Quelques réflexions sur l’or et le “privilège exorbitant” du dollar US Par Pierre Leconte
Pendant les années 1999-2011, le prix de l’or est monté de 252 à 1.923 dollars US l’once pour la raison principale que, pendant la même période, le dollar US mesuré par le US Dollar Index a chuté de 120 à 72. Depuis son plus haut de septembre 2011 à 1.923, le prix de l’or a rechuté à 1.180 dollars US l’once en juin 2013 (-38%) pendant que le dollar US se redressait (l’argent-métal qui avait suivi en 1999-2011 la progression de l’or ayant quant à lui rechuté de -64% de 49,90 à 18,20 depuis deux ans). En revanche, depuis ce plus bas de 1.180, le prix de l’or est récemment remonté à 1.360, en même temps que le dollar US a rebaissé. On peut, d’ores et déjà, conclure de l’évolution des prix des deux métaux précieux exprimés en dollars US que, depuis 1999, ils ne montent -principalement- que lorsque le dollar US baisse.
Cette évolution du prix de l’or, indépendamment de celle du dollar US avec lequel il est à l’évidence inversement corrélé, pose au moins deux questions : 1/ Existe-t’il d’autres facteurs expliquant pourquoi le prix de l’or a chuté depuis deux ans ? 2/ La reprise récente du prix de l’or est-elle durable et, dans la négative, pourquoi ladite reprise pourrait-elle s’inverser et vers quels niveaux le prix de l’or pourrait-il chuter, avant d’éventuellement reprendre une tendance haussière de long terme ?
Pour répondre à la première question, il y a lieu de remarquer que l’or constitue une protection contre l’inflation, généralement induite aux USA par la baisse du dollar US et la diffusion maximale des liquidités disponibles dans l’économie réelle (en particulier via l’augmentation des prêts bancaires et de la vitesse de circulation monétaire), mais qu’il ne protège généralement pas contre la déflation ni contre la stagflation. Cette dernière situation étant actuellement celle de la plupart des économies en raison de leur faible croissance globale comme du processus de dégonflement (« deleveraging ») des dettes publiques et privées encore abyssales qui devrait se poursuivre assez longtemps, en dépit des politiques monétaires keynésiennes ultra laxistes des banques centrales occidentales et du Japon, lesquelles échouent à enrayer le chômage de masse comme à relancer la croissance et plus encore l’inflation. Les effets du « credit-crunch » ayant suivi la crise de 2008 se font toujours sentir, comme le montrent les chutes ininterrompues du multiplicateur de crédit et de la vitesse de circulation de la monnaie tant aux USA qu’en Europe et au Japon. Dans le cycle de Kondratieff, nous n’avons pas encore atteint l’hiver.
En outre, il n’y a qu’une assez faible partie de l’or existant (20% environ) qui est utilisée aux fins d’investissement. Cette dernière considération expliquant que les variations de sa demande ou de son offre n’ont actuellement que peu d’effet sur la fixation de son prix. Ce sont donc les facteurs précités qui ont fait chuter le prix de l’or depuis deux ans.
On peut aussi ajouter que, les banques centrales occidentales ayant mis en place des mécanismes de manipulation du prix de l’or, qu’il s’agit pour elles d’empêcher de monter afin -croient-elles à tort- de ne pas déstabiliser un peu plus le Système monétaire et bancaire international, les bullion banks et les hedge funds se livrent depuis deux ans à une spéculation massive à la baisse sur les marchés de l’or et de l’argent-métal (via par exemple la vente des « gold loans » que les banques centrales leur consentent), dont les prix sont principalement fonction des transactions papiers (marchés à terme ou d’options) et non pas des transactions physiques. Pendant que les véhicules de spéculation (ETF américains pour la plupart) ont vu leurs positions ouvertes s’évaporer au fur et à mesure que les prix des métaux chutaient. Sans compter que la plupart des sociétés minières, dont les actions se sont effondrées, ont dû arbitrer ou vendre à terme leur production comme leurs stocks, ce qui a exercé -et continuera d’exercer pendant un certain temps encore- un effet négatif sur les prix des métaux.
Quant à la deuxième question, tout indique que le prix de l’or n’a pas encore atteint son plus bas probable. Ceux qui pensent que le prix de l’or devrait durablement remonter, en raison de la création monétaire massive pratiquée par les banques centrales comme de la possibilité d’un prochain dérapage inflationniste majeur, se trompent. Etant donné que la grande masse des agents économiques, voyant les perspectives d’amélioration de leur situation patrimoniale s’éloigner du fait d’une répression fiscale et financière impitoyable comme de la stagnation économique, n’emprunte plus (les banques devant consolider leurs fragiles bilans ayant par ailleurs cessé de prêter). Sans compter que l’essentiel de la création monétaire restant dans la « trappe à liquidités », parce que systématiquement replacée par les banques privées qui la reçoivent auprès des banques centrales ou bien en achats d’obligations d’Etat, moyennant une rémunération actuellement non négligeable, n’entre pas dans l’économie réelle (sauf la partie assez limitée qui alimente la bulle des actions jusqu’à ce que cette dernière explose lorsqu’elle apparaitra comme complètement déconnectée de la réalité économique, ce qui aggravera alors encore un peu plus la situation des investisseurs, avec le risque de liquidations d’or supplémentaires pour couvrir les pertes sur les actions comme en 2008-2009). Quant aux achats d’or physique de la part des banques centrales des BRICS, qui ont d’ailleurs commencé de nettement diminuer et même de s’inverser, ils n’ont que peu impacté le prix mondial de l’or, métal qui est actuellement loin de se trouver en situation de pénurie.
Nous pensons que le prix de l’or pourrait chuter progressivement en dents de scie vers son coût global de production, qui doit se situer entre 800 et 950 dollars US l’once voire plus bas pour certaines régions (l’argent-métal chutant quant à lui entre 8 et 10 dollars US l’once). Ce qui, mettant progressivement en faillite la plupart des sociétés minières, entrainerait une baisse drastique de leur production provoquant alors une situation de pénurie durable des métaux qui, évidemment, impacterait leurs prix en les faisant ultérieurement remonter. Situation qui de toute façon, à échéance de moins d’une dizaine d’années, se produira puisque l’on va vers un épuisement progressif des réserves minières disponibles. Raisons pour lesquelles, on ne doit pas liquider l’or et l’argent-métal physique que l’on peut posséder si l’on dispose de temps mais les arbitrer, en les protégeant par des positions papiers à la baisse pour ne pas aggraver les pertes que l’on peut subir sur le physique. Positions papiers que l’on peut gérer à moindre coût avec la flexibilité voulue, voire abandonner pour le cas où l’or étonnamment remonterait à court terme. D’où l’intérêt de pratiquer des stratégies « long+short » et non plus « long-only » permettant, en principe, de tirer profit aussi bien de la hausse que de la baisse des prix de n’importe quel actif.
On peut donc s’attendre à ce que la reprise récente des prix de l’or et de l’argent-métal, motivée par la faiblesse du dollar US pour cause de guerre budgétaire entre l’administration démocrate et le Congrès républicain US, tourne rapidement court lorsque le short-covering actuel de certaines positions papiers se terminera et que le dollar US se reprendra. Notre objectif de reprise minimum de l’US Dollar Index étant (le support à 79 ayant tenu) de 82,50 d’ici fin 2013 (soit 1,31 sur l’euro/dollar). A noter, par ailleurs, que toute cassure à la hausse des 82,50 entrainerait une hausse durable très importante du billet vert. Évidemment, la hausse du dollar US que nous escomptons, ayant un effet baissier sur les prix de la plupart des matières premières et le pétrole brut en particulier, casserait toute anticipation inflationniste. Ce qui serait positif pour les obligations US, mauvais pour les actions US mais désastreux pour les métaux précieux.
A moins que le dollar US -ce qui est fort peu probable dans les mois qui viennent, les situations économiques et d’endettement de la zone euro et du Japon étant bien plus dégradées que celle des USA (dont le déficit budgétaire pour 2013 se situant vers 4,1% du PIB a atteint son plus bas depuis 2008) avec les effets négatifs correspondants sur l’euro et le yen- commence une chute, qui, tant qu’elle durerait, pousserait les prix des métaux précieux à la hausse sans que l’on puisse dire actuellement jusqu’où. Ce n’est pas notre scénario qui postule au contraire que les niveaux de 1.360 (pour l’or) et de 23 (pour l’argent-métal) dollars US l’once constituent -à notre avis- des résistances techniques à la hausse pour longtemps quasi infranchissables. D’autant qu’une chute libre du cours du dollar US n’arrangeant personne serait rapidement contrée par une action résolue de l’ensemble des banques centrales, puisque nous vivons dans un Système de politiques de planification centrale monétaire que la Federal Reserve, la BCE, la Banque du Japon et quelques autres, s’obstinent à poursuivre, même si elles ne parviennent pas à assurer la transmission de la création monétaire massive et de la fixation de taux d’intérêt zéro à l’économie réelle, puisque ni la croissance ni l’inflation ne reviennent.
Ce que Ludwig von Mises avait parfaitement anticipé lorsqu’il écrivait : « Un boom d’expansion du crédit doit inévitablement conduire à un processus que le discours commun appelle dépression… La dépression n’étant en fait qu’un processus de réajustement, de remise en ligne des activités de production avec l’état réel des données du marché… Toute tentative de substituer des moyens fiduciaires à des biens capitaux inexistants est vouée à l’échec… Il n’y a aucun moyen de soutenir un boom économique résultant de l’expansion à crédit. L’alternative est ou bien d’aboutir à une crise plus tôt par arrêt volontaire de la création monétaire, ou bien à une crise plus tard avec l’effondrement du Système monétaire qui est en cause… Le résultat de l’expansion du crédit est un appauvrissement général ». D’où il concluait que « Les crises économiques sont provoquées par les politiques monétaires expansionnistes des banques centrales ».
De telle sorte que la probabilité de défaut par certains Etats sur le paiement de leurs dettes publiques (situation des pays centre et sud-européens ayant abandonné leurs monnaies nationales au profit du carcan de l’euro -un deutschemark-bis principalement géré selon les critères restrictifs de la Bundesbank et des traités européens dont l’architecture reste bancale- mais en aucun cas des USA dont la création monétaire nationale n’a pas d’autre limite que leur bon vouloir -leurs créanciers internationaux étant durablement piégés dans le marché obligataire US qui n’a pas de concurrent-) pourrait provoquer de nouvelles crises dépressives qui n’auraient pas d’effet haussier sur le prix de l’or. Mais tout au contraire entraineraient sa baisse additionnelle en raison de leurs conséquences déflationnistes. Idem pour le cas où, en sens inverse, un ralentissement des « Quantitative Easings » était décidé par certaines banques centrales. Parce que, dans cette hypothèse, une remontée des taux d’intérêt se produirait et que, en période de hausse des taux (courts surtout), l’or -qui ne rapporte pas de rendement fixe mais coûte à détenir- a généralement tendance à baisser.
Quant à la réforme éventuelle du Système monétaire et bancaire international, que certains analystes voient se résoudre par le rétablissement de l’étalon-or (sous une forme ou sous une autre), nous n’y croyons pas tant que les USA conserveront leur avantage de « leadership » politico-monétaire et que les autres « puissances » (zone euro-Allemagne, Russie, Chine, Japon) ne décideront pas d’établir une parité fixe entre les monnaies qu’elles émettent et l’or qu’elles détiennent. Si un jour, l’on revenait à l’étalon-or, ce qui serait évidemment souhaitable à maints égards, ce serait, parce que le prix de l’or aurait explosé à la hausse et donc que le cours du dollar US se serait effondré, et non pas parce les pouvoirs publics (Etats et banques centrales) auraient décidé d’y revenir. Nous sommes, hélas pour les investisseurs en métaux précieux comme pour le retour à l’équilibre du Système monétaire et bancaire international, via le rétablissement d’une monnaie saine gagée sur l’or ou le bimétallisme, loin de cette configuration dont la probabilité à court ou moyen terme est faible. Étant donné que les USA n’ont pas intérêt à renoncer au « privilège exorbitant » que leur confère leur dollar, à la fois monnaie nationale et monnaie de réserve mondiale leur permettant de vivre à crédit sur le dos du reste du monde, et que leurs créanciers étrangers n’ont ni les moyens ni la volonté de s’y opposer. Les partenaires des USA en matière monétaire, comme dans le cas des écoutes illégales au regard du droit international de la NSA et de beaucoup d’autres manifestations de l’impérialisme américain devenu Big Brother, « sont cocus mais contents » comme le dit la chanson ! Et les Européens s’apprêtent même à signer un accord de libre-échange transatlantique avec Washington qui achèvera de ruiner le commerce extérieur et intérieur de la plupart des pays-membres de la zone euro… N’est pas De Gaulle qui veut !
-Les problèmes structurels reviennent en force pour la zone euro mais les USA vont mieux grâce aux Républicains (qui stoppent le plus possible Obama dans son délire keynésien de dépenses tous azimuts) :
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http://online.wsj.com/news/articles/SB10001424052702304527504579168113091545256
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http://www.moneynews.com/Markets/central-bank-Russia-gold/2013/10/30/id/533848
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http://online.wsj.com/news/articles/SB10001424052702304470504579163871056778000
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http://www.thetechnicaltraders.com/precious-metals-gold-silver-and-miners-are-trapped/
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http://fr.finance.yahoo.com/actualites/strat%C3%A9gie-fed-ne-devrait-coincer-081300776.html
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Pour le cas quasi évident où la NSA travaillerait pour fa Federal Reserve US, laquelle travaille pour les grandes banques privées US qui en sont d’ailleurs les propriétaires, sans compter qu’Obama aurait cette semaine ordonné à la NSA de cesser d’espionner la Banque Mondiale, le FMI et la BIS, on comprend aisément pourquoi il est si facile aux Goldman Sachs et autres JPMorgan Chase ou ML Bank of America de manipuler à leur gré tous les actifs financiers puisqu’ils savent à l’avance ce que les principaux intervenants vont faire sur les marchés et quelles sont leurs postions… Bref, un gigantesque délit d’initié mondial serait commis en permanence par le Big Brother de Washington. Si les dirigeants européens, asiatiques et autres n’étaient pas les serviteurs consentants et zélés des intérêts US (qui ne sont pas du tout les leurs), tous ces gens (dirigeants des grandes banques US et responsables des services secrets comme de l’Administration US) devraient être immédiatement mis en examen par les pouvoirs judiciaires européens et asiatiques.
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http://www.businessinsider.com/obama-orders-nsa-to-stop-spying-on-the-world-bank-imf-2013-10
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La NSA espionne aussi le Pape François, pour le cas où Obama voudrait savoir ce que le Souverain Pontife dit à Dieu quand il parle avec lui… puisque à l’évidence le locataire de la Maison Blanche n’est pas en relation avec la Divinité…
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http://www.businessinsider.com/report-nsa-spied-on-vatican-2013-10
SOURCE ET REMERCIEMENTS: FORUM MONETAIRE DE GENEVE
http://www.forum-monetaire.com/?p=10090
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Excellent article!