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La leçon de la lire à l’euro Par Beat Kappeler

La leçon de la lire à l’euro Par Beat Kappeler

L’Italie est mal dans sa peau dans cette union monétaire européenne, qui n’est pas une union monétaire optimale, selon les exigences de la théorie économique. Mais l’Italie est l’exemple d’une union monétaire optimale en elle-même, qu’on se le dise.

 

 Cette constatation surprenante me vient de deux réflexions. D’une part, cette théorie des unions monétaires, développée par le Prix Nobel Robert A. Mundell: pour amortir des chocs frappant une partie d’une telle union, les travailleurs doivent migrer et une caisse centrale doit compenser les pertes par des flux automatiques. Or l’Union européenne ne satisfait à aucune de ces conditionsLes Italiens devraient émigrer maintenant comme pendant les années 1950, car le manque de compétitivité qui les frappe constitue un choc économique. Et il n’y a pas de flux automatiques venant de Bruxelles, bien que les eurocrates comme José Manuel Barroso s’y appliquent.

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L’autre réflexion me vient de l’histoire italienne: l’Italie était devenue une union monétaire en 1860-1870 lors de son unification. La lire devenait la monnaie de l’ancien Royaume des Deux-Siciles, des Etats du pape comme de Florence, de Turin, de Milan et de Venise. Et les deux conditions pour une union monétaire commençaient à se mettre en place: l’Italie du Sud n’était plus concurrentielle par rapport au nord déjà relativement industrialisé, les nouveaux maîtres venant du nord supprimaient les tarifs douaniers agricoles et le sud tombait dans cette pauvreté que l’on connaît encore. Mais voilà que les Italiens du sud émigraient en masse, vers l’Argentine, vers le nord du pays, vers le nord de l’Europe aussi. Et les finances publiques étant centralisées à Rome, des travaux publics étaient lancés à l’époque fasciste, après 1951 par le projet Cassa del Mezzogiorno.

On dira que ce beau fonctionnement, selon la théorie de l’union monétaire, était peu enviable sous la lire. En effet, le sud de l’Italie reste pauvre, désorganisé, dépeuplé. Les faits sont méticuleusement racontés par l’historien anglais David Gilmour, dans son livre tout récent The Pursuit of Italy («La quête d’Italie»). C’est cela qui attend les pays défaillants de l’union monétaire européenne aujourd’hui et dans l’avenir. Sans pouvoir dévaluer, et sans les deux autres soupapes de l’émigration et des soutiens automatiques, ces pays du sud vont être astreints à une incessante cure d’amaigrissement sous la houlette de contrôleurs du nord et du FMI, sifflés copieusement cette semaine à Athènes.

José Manuel Barroso, le chef de la Commission, vient de tenir un discours très démagogique devant le Parlement européen. Toute opposition aux compétences de Bruxelles témoigne à ses yeux d’un égoïsme nationaliste. Barroso n’y va pas de main morte, il propose cette fameuse taxe Tobin sur les transactions financières, rapportant, selon lui, dans les 70 milliards d’euros au centre fiscal de l’Union. Comme les Anglais, les Américains et les Suisses ne suivront pas, cette taxe va simplement chasser les transactions des pays de l’euro, et la taxe ne va pas rapporter grand-chose. Mais Barroso veut créer un précédent, à savoir la compétence de taxation par Bruxelles.

Le jour suivant, le parlement allemand approuvait le paquet élargi de soutien aux pays défaillants. Le secrétaire du groupe parlementaire du SPD, Thomas Oppermann, avouait ne pas deviner tout ce que ce paquet impliquerait, mais il forçait le oui de son groupe. Le même jour, une lettre de la Banque centrale européenne à Berlusconi était publiée par la presse, et elle montrait que ce gouvernement n’avait pas rempli les conditions demandées. L’union monétaire européenne fonctionnera alors à l’inverse de celle de l’Italie du XIXe siècle: le nord n’impose rien, mais il paiera sans connaître les sommes en question et sans pour autant stabiliser le sud. La gangrène de la transgression et du flou institutionnels défigure l’Europe. La Suisse devra refuser de négocier les accords fiscaux avec Bruxelles. Il faut négocier avec les pays. Et rappeler à Barroso qu’il n’a pas la compétence de le faire à leur place.

source Le Temps oct11

 EN COMPLEMENT : Le Corriere della Sera publie jeudi in extenso la lettre « secrète » envoyée début août par la Banque centrale européenne (BCE) à Rome pour lui demander de prendre des mesures urgentes afin de rassurer les marchés, ce qui a suscité une vive polémique en Italie. 

Dans cette lettre datée du 5 août, le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, et le gouverneur de la Banque d’Italie, Mario Draghi, qui va lui succéder le 1er novembre, appellent Rome à « une action urgente », « essentielle pour restaurer la confiance des investisseurs » alors que les marchés étaient en panique face au risque de contagion de la crise de la dette à l’Italie. MM. Trichet et Draghi insistent notamment sur la nécessité pour l’Italie d’arriver à l’équilibre budgétaire dès 2013, soit un an plus tôt que l’objectif fixé par le plan d’austérité adopté mi-juillet. 

« INTERVENIR DAVANTAGE » 

La BCE appelle aussi Rome à « intervenir davantage sur le système de retraites », notamment en alignant plus rapidement l’âge de départ en retraite des femmes dans le privé sur celui des hommes, à durcir les règles de rotation et à baisser « si nécessaire » les salaires dans la fonction publique. 

Enfin, l’institution de Francfort souligne l’urgence d’adopter des « mesures significatives pour renforcer le potentiel de croissance », en libéralisant les services et les professions, en réformant le marché du travail ou en privatisant des services publics locaux. Contactée par l’AFP, la BCE s’est refusée jeudi à tout commentaire sur la publication de cette lettre.

source AFP sep11

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 La situation italienne s’aggrave encore

Le financement de la dette de plus de 1900 milliards d’euros coûte plus de 5 points de PIB.

Le déficit public de l’Italie a grimpé au deuxième trimestre tandis que le coût de financement de sa dette colossale a encore bondi hier lors d’une émission obligataire, le pays continuant à inquiéter les investisseurs.

Selon des données publiées par l’institut des statistiques Istat, le déficit public de la péninsule a grimpé à 3,2% du Produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre contre 2,5% un an plus tôt.

Sur l’ensemble du premier semestre, il a en revanche légèrement diminué de 0,1 point à 5,3%.

Ces chiffres sont bruts et varient donc fortement selon les trimestres, tient toutefois à souligner l’Istat, qui note par ailleurs que son calcul n’est pas complètement identique à celui du déficit public notifié chaque année à la Commission européenne car il n’intègre pas certaines opérations.

Mais selon Fabio Fois de Barclays Capital, avec un déficit à ce niveau à la fin du premier semestre, le gouvernement pourrait manquer de 0,2 ou 0,3 point son objectif d’un déficit annuel de 3,9%.

Dans le détail, l’augmentation du déficit au deuxième trimestre s’explique par une hausse des dépenses publiques de 1,6% sur un an tandis que les recettes n’ont progressé que de 0,1% dans le même temps.

En excluant les intérêts de la dette, l’Italie a en revanche dégagé un excédent primaire de 2,1% du PIB au deuxième trimestre. Le financement de sa dette de plus de 1900 milliards d’euros (environ 120% du PIB) coûte donc au pays plus de 5 points de PIB.

Et la situation s’est aggravée depuis cet été en raison de la pression des marchés sur le pays qui a provoqué un envol de ses taux obligataires. Les taux ont de nouveau bondi lors de l’émission par le Trésor italien de 7,85 milliards d’euros d’obligations à moyen et long terme, signe de la méfiance des investisseurs. Mardi et mercredi, le Trésor avait déjà dû concéder une hausse des taux lors d’autres émissions.

Le Trésor, qui comptait lever entre 5,5 et 9 milliards d’euros, n’a pas atteint son objectif maximum et la demande, qui s’est élevée à environ 11,5 milliards, a été jugée décevante par certains analystes. «Globalement, l’émission d’aujourd’hui n’a pas été satisfaisante du tout», a observé Annalisa Piazza de Newedge. Les taux ont bondi à 4,68% contre 3,87% lors de la dernière opération similaire pour les titres à échéance 2014, à 5,86% contre 5,22% pour les titres à échéance 2022 et à 5,63% contre 4,58% pour les titres à échéance 2015.

Ils se sont inscrits à 5,49% pour les titres à échéance 2021 mais ce niveau n’est pas comparable à celui d’une émission similaire récente.

Ces taux sont hauts et vont coûter cher à l’Italie mais ils restent toutefois encore «soutenables» pour le Trésor, estime un analyste milanais.

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Vaste opération sur le patrimoine public

 L’Italie, qui ne parvient toujours pas à rassurer les marchés, a donné le coup d’envoi d’une grande opération de cession et de valorisation de son patrimoine public afin de réduire sa dette. Le ministre de l’Economie et des Finances, Giulio Tremonti, a reçu à Rome plus de 150 représentants italiens et étrangers de banques, de fonds d’investissements ou de sociétés immobilières.

Immobilier, participations, concessions, infrastructures: le patrimoine de l’Etat est estimé à 1815 milliards d’euros, dont 675 milliards d’actifs «que l’on peut faire fructifier», selon le ministère des Finances. Soit presque autant que la dette qui s’élève à plus de 1900 milliards (environ 120% du PIB).

Le but de cette première rencontre avec la communauté financière, qui n’était pas ouverte à la presse, était de lui présenter «pour la première fois» le patrimoine de l’Etat «chiffré en valeur de marché», a indiqué le ministère dans un communiqué. D’autres réunions suivront.

«Une grande réforme structurelle pour la réduction de la dette, la modernisation et la croissance du pays est lancée aujourd’hui», s’est félicité M. Tremonti.

Le chef du gouvernement Silvio Berlusconi, qui entretient des relations très tendues avec M. Tremonti, n’a pas participé à cette rencontre, contrairement à ce qui avait été annoncé initialement.

Comme l’avait annoncé M. Tremonti en juillet, les nombreuses sociétés de services publics locaux (eau, énergie…), contrôlées par les collectivités locales, pourront être ouvertes au privé après avoir été regroupées.

Les participations de l’Etat dans les géants industriels ENI (pétrole), Enel (électricité) ou Finmeccanica (aéronautique et défense) sont en revanche intouchables, fait-on valoir au sein du gouvernement.

Outre les cessions, la stratégie du gouvernement se base sur la valorisation du patrimoine public afin d’en augmenter la rentabilité.

Si «à court terme les effets les plus importants s’obtiennent avec les cessions», «il vaut mieux en revanche augmenter la rentabilité du patrimoine pour maximiser la réduction de la dette» grâce à la «contribution du secteur privé», a souligné le ministère.

 

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