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Enquête sur la fraude ayant fait sauter le marché européen du CO2

Enquête sur la fraude ayant fait sauter le marché européen du CO2

Enquête sur la fraude ayant fait sauter le marché européen du CO2 Une journaliste française, Aline Robert, révèle une arnaque à la TVA dépassant les 10 milliards d’euros. Celle-ci a été réalisée sur le marché du carbone entre 2006 et 2009. Elle met en cause des dizaines d’opérateurs

En décembre 2009, Europol publie un communiqué passant inaperçu. «Le marché européen des échanges de quotas de CO2 a été victime d’échanges frauduleux depuis dix-huit mois.» Les pertes pour le fisc de plusieurs pays représentent «environ 5 milliards d’euros». Dans certains pays, «jusqu’à 90% du marché du carbone a été le fait d’activités frauduleuses». Pour la première fois, un ouvrage de la journaliste française Aline Robert* plonge dans la mise en œuvre sur le marché du carbone – entre 2006 et 2009 – d’une arnaque jusque-là artisanale: celle consistant à faire venir un camion rempli de téléphones portables hors taxe d’un pays de l’UE, pour les revendre en France – en touchant les 19,6% de TVA. Sauf que là, il s’agit de vendre sur le marché ultrarapide Bluenext – fierté de la place financière parisienne – des «droits à polluer» achetés hors taxe sur d’autres marchés au CO2 européens. Rendement? 19,6%. En un quart d’heure. Des centaines de millions à la clef. Trois ans durant, l’auteur croise les habitués de ce micmac. Frédéric, carrossier de formation, le premier à s’être lancé. Avant les gérants de boîtes de nuit parisiennes. Avant les intermédiaires véreux poussant des dizaines de gogos à investir dans le carbone. «Inutile de maîtriser les tenants et les aboutissants du CO2, l’important c’est de récupérer la taxe: pas plus compliqué que l’épicier du coin qui ferme boutique et se barre sans reverser à l’Etat la TVA qu’il a facturée six mois durant», résume Aline Robert. Contrairement aux autres bourses, ouvertes aux seuls «pros», celle du carbone était ouverte aux particuliers. «Utopie de l’appropriation du marché du carbone par les citoyens, qui pouvaient ainsi effacer un trajet autoroutier en rachetant l’équivalent de droits à émettre du CO2», relève l’auteur.

Rédigée comme un polar, l’enquête révèle, entre les lignes, la naïveté ayant sous-tendu la création d’un marché du carbone, «machin» compliqué mais censé représenter la contribution de l’Europe au traité de Kyoto. Ou l’illusion de mécanismes de marché pouvant tout régler. Même la pollution. Si l’arnaque s’est principalement développée en France c’est que la place parisienne s’est voulue pionnière. Si l’on estime la fraude à 2 milliards d’euros au Royaume-Uni, le même montant qu’en France, «l’estimation faite par Europol en 2009 devient absurde car presque tous les autres pays de l’UE ont été touchés», écrit l’auteur. Cette dernière cite deux experts: l’un estime l’ensemble de la fraude à 10 milliards d’euros, l’autre au double. Cette affaire montre également la rapidité avec laquelle le crime organisé peut utiliser à son avantage ces plateformes de marché, en l’absence de contrôle efficace. «Cela ne remet pas en cause le principe de fonctionnement de ce marché», tempère l’auteur. Il n’empêche. Le scandale a tué la place d’échange de CO2 parisienne, profitant à ses concurrentes de Londres et de Francfort. Une vingtaine d’instructions sont toujours en cours en France.

* «Carbone connexion: le casse du siècle» (Max Milo Ed., 224 p.).

Par Pierre-Alexandre Sallier/Le Temps Oct12

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