Commentaire de Marché

Marchés : Corrélations totalement inhabituelles Par Andreas Hofert

Marchés : Corrélations totalement inhabituelles Par Andreas Hofert

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Certains cours d’actifs qui ont d’ordinaire des trajectoires inverses peuvent aujourd’hui évoluer dans une même direction.

 «Les actions et les obligations évoluent-elles sur la même planète?» Voilà ce qu’un de mes collègues d’une banque d’affaires américaine se demandait la semaine dernière, dans une note de recherche à ses clients. C’est une bonne question, en effet. Merci de l’avoir posée! Tandis que l’indice S&P 500 a franchi le seuil des 2000 points, le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans flirtait avec les 2,30%, au plus bas depuis la mi-2013.

Certes, les actions de la zone euro n’atteignent pas des sommets historiques, mais elles sont quasiment au plus haut depuis cinq ans. Pendant ce temps, le rendement du Bund allemand à 10 ans est inférieur à 1% depuis maintenant quatre semaines. Il est même tombé ponctuellement sous 0,9%.

De plus, si vous voulez que l’Etat allemand accepte votre argent pour une durée de deux ans, vous devez lui payer un intérêt de presque 0,05% par an, presqu’autant que le taux demandé par l’Etat suisse. Même les rendements souverains à 2 ans de l’Italie et de l’Espagne sont désormais proches de zéro, à défaut d’être négatifs, alors que leurs marchés d’actions surperforment les actions européennes dans leur ensemble depuis le début de l’année. Il y a manifestement quelque chose qui cloche par rapport aux schémas traditionnels. Des marchés d’actions qui montent sont d’habitude le signe d’un optimisme à l’égard de l’économie, tandis qu’une baisse des rendements des emprunts d’Etat est généralement annonciatrice de turbulences à venir. Pourtant, cela n’est pas nécessairement valable dans l’environnement de l’après-crise financière. Je n’irais pas jusqu’à dire «cette fois, c’est différent», ces fameux cinq mots qui mènent toujours au désastre. Toutefois, depuis que le marché américain d’actions a touché le fond il y a environ quatre ans et demi, on observe une corrélation positive très forte entre des cours d’actifs qui sont habituellement non-corrélés, voire qui ont d’ordinaire une trajectoire inverse. Le fait que les cours des emprunts d’Etat et des actions évoluent à l’unisson (ce qui signifie que les taux d’intérêt et les cours des actions évoluent de manière opposée) peut s’expliquer par la schizophrénie ou le cloisonnement des acteurs du marché (d’où la métaphore de «l’autre planète»). Pourtant, à mon avis, il y a une raison bien plus simple et plus terre à terre: les injections massives de liquidités par les Banques centrales, notamment par la Réserve fédérale américaine. En juillet 2014, le bilan cumulé de la Fed, de la Banque centrale européenne (BCE), de la Banque du Japon (BoJ), de la Banque d’Angleterre (BoE) et de la Banque nationale suisse (BNS) s’élevait à 11 000 milliards de dollars américains. C’est 2,5 fois plus (!) qu’en juillet 2008 lorsque cette somme avoisinait 4500 milliards de dollars. A présent, alors que la Fed prend congé de son troisième programme d’assouplissement quantitatif (QE3), qui devrait être fini en octobre et que la BoE est de plus en plus susceptible de relever ses taux d’intérêt avant la fin de l’année, de nombreux acteurs du marché se demandent avec inquiétude si l’ère de l’argent facile est révolue. Si tel était le cas, on pourrait assister à une certaine «normalisation» du comportement des actifs. Reste à savoir si les grandes Banques centrales lèveront vraiment le pied de l’accélérateur. Depuis la semaine dernière, nous savons que la BCE prépare un nouvel accroissement de son bilan. Elle est la seule grande Banque centrale qui a vu son bilan se réduire de plus de 1000 milliards d’euros ces deux dernières années, ce qui peut expliquer pourquoi les tensions sur les prix dans la zone euro sont si faibles. En outre, compte tenu de la fragilité de l’économie japonaise, il n’y aurait rien d’étonnant à e que l’expansion monétaire mise en œuvre dans le cadre de la politique économique du gouvernement Abe se poursuive au-delà de son objectif officiel. 

Enfin, à ceux qui doutent que la politique monétaire puisse devenir encore plus extrême que celle observée depuis cinq ans, je recommande la lecture d’un article de Mark Blyth et Eric Lonergan dans la dernière édition de Foreign Affairs, intitulé «Print Less but Transfer More – Why Central Banks Should Give Money Directly to the People» (Imprimer moins mais redistribuer davantage – Pourquoi les Banques centrales devraient distribuer de l’argent directement à la population).

Les auteurs y défendent «l’argent déversé par hélicoptère», une célèbre métaphore dont la paternité est attribuée à Milton Friedman et qui a été reprise plus tard par le président de la Fed Ben Bernanke. Si cette solution, qui relève de la science-fiction, était réellement mise en œuvre, elle garantirait certainement que les emprunts d’Etat et les actions restent sur la même planète.

ANDREAS HÖFERT Chef économiste UBS Wealth Management/ Agefi Suisse 9/9/2014

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