Un pavé de bonnes intentions par Andreas Höfert
EURO. Il faut s’attendre à d’autres plans définitifs et réunions de la dernière chance ces prochains mois.
Il y a quelques années, un spot publicitaire amusant de Berlitz Languages mettait en scène un jeune garde-côte allemand surveillant seul les radars dans une salle de contrôle. Soudain, une voix se fait entendre à la radio: «Mayday, mayday! Can you hear us? We are sinking, we are sinking! (A l’aide, à l’aide! Vous nous entendez? Nous coulons, nous coulons!)» Dans un anglais approximatif, teinté d’un fort accent allemand, l’officier novice répond nerveusement à l’émetteur: «Hello? Zis is ze Cherman Coast Guard. What are you sinking about? (Bonjour, ici la garde côtière allemande. A quoi pensez-vous?)» Le jeu de mots provient de la confusion entre «to sink» (couler) et «to think» (penser) prononcé avec l’accent allemand.
A mon avis, il n’y a pas meilleure métaphore pour illustrer le dernier plan définitif pour résoudre, une fois encore et une bonne fois pour toutes, la crise de l’euro. Une fois de plus, il est trop timide, trop tardif et repose sur une incompréhension fondamentale entre l’Allemagne et d’autres pays du nord de la zone euro d’un côté, et la France et les pays périphériques de l’autre. Le président français Nicolas Sarkozy a beau assurer que la France et l’Allemagne sont sur la même longueur d’ondes, il n’en est rien.
Deux trilemmes, l’un qui concerne l’Europe dans son ensemble et un autre propre à l’Allemagne, sont à l’origine de la crise actuelle. Si un dilemme consiste à choisir entre deux options, un trilemme exige de choisir deux des trois options existantes dans la mesure où, logiquement, seules deux options sont possibles à un moment donné. Celui auquel l’Europe est confrontée est le trilemme sur la mondialisation, dont la paternité est attribuée à l’économiste Dani Rodrik, de l’Université de Harvard. Dans le contexte européen actuel, il exclut la coexistence d’une entité supranationale dotée d’une monnaie commune, d’Etats-nations souverains et de démocraties. Entre la zone euro, les Etats-nations souverains et la démocratie, l’un doit être sacrifié.
La zone euro et les Etats-nations peuvent coexister, mais ce sera au détriment de la démocratie. C’est la situation actuelle des Grecs, des Portugais et des populations de tous les autres pays de la périphérie de l’Europe: ils n’ont pas leur mot à dire face à l’austérité qui leur est infligée. Vous pouvez avoir une zone euro démocratique mais cela impliquerait une réelle perte de souveraineté pour les Etats-nations. C’est précisément ce en quoi consisterait une union fiscale. Enfin, vous pouvez avoir des Etats-nations démocratiques sans zone euro. Ce serait le scénario d’un éclatement de la zone euro.
Le trilemme de Rodrik n’appréhende cependant pas toute la complexité de la crise. Il faut lui ajouter un autre trilemme spécifique à l’Allemagne, qui veut garder l’euro sans payer davantage et en excluant toute solution qui alimenterait l’inflation. Il y a là encore incompatibilité de l’un des trois souhaits. En conservant l’euro, le chemin vers l’union fiscale impliquera bien plus de transferts du cœur de la zone euro vers sa périphérie.
Pour conserver l’euro sans mettre la main au porte-monnaie, on pourrait monétiser la dette toxique des pays périphériques. C’est l’option choisie par des banques centrales aussi «sérieuses» que la Réserve fédérale des Etats-Unis et la Banque d’Angleterre dans le cadre de leurs programmes d’assouplissement quantitatif. Mais pour des raisons historiques, l’Allemagne continue de s’y refuser catégoriquement.
Dans ce cas, si une contribution accrue et l’inflation sont exclues, c’est tout le concept de l’euro qui est à revoir. Après sept plans définitifs, aucune réponse crédible n’a encore été apportée à ces deux trilemmes. Par conséquent, il faut s’attendre à d’autres plans définitifs et réunions de la dernière chance ces prochaines semaines et mois. A moins qu’une solution ne s’impose d’elle-même. Une solution qui ne sera pas nécessairement la meilleure. Sans réflexion sérieuse, l’euro coulera.
Andreas Höfert UBS Wealth Management nov11
CQFD ! Imparable ! Trilemne hein ? Mais oui, mais c’est bien sur ! A.C