Chute des cours boursiers – opportunité d’achat ? par Guy Wagner
“If we mean to prosper long term, I am sure that we need to act to make debt less attractive to everybody: it really is a snare and a delusion.”
(Jeremy Grantham: Children at play, August 2011)
“A novice monk approaches his teacher and asks, “Is this a bull market or a bear market? ” The teacher replies, “If it is a warm day, and I say that it is winter, will you still wear your heaviest coat?”
(John Hussman: Zen Lessons in Market Analysis, October 2009)
Le recul des cours boursiers depuis fin juillet a certainement été impressionnant. En deux semaines, les marchés ont perdu quelque 15 %, voire plus dans certains cas.
Ce recul s’explique par des éléments aussi bien cycliques que structurels :
Côté cyclique, on peut citer la détérioration des statistiques économiques, notamment aux Etats-Unis et des résultats des entreprises moins bons que prévus.
Côté structurel, il y a le problème des finances publiques avec la crise de la zone euro et le spectacle désolant du relèvement du plafond de la dette aux Etats-Unis, suivi de l’abaissement du rating du pays.
Le recul des cours boursier représente-t-il une opportunité d’achat ?
PLUS DE WAGNER EN SUIVANT :
Source: S&P, Shiller, BLS, Global Financial Data, Morgan Stanley Research
Note : Shiller PE defined as inflation adjusted price to 10Y average EPS
Les plans d’austérité sont un frein supplémentaire à la croissance
Au cours des dernières semaines, les investisseurs ont essentiellement pris conscience du fait que les économies de la plupart des pays industrialisés sont fondamentalement faibles et que la reprise des deux dernières années a été dans une large mesure artificielle et reste dès lors fragile. Que ces économies soient faibles n’est pas vraiment une surprise : il y a quelque 80 ans, l’économiste Irving Fisher notait déjà que les grands problèmes économiques résultaient en premier lieu du surendettement. Tout comme l’endettement stimule (temporairement) la croissance, le désendettement pèse sur la croissance, l’argent nécessaire pour rembourser la dette n’étant plus disponible pour la consommation ou l’investissement. De plus, les actions des autorités fiscales et monétaires des trois dernières années n’ont rien fait pour améliorer la situation et l’ont au contraire encore aggravée. Ce qui fut un problème de surendettement du secteur privé est devenu un problème de surendettement du secteur public. Il en résulte que les autorités n’ont aujourd’hui plus guère de moyens à leur disposition pour stimuler l’activité économique. Au contraire, dans la plupart des pays, l’heure est à l’austérité budgétaire, austérité qui constituera un frein supplémentaire à la croissance. Un retour en récession est dès lors possible.
Côté structurel, les problèmes liés à la détérioration des finances publiques sont loin d’être résolus. En Europe notamment, la situation devient de plus en plus inquiétante. L’abaissement du rating des Etats-Unis pourrait ainsi causer plus de problèmes à la zone euro qu’aux Etats-Unis. Comment en effet justifier que la France ait un rating AAA si les Etats-Unis ne l’ont plus ? Or, si la France devait perdre ce rating, le mécanisme sur lequel repose l’aide aux pays périphériques (donner à ces pays accès à des capitaux à un coût de financement raisonnable à travers un véhicule comme le EFSF (European Financial Stability Facility) doté d’un rating AAA) serait fondamentalement remis en question.
De plus, l’augmentation du prix du CDS (contrat d’assurance contre un défaut de paiement) sur l’Allemagne montre que les investisseurs commencent à se poser des questions sur les pays jusqu’à présent considérés comme ‘au-dessus de tout soupçon’, les mesures prises pour combattre un problème de surendettement des pays de la périphérie risquant d’entraîner un problème de surendettement dans le ‘noyau dur’ de la zone euro.
L’environnement économique ne semble dès lors pas prêt de s’améliorer. Est-ce que pour autant la chute des marchés sur les dernières semaines fait-elle que ‘les mauvaises nouvelles sont dans les cours’? Après tout, de nombreux observateurs affirment que les actions sont aujourd’hui particulièrement bon marché.
Actions bon marché ?
Pour répondre à cette question, nous avons tendance à utiliser le ratio cours/bénéfice de Shiller. Comme expliqué à plusieurs reprises, ce ratio a l’avantage d’utiliser comme dénominateur le bénéfice moyen des 10 dernières années et évite ainsi de prendre une année exceptionnellement bonne (donnant une valorisation très attrayante) ou mauvaise (et donc une valorisation a priori élevée). Il se justifie d’autant plus dans la situation actuelle où les marges bénéficiaires des entreprises, qui sont à des niveaux exceptionnellement élevés, commencent à diminuer.
Sur base de ce ratio, on peut tirer les conclusions suivantes :
Le marché américain se traite actuellement à un Shiller PE autour de 20. La moyenne sur le long terme de ce ratio s’établit à 16. Utiliser cette moyenne de 16 donnerait un niveau de l’indice S&P 500 autour de 950, contre 1190 actuellement. A noter que lors de récessions, ce ratio est en moyenne tombé à 13,6 ;
Le marché européen se traite à un Shiller PE de 11,2. Ce chiffre est légèrement en dessous de sa moyenne à long terme mais reste largement au-dessus du niveau atteint dans les marchés baissiers du passé. Au plus profond du marché baissier de 2008/2009, ce ratio était ainsi tombé à 9,7.
D’une manière générale, on peut dès lors dire que le marché américain reste relativement cher alors que la valorisation du marché européen semble nettement plus attrayante. Cette dernière constatation doit toutefois être relativisée étant donné le poids important des valeurs financières dans les indices européens. Ces valeurs paraissent aujourd’hui très bon marché mais leurs actionnaires risquent d’être fortement dilués lors de recapitalisations futures.
Deux remarques supplémentaires sur le thème des valorisations.
Tout d’abord, il est évident que tous les modèles de valorisation basés sur les taux d’intérêt font apparaître les actions comme exceptionnellement sous-évaluées. L’exemple du Japon montre toutefois qu’utiliser ce genre de modèle dans un environnement marqué par un surendettement important, une croissance faible et un risque de déflation ne fait aucun sens.
Ensuite, s’il est intéressant de comparer la valorisation des actions à la moyenne sur le long terme, force est de constater que les actions se traitent très rarement à cette moyenne. Cette moyenne est utile pour voir si, par rapport au passé, les actions sont plutôt chères ou plutôt bon marché. Il est toutefois tout aussi important de savoir si nous nous trouvons dans un environnement plaidant pour une augmentation ou une diminution des multiples. Les incertitudes économiques et financières plaident pour une prime de risque plus élevée pour les actions et, partant, une contraction des multiples de valorisation.
La correction enregistrée par les marchés boursiers ne constitue dès lors pas une opportunité d’achat. Il est vrai que la chute des cours traduit une réévaluation plus réaliste des perspectives économiques par les investisseurs. Il reste toutefois que les conditions pour une reprise durable des marchés ne sont pas réunies : l’environnement économique et financier ne semble pas prêt de s’améliorer et les multiples de valorisation ne sont pas suffisamment bas.
Dans quels actifs investir ?
Alors que l’économie semble de plus en plus instable, trois gestionnaires de Mackenzie(Canada) expliquent comment ils préparent leurs portefeuilles à parer à toute éventualité.
« Le pire des cas serait une hausse des taux d’intérêts au Canada induite par l’inflation importée des économies émergentes en croissance et qui fait monter les prix ici, sans que nous constations les avantages économiques en termes de croissance », indique Norman Raschkowan, gestionnaire de portefeuille chez Mackenzie.
Spécialiste des fonds produisant du revenu, Norman Raschkowan parie sur les actions à dividendes pour faire face au contexte économique actuel: « Nous espérons que la croissance des dividendes sera suffisament élevée pour contrebalancer amplement tout ce qui se passe dans le marché au sujet des taux de rendement. »
Chez Putnam, Paul Scanlon privilégie les obligations à haut rendement pour supporter le rendement de ses fonds à rendement élevé. Il part du principe qu’une hausse de l’inflation correspond à un contexte de hausse des taux d’intérêt. De plus, ce type de produit a généralement une échéance plus courte, ce qui est préférable dans le contexte actuel.
« Une obligation à rendement élevé est habituellement émise avec une durée à l’échéance de huit ans, quatre années de protection contre un remboursement anticipé et un taux d’intérêt nominal plus élevé; elle tend donc à être moins sensible aux taux d’intérêt », souligne le gestionnaire de portefeuille qui est également responsable du revenu fixe chez Putnam.
Spécialiste des mandats de placement axés sur les titres canadiens toutes capitalisation, Hovig Moushian, a quant à lui misé sur les actions d’entreprises ayant un faible endettement depuis la crise du crédit. Ses portefeuilles sont donc bien préparés à un ralentissement de l’économie.
« En fait, les actions des sociétés autres que financières au Canada se négocient à des ratios d’endettement qui sont les plus bas des vingt dernières années, explique Hovig Moushian. Nous sommes donc rassurés sachant que nos portefeuilles pourront résister à toute hausse des frais d’intérêt. »
Dans un tel environnement, notre stratégie d’investissement repose sur les principes suivants :
au niveau des devises, nous privilégions celles des pays disposant de fondamentaux solides (surplus budgétaire, excédent courant, dette publique peu élevée)
au niveau des obligations, nous ne détenons dans nos fonds que des emprunts d’Etat d’Europe du Nord ainsi que de certains pays émergents ;
au niveau des actions, nous nous limitons aux entreprises de qualité (faible endettement, rentabilité élevée) et évitons complètement les valeurs financières américaines et européennes qui reflètent le mieux les problèmes économiques de ces régions. Dividendes et pays émergents figurent parmi nos thèmes d’investissement majeurs, y compris les sociétés américaines et européennes dont une partie importante des résultats découle des pays émergents. Nous avons recours à des instruments dérivés (vente de futures) pour réduire le risque marché dans nos portefeuilles.
publié le 18aout 2011
SOURCE ET REMERCIEMENTS : LE BLOG DE GUY WAGNER
http://www.guywagnerblog.com/fre/entry/marches-financiers-et-bourse