elle n’a plus de munitions et le déficit qui en découle passe mal auprès des cantons.

La demande de l’interventionniste en chef, le président euroturbo du Parti socialiste, qui veut lier temporairement le franc à l’euro est une conséquence logique des errements de la banque centrale. Logique mais dangereuse. Le raisonnement du PS ne surprend pas: Le franc se renchérit et menace l’emploi. Supprimons les fluctuations avec l’euro. Et pourquoi pas les cycles conjoncturels, les inégalités et les défaites électorales?

Lier le franc à l’euro est absurde, ainsi que l’explique Thomas Straubhaar, économiste à Hambourg à l’institut HWWI dans une interview au Schweizer Illustrierte. Il emploie une métaphore: «L’Allemagne est tombée enceinte de l’euro par accident en 1999, en compensation pour la réunification. Moralement, elle a dû l’éduquer. Mais la Suisse n’est pas tombée enceinte et ne devrait pas l’être.»

La politique monétaire suisse perdrait toute marge de manœuvre et se livrerait pieds et poings liés à celle défaillante de la zone euro. Il en résulterait une forte hausse des taux d’intérêt (puisque la prime de risque serait liée à celle de la zone euro), la disparition de la valeur refuge de notre monnaie, et pour les sociétés étrangères présentes dans notre pays, de l’indépendance de la Suisse aux décisions de Bruxelles. Il en résulterait une perte de confiance massive et une hausse du chômage.

Par principe, les socialistes se méfient de la politique monétaire en raison de l’indépendance relative des banques centrales. Les achats d’obligations grecques par la BCE ont pourtant montré que cette dernière n’était plus très crédible sur ce point.

Pour les socialistes, la politique est au-dessus de l’économie. Ils veulent diriger l’économie, élaborer des plans de relance – financés par la classe moyenne –, modifier les comportements, intervenir dans l’échelle des salaires, subventionner les «bons secteurs». Son champ de bataille, le lieu de la grande redistribution, c’est la politique budgétaire.

La crise grecque aurait pu montrer le coût de cette OPA de la politique sur l’économie. Le message n’a pas passé.

Mais seule l’épreuve des faits peut résoudre le choix entre politique budgétaire ou monétaire. Margaret Thatcher avait elle-même joué sa crédibilité sur la croissance en réduisant massivement les dépenses publiques. 364 économistes éminents s’y opposèrent. Mal leur en a pris. L’économie repartit à toute allure. Ils avaient tout faux et en plus ils s’étaient ridiculisés, a expliqué l’économiste Steve Hanke (www.turgot.org).

La longue stagnation japonaise, malgré une succession de plans de relance budgétaire, et la solide expansion américaine des années Clinton (avec la suppression des déficits publics) montraient la supériorité de la politique monétaire sur la politique budgétaire. Cela reste vrai, comme le montre Steve Hanke en comparant le déficit public américain et l’écart de production (PIB par rapport à son potentiel à long terme) entre 2001 et 2016.

Si les tenants de la politique budgétaires avaient raison, nous devrions assister à une relation inverse entre les variations des taux de croissance et celles du solde budgétaire. Or le nombre d’années où la politique budgétaire influence correctement l’économie est deux fois moindre que les autres. Non seulement la politique des déficits ne fonctionne pas mais elle se double d’une perte de confiance en cas de hausse des dépenses publiques. A l’image de la Grèce. Les médias se plaignent de la «faiblesse» des impôts. Mieux vaudrait s’appesantir sur la hausse des dépenses publiques.

* Fiscal data revisions in Europe, ECB, WP 1342, 2011.

source le temps juil11

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