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Super Bernie : Ben Bernanke – un modèle de gestion des anticipations

Le président de la Fed, Ben Bernanke, s’est rendu au siège du Congrès américain il y a 2 semaines, dans le cadre de son allocution semestrielle devant le Comité bancaire du Sénat. Les grands axes de ses déclarations avaient fait l’objet d’une tribune dans le Wall Street Journal, où il méditait sur des stratégies de sortie de l’assouplissement quantitatif. J’ai voulu profiter des interventions plus longues et détaillées qu’à l’accoutumé du nouveau « maestro » parfait praticien des théories de Milton Friedman pour faire le point sur les lignes fortes qui structurent l’ensemble de la stratégie du Guide Suprême des marchés financiers….

PLUS DE DETAILS EN SUIVANT :

Ben Bernanke a fait observer qu’une politique monétaire accommodante pourrait rester nécessaire pendant un certain temps. Ses préoccupations pour la croissance américaine sont le marché du travail et la consommation, et il a indiqué qu’une reprise ne serait que progressive jusqu’en 2011, l’inflation demeurant modérée. Il a aussi précisé qu’un changement de politique monétaire n’interviendrait que lorsque les banques commenceraient à prêter de manière plus offensive et que la croissance du crédit reprendrait.

Ben Bernanke a rappelé que toute stratégie de sortie consisterait en un exercice de gestion du bilan de la Fed, notamment sur la manière de réduire le volume de réserves détenues par les banques américaines auprès de la Banque centrale.

 Il a fait état de quatre méthodes pour réduire le bilan de la Fed, parmi lesquelles  une hausse des intérêts sur les réserves détenues auprès de la Fed et la vente sur le marché des emprunts d’Etat à long terme détenus par la Banque centrale. Les quatre stratégies auraient pour objectif de freiner la croissance de la masse monétaire et d’accentuer la pression sur les taux.

 A court terme, il va poursuivre sa politique de soutien en élargissant, dans un premier temps, son action aux ABS hypothécaires dans le secteur de l’immobilier commercial puis, dans un second temps, à l’immobilier résidentiel. A ce titre, c’est un vrai redémarrage de la titrisation que cherche à provoquer la banque centrale. Sa réussite conforterait le financement de l’économie au sens le plus large, une condition essentielle de la reprise. Il convient de ne pas oublier qu’il existe un risque d’une une inversion trop rapide du soutien monétaire, ce qui replongerait l’économie dans la récession.

Cependant, la Fed reste également vigilante sur les effets collatéraux d’une telle injection de liquidités. En cas de nécessité, deux possibilités se présentent à elle.

 D’une part, elle pourra neutraliser les effets sur l’économie en figeant les réserves bancaires à son passif et éviter ainsi les effets multiplicateurs. Pour ce faire, elle peut augmenter le taux de rémunération de ces réserves. D’autre part, elle pourra retirer rapidement ces liquidités via des opérations de ventes fermes de titres ou des reprises de liquidités. Enfin, la banque centrale pourrait également financer ses achats d’actifs en substituant aux réserves bancaires d’autres formes de passifs. La difficulté de Ben Bernanke est désormais de rassurer les autorités et les marchés sur le fait que la banque centrale pourra contrôler l’évolution des réserves de banques et éviter un retour de l’inflation.

Dans le détail et dans le texte cela donne ceci :

Pour soutenir l’économie américaine lorsque celle-ci titubait au bord du précipice, la Fed a injecté des sommes considérables dans l’économie, au risque d’une forte expansion de la taille de son bilan, ce qui fait craindre aux économistes une reprise future de la hausse des prix.

 Bernanke a souligné que la Fed pouvait empêcher cette prédiction de se réaliser en payant des intérêts sur les réserves déposées par les banques et en réduisant le montant de ces réserves.

« Nous pourrions utiliser l’une ou l’autre de ces mesures séparément. Toutefois, pour être efficace, nous les utiliserions probablement toutes les deux en combinaison », a ajouté le patron de la Fed.

Les banques, a-t-il noté, ne vont pas s’amuser à placer leurs liquidités sur le marché monétaire à un taux inférieur à ce qu’elle pourraient obtenir en prêtant sans le moindre risque cet argent à la Fed. Ces sommes se retrouveraient ainsi de facto stérilisées et dans l’incapacité d’alimenter l’inflation.

Pour drainer les excès de liquidités,  Bernanke évoque quatre pistes:

– la Fed pourrait effectuer des adjudications « inversées » (elle céderait des obligations inscrites à son bilan en échange de liquidités).

– le Trésor pourrait vendre des obligations dont le produit serait déposé à la Fed. Ces sommes seraient dans les faits retirées du marché.

– la Fed pourrait créer des dépôts à terme rémunérés qui permettraient de geler des liquidités pendant des durées assez longues.

– la Fed pourrait vendre une partie de ses obligations à long terme sur le marché

Un long travail de pédagogie et de communication commence donc :

Si la croissance est destinée à rester déprimée jusqu’en 2011, on peut se demander pourquoi Ben Bernanke se voit obligé d’aborder la stratégie de sortie de la Fed. La réponse la plus évidente est qu’il tient sans doute à fournir un « plan de route » pour gérer les anticipations des investisseurs et éviter toute volatilité excessive sur le marché obligataire. Il  semble clair que le moment venu, la Fed choisira d’adopter une politique monétaire plus restrictive afin de renforcer la pression sur les taux à court terme. Cette option pourrait être préférée aux mesures risquant d’impacter la partie longue de la courbe des taux et de peser sur le marché immobilier résidentiel dont la fragilité devrait perdurer.

Concernant les stratégies de sortie, la question est de savoir si la Fed ne poursuit pas une politique monétaire trop laxiste(comme l’affirment  les keynésiens socialistes et les libertaires qui ne comprennent strictement rien au monétarisme) mais au contraire trop restrictive. En effet  la croissance de la masse monétaire a sensiblement ralenti sur six mois en rythme annuel, tandis que les taux réels ont augmenté avec la baisse de l’inflation, contribuant à un modeste resserrement des conditions monétaires. S’il s’agit là d’éléments dont on peut s’inquiéter, on peut estimer   que la Fed va poursuivre sa politique monétaire actuelle. Compte tenu des signes de stabilisation du marché immobilier et de l’économie, le marché obligataire pourrait faire preuve de nervosité. Mais le message du discours de Ben Bernanke est clairement que les investisseurs obligataires doivent rester calmes…

Sur un autre plan Bernanke a affirmé que le pouvoir de la banque centrale dans la régulation financière allait peu changer avec la réforme présentée par l’exécutif. «Le rôle de la Fed, tel que le conçoit l’administration, est une réorientation modeste de notre système actuel », a-t-il affirmé. «Dans le système actuel, la Réserve fédérale est l’autorité de supervision qui chapeaute tous les groupes bancaires et les sociétés financières. Donc nous sommes prêts, en tant qu’autorité de supervision», a-t-il poursuivi. De nombreuses critiques se sont élevées aux Etats-Unis pour critiquer le rôle trop important qui devrait être donné à la banque centrale, chargée de surveiller non plus seulement les banques, mais aussi toutes les institutions financières dont la faillite menacerait l’ensemble du système. M. Bernanke a jugé que la Fed était la plus capable de remplir ce rôle. «Nous avons une large capacité à rassembler l’information et identifier les risques émergents, et chercher les lacunes et les problèmes dans le système de régulation», a-til dit. «Le plus grand défi sera de notre part (…) d’adopter une approche plus macroprudentielle, plutôt que de prendre chaque entreprise séparément», a-t-il expliqué. «Le défi véritable pour nous sera de poser la question, non seulement: est-ce que cette société est saine en elle-même, mais est-ce que sa faillite menace  d’autres sociétés, d’autres marchés, et si oui, comment devra-ton modifier son capital et d’autres obligations pour redresser cela?», a souligné le président de la Fed.

Bernanke en a profité aussi pour défendre  l’indépendance de la Fed, attaquée depuis des semaines  par des  parlementaires US qui voudraient pouvoir examiner ses décisions de politique monétaire

Ces parlementaires militent pour que la Cour des comptes américaine (GAO) puisse, saisie par le Congrès, donner un avis sur ces décisions.

A l’occasion d’une audition devant la Chambre des représentants, la charge la plus violente contre M. Bernanke est venue de l’auteur de la proposition de loi en ce sens, le Républicain Ron Paul (Texas, sud), un « libertaire de droite » qui veut purement et simplement supprimer la banque centrale.

Il a accusé M. Bernanke d’être « politisé » et de maintenir des taux d’intérêt « artificiellement bas » sous le coup de « pressions ». Paul a expliqué qu’il avait des précédents historiques « bien étayés » de présidents de la Fed « sur le point d’être renommés » qui étaient influencés par leur proximité avec le président des Etats-Unis. Il faisait ainsi allusion à l’échéance prochaine du mandat de M. Bernanke qui se termine en janvier.

Bernanke a plaidé de son côté contre les « interférences » qui viendraient perturber la politique monétaire.

« Si nous devions relever les taux d’intérêt lors d’une réunion, et que quelqu’un au Congrès n’aimait pas ça et disait: je veux que le GAO fasse un audit de cette décision, est-ce que ça ne serait pas vu comme une interférence? », a-t-il demandé.

Dans ses remarques préliminaires, il avait affirmé que tout « effort pour essayer d’influencer les décisions de politique monétaire » provoquerait « des craintes quant à une inflation future, provoquant une hausse des taux d’intérêt de long terme et une stabilité économique et financière réduite ».

Un autre Républicain, Bill Posey, a avancé l’idée que les décisions de politique monétaire puissent être examinées « six mois ou un an après ».

« Si c’est fait dans les jours ou même les semaines qui suivent la décision, cela pourrait ressembler au fait que le Congrès dise: je ne suis pas d’accord avec cette décision », lui a répondu M. Bernanke.

 

« Nous utilisons de l’argent du contribuable, il doit y avoir des façons pour le Congrès d’être sûr que nous le faisons de manière sûre avec les contrôles adéquats et ainsi de suite. Donc je suis d’accord sur ce point-là. Mais la politique monétaire est un élément très spécifique », a-t-il estimé.

 

Selon lui, « il faut être extrêmement prudent pour éviter que l’opinion publique et les marchés ne pensent que le Congrès essaye d’influencer les décisions de politique monétaire ».

 

Un Démocrate, Alan Grayson, a enfin cité la Constitution, selon laquelle l’argent public ne doit être dépensé qu’avec l’accord du Congrès. Il a fait valoir que l’engagement par la Fed de sommes considérables pour soutenir l’économie violait cet article de la Constitution.

M. Bernanke lui a répondu que « le Congrès a approuvé la loi instituant la Réserve fédérale » et que la banque centrale agissait dans ce cadre.

Une semaine plus tôt, près de 180 économistes, universitaires pour la plupart, avaient publié une lettre ouverte demandant au Congrès de garantir l’indépendance de la banque centrale américaine

Pour preuve de l’intégrité morale et intellectuelle de Bernanke il suffit pourtant  de constater qu’en 2008 il a perdu jusqu’à 29% de ses avoirs en 2008 dixit Bloomberg. En effet d’après les documents rendus publics par la Fed, les actifs financiers du ménage Bernanke se sont élevés entre 852.000 et 1,9 million de dollars à fin 2008, contre 1,2 et 2,5 millions l’année précédente. L’Office of Government Ethics, qui se charge de contrôler les revenus des employés gouvernementaux, exige des officiels uniquement une fourchette de leurs avoirs. Il en ressort notamment que Ben Bernanke a investi entre 15.000 et 50.000 dollars de ses retraites dans un fonds obligataire à haut rendement de Black-Rock, et entre 1000 et 15.000 dollars dans un fonds ciblant les entreprises à capitalisation élevée, toujours sur BlackRock. En tant que président de la Fed, son salaire s’est monté à 191.300 dollars en 2008. Il a, par ailleurs, reçu entre 150.000 et 1,1 million de dollars de royalties pour deux de ces deux ouvrages publiés chez Pearson et McGraw-Hill.

Et pour conclure sur la  « Stratégie Bernanke »  : parole donnée à Robert Hagstrom, le  gestionnaire de portefeuille chez LMCM et  un aficionado  tout comme moi du patron actuel de la Fed

la reprise molle !? Quelle reprise molle ?

La firme de gestion américaine Legg Mason Capital Management (LMCM) pense que l’indice S&P500 pourrait atteindre 1.250 à 1.350 points d’ici la fin 2010 ou le premier semestre 2011, soit une progression de 27 à 37% sur son niveau actuel de 979 points. La thèse du gestionnaire  Robert Hagstrom est que l’économie américaine sort de récession et que le rebond cyclique et la hausse des profits des entreprises conduiront à une hausse des marchés. En effet, LMCM ne partage pas la thèse commune selon laquelle la reprise sera molle. « La sévérité de la récession laisse augurer une très nette accélération du PIB dans un premier temps, suivie d’une stabilisation de la croissance à un taux plus modéré, mais néanmoins confortable« , argue le gestionnaire. « Il va de soi que le marché corrigera. Toutefois, l’amélioration des fondamentaux, conjuguée à l’abondance des volants de liquidités, devrait permettre de limiter les corrections dans une fourchette comprise entre -10% et -15%. Il serait donc surprenant de voir le S&P 500 (actualité) enfoncer le seuil des 800 points »,

« Le seul facteur d’inquiétude susceptible d’assombrir les perspectives pour les deux années à venir serait que Ben Bernanke ne soit pas réélu au poste de président de la Réserve fédérale lorsque son mandat prendra fin en janvier 2010. Même s’il ne fait pas de doute que Barack Obama apprécie Ben Bernanke, le président des Etats-Unis pourrait juger opportun au plan politique de le remplacer par un démocrate, Larry Summers très probablement », souligne Hagstrom, qui pense qu’il s’agirait là d’une « grave erreur » susceptible de désarçonner les marchés.

L’expansion du bilan de la banque centrale américaine était pour lui « une solution judicieuse, qui a probablement permis d’éviter une dépression ». Il va sans dire que Robert Hagstrom ne partage pas les craintes de certains analystes sur le risque de poussée inflationniste. « Tant que la vitesse de circulation de la monnaie et la croissance des prêts ne se seront pas redressées de manière significative, les risques inflationnistes resteront marginaux », conclut-il.

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Jean Pierre Petit : La Fed a encore une grande marge de manœuvre (cliquez sur le lien)

Voilà pourquoi l’inflation ne sera pas d’origine monétaire (cliquez sur le lien)

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