Réjouissez-vous avec la nouvelle Maison des Saoud

Par Pepe Escobar – Le 8 mai 2015 – SourceAsiatimes
Il est fascinant de voir la vaste armée bien rétribuée des lobbyistes occidentaux chantant les louanges d’uneinstitution traditionnelle et conservatrice, alias la Maison des Saoud, se lançant maintenant dans une nouvelle politique étrangère affirmée.
Comme cela concerne la matrice idéologique de toutes les variantes salafistes-djihadistes dans la galaxie démente de l’extrémisme wahhabite, je l’appellerais plutôt une mise à jour de la règle de Mob [gang, NdT]. Loin d’être aussi divertissante que la saga du Parrain de Coppola, mais certainement plus sinistre.
Imaginez l’indignation, diffusée jusqu’aux galaxies lointaines, si cela se déroulait chez des adversaires certifiés pur sucre de l’Empire du Chaos comme l’Iran, le Venezuela, l’Équateur, la Russie ou la Chine. Mais comme la Maison des Saoud est notre bâtard [le Secrétaire d’État (de Roosevelt), Sumner Welles, a dit : «Somoza est un bâtard!» Et Roosevelt a répondu: «Oui, mais c’est notre bâtard.»] complet avec un ministre, Ali al-Naimi, capable de dire que Dieu doit fixer le prix du pétrole, ils peuvent s’en sortir avec tout ce qu’ils veulent.
Le nouveau capo di tutti I capi de la Maison des Saoud, le roi Salman, le Serviteur des Deux Saintes Mosquées, doit avoir peaufiné son personnage d’Al Pacino pour apprendre à être rapide comme un coup de poignard. Leçon apprise; en un seul mouvement, il a réalisé ce qui suit.
Il s’est débarrassé de son demi-frère et prince héritier en titre, Muqrin. Muqrin a dûment prêté allégeance au nouveau patron.
Il a promu son neveu, le prince Mohammed ben Nayef, du rang n°3 au n°2 dans la ligne de succession de la Maison des Saoud.
Il a promu son propre fils, le Prince Mohammed bin Salman, au rang n°3.
Il s’est débarrassé de l’ancien, et éternel, ministre des Affaires étrangères, le prince Saoud Al-Fayçal, remplacé par le chouchou de Washington, le non-royal Adel al-Jubeir, qui comme ambassadeur aux États-Unis a été la voix, en anglais, pas perdue dans la traduction, de la guerre illégale de l’Arabie au Yémen.
Il a donné à toutes les forces militaires et de sécurité un bonus de salaire de un mois.
Il a séparé le ministère saoudien du Pétrole, de l’ARAMCO, la compagnie pétrolière appartenant à l’État. Il a essayé d’équilibrer les comptes – en particulier avec la guerre du prix du pétrole, provoquée par l’Arabie saoudite et qui ne va nulle part ; la guerre ridiculement chère au Yémen ; et tous ces énormes bonus pour contenter ses sujets ; après tout, pratiquement tout le monde dans l’hacienda du pétrole travaille pour la Maison des Saoud. C’est le fils de Salman, Mohammed bin Salman, qui est venu avec cette idée de séparation du ministère du Pétrole et de l’ARAMCO.
Mariages mafieux, remixage.
Voici ce que le monde a besoin de savoir à propos de la mise à jour de la règle de Mob <emi [la Mafia].
Commençons par le jeune Prince Mohammed bin Salman. (Qui ne l’aimerait pas? Les hagiographes occidentaux flagorneurs spéculent allègrement sur son âge comme s’il était une demoiselle précieuse dans la détresse et pas un gros baiseur à la barbe noire. Tout va bien, mais pas à plus de 35 ans.)
Le Royal Juvénile exerce un pouvoir énorme et, en tant que ministre de la Défense, il a poursuivi illégalement les bombardements, la guerre et les opérations cinétiques [massacres humanitaires à grande échelle, NdT orwellien] sur le Yémen. Le roi lui-même vantait ses capacités massives. Des sources saoudiennes me disent qu’il est le résultat (incomplet) issu du croisement de Dr. Evil et Mini-Me, sans le scénariste Austin Powers pour rattraper le coup. Bien qu’il soit une star de la pop et une célébrité de la télévision à l’intérieur du cartel de la mafia, il n’a pu convaincre absolument personne – de l’Egypte au Pakistan – d’envoyer des troupes pour sa guerre.
Dans son nouveau rôle de n°3 , selon le narratif officiel, il a gagné le soutien de la grande majorité des membres du Conseil d’allégeance. Le mot clé ici estvaste majorité. Cela implique que le clan de Muqrin était un peu mal à l’aise. Le Conseil d’allégeance est un groupe de 35 descendants du fondateur de la Mafia Saoud, le roi Abdul Aziz bin Saud.
Le Royal Juvénile, selon sa biographie officielle, a eu une trouble carrière professionnelle de 10 ans mais ensuite – miraculeusement – il est devenu un conseiller spécial de son père, alors gouverneur de Riyad. Il a été nommé ministre de la Défense et chef de la cour royale le même jour, le 23 janvier, quand Salman devint roi, après la mort de l’ancien roi Abdullah, dont toute la famille clanique a été complètement effacée politiquement.
Mohammed bin Nayef, 55 ans, le nouveau prince héritier, est très aimé dans le Beltway [repaire du QG de la Mafia US à Washington DC, NdT] comme une sorte de premier flic Arabie et un dur dans la lutte contre le terrorisme. Il aurait vaincu al-Qaïda à l’intérieur de l’Arabie Saoudite juste pour qu’elle puisse se regrouper au Yémen et maintenant, à toutes fins utiles, profiter de l’aide indirecte de Mob [la Mafia Saoud], ajoutant un nouveau sens à la notion de mariée à la Mob. Son père d’extrême-droite, l’ancien prince héritier Nayef, a été affublé du surnom pittoresque de Prince Noir.
Comme le nouveau numéro deux, Nayef sera un type occupé – car il reste à la tête du conseil économique et de développement, il a également été nommé deuxième vice-Premier ministre. À toutes fins pratiques, il est le nouveau mec en vue dans Mob.
Quant à al-Jubeir, il a été salué par les suspects habituels pour avoir été nommé grâce à son expertise dans la politique américaine. C’est un non-sens ; al-Jubeir a été directement nommé par Washington.
Dans ce ballet, c’est le silence de Muqrin qui en dit long. Il est le fils d’une esclave yéménite ; il était un protégé privilégié de feu le roi Abdullah ; et n’est pas exactement proche du clan Salman de la Mob, les Sudairis. Les paris sont ouverts sur le moment où il va finalement renverser l’échiquier, si jamais il le fait, par ce qui s’appelle, et fonctionne comme, une révolution de palais.
Quelle est la stratégie aujourd’hui ?
Quelle que soit la portée de la secousse, la nouvelle Maison des Saoud – avec l’administration Obama deus ex machina – va continuer à vendre la fiction qu’elle libère le Yémen d’une bande de terroristes, quand elle renforce en réalité al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQAP). Ce sont les féroces ennemis de l’AQAP – les Houthis – qui ont été bombardés sous les ordres du Royal Juvénile, pas l’AQAP.
Sans oublier le fait que la Mob remaniée – avec un peu d’aide de ses amis qataris et turcs – s’assure que le Front Nusra (sous-produit syrien d’Al-Qaïda) et ISIS / ISIL / Daesh (qui à l’origine est séparé d’al-Qaïda) avancent sur tous les fronts à travers Syraq.
Et au-delà de la portée de la secousse, comme l’ont déjà remarqué les Israéliens rusés, la doctrine auto-portraitisée de l’administration Obama Ne faisons pas de conneries suivra assidûment les mantras alambiqués de la Mob, ou pas loin. Comme s’il y avait une cohérence à soutenir les djihadistes porno en Syrie et bombarder les djihadistes porno en Irak ; à soutenir les djihadistes porno au Yémen et en Libye, puis à réprimer les djihadistes porno en Libye, et vogue la galère.
Ce qui rend tout cela encore plus absurde est que la nouvelle Maison des Saoud déteste absolument la stratégie de Washington en Irak et ne croit pas une seconde qu’il y a une stratégie pour la Syrie. Quant à sa propre guerre alambiquée au Yémen, il s’agit beaucoup moins de wahhabites haïssant les apostats chiites que de wahhabites imperméables à toute bouffée de printemps arabe près de leurs frontières.
La règle de Mob est en vigueur depuis 1902, renforcée par le fondateur Ibn Saud Abdul-Aziz, et ses fils. Le roi Salman sera le dernier de ses fils au pouvoir. Le Royal juvénile aiguise déjà ses dagues. Attendez-vous à ce que les médias corporatifs occidentaux le rendent plus populaire que Justin Bieber.
Pepe Escobar
Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009) et le petit dernier, Empire of Chaos (Nimble Books).
Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone.
http://lesakerfrancophone.net/rejouissez-vous-avec-la-nouvelle-maison-des-saoud/
Le sacre de deux cadets
PAR LUIS LEMA/ Le TEMPS 30/4/15
Le roi d’Arabie saoudite chamboule la ligne de succession Le roi Salman chamboule la ligne de succession. Les ministres de l’Intérieur, Mohamed ben Nayef, et de la Défense, Mohamed ben Salman, confirment leur rôle central. Le premier devient prince héritier
Deux noms viennent de sortir de la boîte noire que forme le pouvoir saoudien. D’un côté, celui du ministre de l’Intérieur, Mohamed ben Nayef (55 ans), qui est devenu désormais le prince héritier du royaume. De l’autre côté, celui du ministre de la Défense, le trentenaire Mohamed ben Salman (son âge exact est inconnu), hissé à la deuxième place dans l’ordre de succession. L’armée, la lutte contre le terrorisme, la répression de l’opposition… Les deux hommes tenaient déjà entre leurs mains l’essentiel du pouvoir. Il est maintenant devenu incontestable.
C’est mercredi aux premières heures que le roi Salman a annoncé le sacre des deux hommes. Ecarté, dans la foulée, Saoud al-Fayçal, celui qui a dirigé la diplomatie saoudienne pendant quatre décennies; oublié, aussi, le prince Muqrin, 69 ans, qui était censé succéder au roi Salman; écartée, enfin, la seule femme qui occupait un poste (de vice-ministre de l’Education) dans le gouvernement saoudien… «Je pense qu’en vérité, ce remaniement est plus significatif que ce qui avait été annoncé fin janvier, lors du couronnement du roi Salman», affirme Adam Coogle, chargé de ce pays pour l’organisation Human Rights Watch.
Entre-temps, l’Arabie saoudite est entrée en guerre au Yémen, notamment contre les forces houthistes, perçues par Riyad comme des simples pions de l’Iran dans la région. Entre-temps, le pays a aussi durci encore davantage sa lutte contre le terrorisme à l’intérieur des frontières du royaume. Simple hasard? La veille même de ce remaniement, les services de sécurité saoudiens lançaient la plus vaste opération antiterroriste en date et arrêtaient une centaine de personnes soupçonnées de préparer des attentats contre l’ambassade des Etats-Unis à Riyad pour le compte de l’organisation de l’Etat islamique.
«Ben Salman a eu sa guerre au Yémen, et Ben Nayef a ses ennemis à combattre à l’intérieur: tout pour rendre les deux hommes impossibles à déloger», commente cyniquement un diplomate familier du royaume saoudien.
Chargé de tout ce qui touche à la sécurité nationale, Mohamed ben Nayef a été le protagoniste de la riposte lancée contre Al-Qaida, qui avait pris pour cible l’Arabie saoudite – après avoir été financée par elle – au début des années 2000. Formé aux Etats-Unis, très proche des Américains, le ministre est aussi à l’origine des dispendieux programmes de «déradicalisation» qui visent à détourner du terrorisme les jeunes Saoudiens tentés par Al-Qaida ou par l’Etat islamique. Mais le rôle du nouveau prince héritier, farouche pourfendeur des Frères musulmans, s’étend bien au-delà: Syrie, Irak, Liban, Egypte, Qatar… «Les distinctions entre la politique intérieure et étrangère n’ont pas beaucoup de pertinence dans le royaume», souligne le même diplomate.
A l’inverse de son aîné, Mohamed ben Salman fait figure de jeune inexpérimenté. Le prince est, assure-t-on, le fils favori du souverain Salman, qui a 79 ans. Il devra attendre un tour avant un futur accès au trône.
L’abrupte mise à l’écart du prince Muqrin signifie un passage direct vers la nouvelle génération des dirigeants saoudiens – celle des petits-enfants d’Ibn Saud, le fondateur du royaume. Mais, dans ce pays de tribus, elle signifie aussi un «recentrage» du pouvoir sur le seul clan des Soudairi, qui proviennent de Nejd, le lieu d’origine du wahhabisme. Alors que le clan des Soudairi a réussi jusqu’à présent à imposer sans trop de heurts une certaine mainmise sur le pays, cette réalité risque d’être plus difficile à faire accepter parmi les milliers de princes de la nouvelle génération (des cousins plus ou moins lointains des deux Mohamed) qui pourront être tentés de réclamer eux aussi une part du pouvoir.
«Du point de vue du respect des droits de l’homme, ce remaniement est une mauvaise nouvelle, poursuit Adam Coogle. Jusqu’ici, il y avait encore un espoir que les choses puissent évoluer différemment. Mais toute ouverture est maintenant verrouillée», dit-il.
L’Arabie saoudite a été pointée du doigt ces derniers mois pour le traitement de ses opposants, à l’instar du blogueur Raef Badaoui, condamné à 1000 coups de fouet et à 10 ans de prison pour «insulte envers l’islam»: un dossier qui dépend directement de Mohamed ben Nayef. Quant à la guerre au Yémen, menée par Mohamed ben Salman, «il est pour l’instant difficile d’y voir autre chose qu’un immense désastre humanitaire», conclut Adam Coogle.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/ede7c0a0-eea8-11e4-8a43-4ad205b10b56/Le_sacre_de_deux_cadets
Barack Obama peinera à rassurer ses alliés
PAR LUIS LEMA/ Le TEMPS 13/5/15
Les monarchies du Golfe critiquent la «naïveté» de la politique menée par Barack Obama dans la région Face à l’Iran, les Etats arabes du Golfe veulent des garanties.
Et si, demain, l’Irak envahissait le Koweït, que feraient les Etats-Unis? Réuniraient-ils une armada pour libérer ce minuscule pays, comme ils l’avaient fait en 1991 contre Saddam Hussein? La question peut sembler farfelue. Mais, pour les pays arabes du golfe Persique, il suffit de remplacer aujourd’hui «Irak» par «Iran» pour que ce thème revête une actualité brûlante.
A quoi pense la grande puissance américaine? C’est pour rassurer ses alliés dans la région (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar, Koweït, Oman et Bahreïn) que Barack Obama a décidé de les inviter tous à partir de ce jeudi à Camp David, dans sa résidence secondaire. L’invitation date de mars dernier: Washington venait de conclure un accord de principe avec Téhéran dans le dossier du nucléaire, qui pourrait redonner à l’Iran sa place «dans le concert des nations». Qui pourrait surtout, craignent en fait les Etats du Golfe, alimenter ses coffres asséchés par les sanctions internationales et lui donner ainsi davantage de moyens pour mener ses guerres de proximité contre les Etats arabes sunnites.
C’est donc dans une ambiance d’amants trompés que devrait s’ouvrir cette réunion, une première dans ce cadre. Signe du malaise: la présence exclusive pendant une journée entière du président des Etats-Unis n’a pas suffi à convaincre le souverain saoudien Salmane de rejoindre l’assemblée, après avoir laissé entendre l’inverse. A 79 ans, le monarque n’est peut-être pas très enclin aux longues promenades dans les bois de Camp David. Et ce, surtout s’il est accompagné du commun des dirigeants des autres Etats du Golfe, parmi lesquels «le serviteur des deux saintes mosquées» (c’est son titre officiel) a toujours revendiqué une place à part.
Par ailleurs, d’autres chefs d’Etat, vieux ou malades, se sont aussi fait excuser. «Etant donné les objectifs de la réunion, et le caractère technique des discussions, ce sont les bonnes personnes qui se rendront à Camp David», nuance cependant Christian Koch, directeur du Gulf Research Center à Genève, en minimisant la portée de ces absences au plus haut niveau.
De fait, aussi bien l’Arabie saoudite (qui sera représentée notamment par Mohamed ben Nayef, le successeur désigné du roi et réel «homme fort» du pays) que le Qatar ou le Bahreïn enverront à la réunion de Camp David des membres de la nouvelle génération. Autant de princes héritiers qui, en réalité, dictent déjà une bonne partie de la politique de ces Etats, notamment lorsqu’il s’agit de contrer les appétits supposés de l’Iran dans la région.
Résultat: au Bahreïn, en Syrie et désormais au Yémen, où une coalition arabe a pris les armes contre l’avancée des houthistes (soupçonnés d’être épaulés par l’Iran), les Etats du Golfe ont commencé de montrer des signes d’émancipation vis-à-vis du grand parrain américain.
«Vu d’Arabie saoudite, toute la région est en train d’imploser, à cause notamment de la grande naïveté dont fait preuve l’administration américaine vis-à-vis de l’Iran», affirme Christian Koch. Il poursuit: «Barack Obama ne pense qu’à la conclusion de l’accord sur le nucléaire [prévu le 30 juin]. Mais en attendant, il laisse faire l’Iran, sans exiger de lui le moindre geste concret, que ce soit en Syrie ou au Yémen.»
Rassurés, les Etats du Golfe auraient voulu l’être en bonne et due forme, par le biais, rêvaient-ils, d’une alliance militaire qui aurait fonctionné sur le modèle de l’OTAN, une attaque contre l’un des membres signifiant des représailles de tous les autres. Or, pour Washington, il n’en est pas question. D’abord parce que la région est trop mouvante, mais surtout parce que ce privilège est réservé au seul Etat d’Israël. Le Congrès et les lobbies pro-israéliens veillent.
Ce sont ces réticences américaines à tout engagement écrit qui expliqueraient notamment l’absence du roi Salmane. Cette «tiédeur» de Washington éclaire aussi la rapidité de l’intervention des Saoudiens au Yémen, qui s’est déroulée en partie contre la volonté des Etats-Unis.
Une région du Golfe affranchie de la tutelle américaine? Ce n’est pas pour demain. A Camp David, on insistera notamment sur la nécessité de collaborer dans le domaine du renseignement: les cyberattaques menées par l’Iran effraient désormais tout autant ces pays qu’une guerre conventionnelle.
Mais surtout, les monarchies du Golfe réclament davantage d’armes hautement technologiques. Avec un budget militaire annuel estimé à 80 milliards de dollars (six fois plus que l’Iran), l’Arabie saoudite reste l’un des meilleurs débouchés pour les armes américaines, et pour les instructeurs militaires nécessaires pour les faire fonctionner
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/4dc8316a-f8dd-11e4-a492-3cf978da05db
Personne ne peut fixer le prix du pétrole, cela dépend d’Allah’
PAR ARNAUD LEFEBVRE · 07 MAI 2015/EXPRESS.BE
Le ministre saoudien du pétrole et des ressources minérales, Ali Al-Naimi, semble penser que ni l’Arabie saoudite, ni l’OPEP ne peuvent réellement contrôler les prix du pétrole, écrit Business Insider.
« Personne ne peut fixer le prix du pétrole, cela dépend d’Allah », a-t-il déclaré en début de semaine dans une interview à CNBC.Ali Al-Naimi occupe ce poste depuis 10 ans. De 1983 à 1995, Il a été président-directeur général de Saudi Aramco, compagnie nationale saoudienne d’hydrocarbures, la première compagnie pétrolière mondiale. L’homme est en outre considéré comme l’une des personnalités les plus influentes par la revue Time ainsi que par Bloomberg. Par ailleurs, il a insisté sur le maintien de ses objectifs de production de pétrole (30.000.000 de barils) en débit de la baisse récente des prix.
Durant les cinq années précédant le seconde semestre de 2014, le prix de l’or noir a été égal ou supérieur à 100 dollars le baril avant que les prix ne baissent de près de 50%. Cependant, les dernières semaines ont montré une légère récupération du prix du pétrole, avec comme conséquence une accalmie des tensions géopolitiques au Moyen-Orient.
Yémen: 5 clés pour comprendre un conflit qui pourrait transformer le Moyen-Orient en poudrière
PAR ARNAUD LEFEBVRE · 08 AVR. 2015/EXPRESS.BE
La guerre civile
Les Chiites du nord du pays ou « Houthis » ont accusé en 2014 le président Abd Rabbo Mansour Hadi de corruption et de manquements en ce qui concerne les accords passés. Les milices chiites ont alors attaqué la capitale et récemment, le port le plus important, Aden, et ont obligé le président à se réfugier en Arabie Saoudite. Les Houthis ont comme allié l’ancien président dictateur Ali Abdalah Saleh. Les Houthis ont eux-mêmes participé au renversement de ce dernier en 2011 après ses 32 années de gouvernement. L’armée du Yémen est loyale à Saleh.
Chiites contre Sunnites
L’Iran est un pays chiite. Par conséquent, il est aisé de supposer que ce pays aide les milices au Yémen car il possède des volontés expansionnistes. L’Iran a signé un accord nucléaire avec la ville de Lausanne. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a mis en garde récemment contre l’existence d’un axe « Iran-Lausanne-Yémen » qui est « un danger pour l’humanité » qui doit être stoppé. Netanyahu fait allusion aux conversations en cours à Lausanne et aux rebelles chiites Houthis soutenus par L’Iran qui dominent une partie du Yémen. L’Iran soutient les Chiites et l’Arabie soutient les Sunnites. Par conséquent, les pays de la Ligue arabe (Arabie Saoudite, Qatar, Bahreïn, Koweït, Emirats arabes unis, Egypte, Jordanie, Maroc, Soudan et Pakistan avec l’appui de la Turquie) ont créé une coalition politico-militaire, définie et proposée auparavant mais jamais matérialisée, explique le site d’actualités argentin visionfederal.com. « Les assistants ont indiqué que le fondamentalisme islamique en était la première raison. Néanmoins, la décision de former cette coalition ne trouve pas son origine dans les attaques d’Al Qaeda ou de l’Etat islamique au sein de plusieurs pays de la Ligue des Pays Arabes. Il s’agit davantage d’une réponse face à l’Iran chiite et à son éventuel intervention dans la guerre civile du Yémen. Ainsi, la Ligue arabe pourrait être comprise comme la Ligue arabe sunnite », conclut le média.
Opération « Tempête de fermeté »
L’Arabie saoudite a lancé le 25 mars dernier une série de bombardements sur le Yémen. La décision de la Ligue arabe de participer activement à ce conflit à déboucher sur l’ « Opération tempête de fermeté », un signal claire envers l’Iran et l’Occident. Comme l’explique l’Institut de recherche des médias du Moyen-Orient (MEMRI), Téhéran réfléchira maintenant davantage avant de s’attaquer à un autre pays arabe car pendant des années, il n’a jamais existé d’action militaire arabe commune face à un ennemi commun.
Par ailleurs, le MEMRI reprend les propos du journal de Bahreïn Akhbar Al-Khaleej : « Cette surprise militaire est une démonstration de la détermination, de l’assertivité et de l’opposition absolue de tous les pays arabes aux conspirations étrangères qui interfèrent dans nos affaires – principalement l’ingérence provocatrice de l’Iran ». L’influence expansionniste de l’Iran est un domino, a expliqué Mustafa Alani du Centre d’Investigation du Golfe au Washington Post. « Cela a commencé avec le Liban, la Syrie et l’Irak. Maintenant, le Yémen est la première tentative pour arrêter ce domino. La région se réveille et il existe une contre-stratégie. Il ne s’agit pas seulement du Yémen, il s’agit de modifier la balance de pouvoir dans toute la région ».
Cependant, le coût de cette opération qui n’a pas reçu le soutien de la population yéménite est très élevé, Selon El Nuevo Herald, après plusieurs jours d’attaques aériennes, l’ONU a recensé 93 civiles morts et 364 blessés dans des villes en proie à la violence. En outre, plusieurs médias ont critiqué le manque de précision de ces attaques qui auraient également visé des camps de réfugiés, des établissements scolaires, des quartiers résidentiels et des centrales hydroélectriques. Selon l’Unicef, plus de 60 enfants auraient été tués et 30, blessés.
Combien de temps durera cette opération ?
Personne ne le sait vraiment. Selon l’analyste chilien Raul Sohr, « dans la presse iranienne, on parle de l’Afghanistan saoudien » qui réfère à une guerre semblable à celle des Etats-Unis contre le pays asiatique pendant 12 ans sans aboutir à la victoire ». De son côté, l’Iran a lancé un avertissement en expliquant qu’il existait un risque d’étendue du conflit à toute la région et que cela revenait à jouer avec le feu. Le ministère des Relations extérieures iranien a ajouté que les opérations militaires devaient cesser immédiatement.
Le facteur Al Qaeda
Le Yémen est considéré comme la base des opérations d’Al Qaeda et une partie importante du sud-est du pays est sous l’influence de cette organisation terroriste. Il est intéressant de se demander pourquoi le groupe a réussi à occuper cette partie du territoire.
Visionfederal.com s’interroge sur les raisons qui font que personne, sauf les Etats-Unis et leurs drones, n’a réagi aux activités d’Al Qaeda au Yémen. Selon le média, « quelque chose laisse penser qu’un accord aurait été passé entre les Saoudiens et Al Qaeda en ce qui concerne le Yémen. Une espèce de champ libre ou de zone libérée au Yémen en échange d’aucune activité en Arabie Saoudite ou dans les autres monarchies du Golfe. Si bien que seuls les drones des Etats-Unis combattent Al Qaeda au Yémen ».
De fait, au milieu du chaos au Yémen, après une semaine du début de l’opération, Al Qaeda a attaqué une prison et libéré des dizaines de ses activistes. « Le groupe pourrait se convertir en l’unique bénéficiaire de la crise actuelle », indique le journal espagnol El País. En outre, l’Etat islamique qui a revendiqué l’attaque de deux mosquées à Sana faisant 154 morts, posséderait également une zone d’influence au Yémen.
Les Etats-Unis
Le 25 mars, le jour du début des attaques aériennes saoudiennes sur le Yémen, la Maison Blanche a diffusé un communiqué dans lequel le président Barack Obama autorisait l’appui logistique et d’intelligence au Conseil de coopération du Golfe. Selon la revue Foreign Policy qui cite le Wall Street Journal, les Etats-Unis serait ceux qui décident des cibles et de l’endroit des frappes. Toutefois, l’éventuelle responsabilité d’attaques de civiles n’est pas l’inquiétude principale des Etats-Unis. Le pire c’est que l’on ne sait pas vraiment pourquoi les Etats-Unis fournissent leur aide à ces attaques. Les justifications avancées par les autorités américaines sont souvent contradictoires. Dans un premier temps, il a été dit qu’il s’agissait de défendre la frontière de l’Arabie Saoudite et de protéger le gouvernement légitime du Yémen. Par la suite, le Département d’Etat a expliqué que l’intention était de promouvoir une transition politique pacifique et de partager leurs préoccupations quant aux actions agressives des Houthis. Par après, le secrétaire de presse adjoint a déclaré que le but de la campagne était de rassembler toutes les parties en conflit à une table des négociations afin de stabiliser la situation. Sur les collines du Capitole, les raisons ne sont pas claires non plus et cette situation est devenue plus évidente au travers des propos du général Lloyd Austin, commandant du commandement central du Pentagone : « Je ne sais pas actuellement quels sont les buts et les objectifs spécifiques de la campagne Arabie, et j’aurais besoin de les connaître pour être en mesure d’évaluer les chances de succès ».
Enfin, une autre explication intéressante et perspicace est celle d’Angel Guerra Cabrera dans sa colonne sur le site tercerainformacion.es : « Celui qui contrôle le Yémen contrôle le détroit de Bab-el-Mandeb qui fait communier le Canal de Suez et la mer rouge avec le Golfe d’Aden et par lequel passent plus de trois millions de barils de pétroles par jour ».
La menace d’une offensive terrestre saoudienne
PAR LUIS LEMA/ LE Temps 8/5/2015
Riyad laisse planer le doute sur un éventuel envoi de troupes au Yémen. Son armée est la plus puissante de la région, mais les risques sont énormes
Envahira, envahira pas? Le chef de la diplomatie américaine John Kerry était à Riyad jeudi dans le but d’obtenir de l’Arabie saoudite la promesse d’une trêve au Yémen, mais aussi pour mettre fin aux «rumeurs». «Ni les Etats-Unis ni l’Arabie saoudite ne parlent d’envoyer des troupes au sol au Yémen», tranchait le secrétaire d’Etat américain.
Les «rumeurs» pourtant sont persistantes. Depuis qu’elle a commencé ses opérations aériennes chez son voisin, fin mars, l’Arabie saoudite laisse la porte ouverte à une éventuelle invasion terrestre. Cette semaine, des informations, aussitôt démenties par Riyad, laissaient croire à l’arrivée de troupes d’élite saoudiennes dans la ville d’Aden, où les forces houthistes continuaient leur progression.
Surtout, alors que les bombardements se poursuivaient dans l’attente d’un possible cessez-le-feu de cinq jours, l’Arabie saoudite a entrepris une autre offensive, diplomatique celle-là, afin d’obtenir un blanc-seing international à l’envoi de troupes. C’est le gouvernement yéménite en exil à Riyad, et soutenu par l’Arabie saoudite dans sa lutte contre les Houthis, qui mène le bal. Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité de l’ONU, il exige le déploiement immédiat de forces terrestres afin de «sauver le Yémen».
L’armée saoudienne est considérée comme la plus puissante de la région (à l’exception de l’israélienne). Son budget annuel est astronomique: il dépasse les 80 milliards de dollars, soit plus de 10% du PIB. Composée de 440 000 hommes, elle est surtout une caverne d’Ali Baba de bijoux technologiques, vendus principalement par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France.
Contrats d’armement
Juste avant que John Kerry ne prie son allié de retenir quelques jours ses chasseurs bombardiers, c’est François Hollande qui était à Riyad. Au programme: la perspective d’une vingtaine de contrats, principalement dans le domaine militaire, dont le montant était évalué par les Français à «plusieurs dizaines de milliards d’euros».
Les perspectives pour le secteur de l’armement sont d’autant plus prometteuses que le souverain saoudien, le roi Salman, vient de graver dans le marbre une transformation spectaculaire de la direction du pays. Là où, auparavant, toute décision qui risquait de compromettre la stabilité du pays nécessitait l’aval des innombrables ramifications de la famille des Saoud, le pouvoir se concentre désormais principalement dans les mains de trois personnes: le roi lui-même, ainsi que ses deux héritiers, le ministre de l’Intérieur, Mohamed ben Nayef, et le responsable de la défense, Mohamed ben Salman (LT du 30 avril 2015).
«Si le roi veut envoyer des troupes au Yémen, il n’a plus besoin d’en référer à toute la famille», résumait récemment Jamal Khashoggi, analyste et directeur de la chaîne de télévision al-Arab.
Aussi puissante soit-elle, l’armée saoudienne se méfie: en 2009, elle avait déjà connu une déroute dans ce pays où pratiquement chaque homme est armé et où l’art de la guerre est cultivé depuis des décennies.
Au-delà de ses acquisitions en armement, Riyad a certes professionnalisé notamment sa garde nationale (125 000 hommes). Elle n’avait fait qu’une bouchée, par exemple, de la contestation chiite au Bahreïn, en 2011. Mais, faute de conscrits saoudiens, une partie des soldats envoyés dans le petit émirat n’étaient autres que… yéménites.
quel bordel ….