Pourquoi écarter le système à la carte ?, par Jacques Bichot
Selon un récent sondage, les Français sont 80 % à reconnaître la nécessité de réformer leur système de retraite. Cette publicité contient une information qui, si on la complète, fournit la solution au problème. Elle indique en effet que l’espérance de vie est passée, en France, de 66 ans en 1950 à 81 ans en 2010. Il faudrait ajouter que l’âge moyen de départ en retraite était supérieur à 65 ans en 1950, et qu’il est de 59 ans aujourd’hui. Deuxièmement, que l’espérance de vie en bonne santé a évolué parallèlement à l’espérance de vie “tout court”. Les gains d’espérance de vie se traduisent par la multiplication des jeunes retraités de 55 à 75 ans.
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La direction à suivre pour sortir du pétrin : des pensions représentant un pourcentage élevé des revenus d’activité perçues à partir d’un âge précoce. Est-ce à dire que les pouvoirs publics devraient forcer les Français à travailler jusqu’à un âge plus avancé ? Pas du tout !
La solution consiste tout simplement à mettre les citoyens devant la réalité : sauf à exploiter les actifs en leur faisant supporter des prélèvements exorbitants, il est impossible de consacrer aux retraités un pourcentage sans cesse croissant du produit intérieur brut et, par conséquent, c’est à chacun de choisir entre prendre de très longues vacances de fin de vie avec un budget mensuel restreint, ou vivre une retraite moins longue mais moins “serrée” pécuniairement.
La “retraite à la carte avec neutralité actuarielle”, dénomination technique de ce système où chacun est responsable de ce qui le concerne, est en vigueur en Suède, pays qui ne se fait pas remarquer par un rejet de la protection sociale ! Elle est plus facile à mettre en place dans les régimes par points, comme ceux de nos amis allemands ou suédois, mais on peut aussi la greffer sur les régimes par annuités. Pour notre régime général, il suffirait de limiter l’usage de la durée d’assurance au “coefficient de proratisation”, qui rend la pension proportionnelle à cette durée, et de faire dépendre décote et surcote uniquement de l’âge à la liquidation, en laissant les actuaires faire les calculs à partir des tables de mortalité. Le taux de la pension à un âge de référence, par exemple 62 ans et 6 mois (moyenne de nos deux âges légaux, 60 et 65 ans) servirait de variable d’ajustement, comme la valeur de service du point à l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO) et à l’Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC).
Le conseil d’administration, dont les pouvoirs seraient renforcés, prendrait année après année les décisions requises pour assurer l’équilibre financier du régime, comme ses homologues le font dans les régimes complémentaires, et l’on cesserait ainsi de politiser des décisions de simple gestion.
Jacques Bichot/France : « La retraite à 60 ans ? Sa place est au musée ! » (cliquez sur le lien)
Certes, il faudrait en même temps améliorer les possibilités d’emploi des seniors, faute de quoi la liberté de choix de l’âge de départ en retraite resterait purement théorique. Mais l’impact positif de la retraite à la carte ne doit pas être sous-estimé : nombreux seront ceux qui manifesteront leur volonté de travailler plus longtemps, et cette offre de travail fera réfléchir les employeurs, qui s’adapteront progressivement à cette nouvelle donne en matière de main-d’oeuvre.
Faire cela ne dispenserait pas de mettre à l’étude des réformes plus importantes, à l’horizon 2020, par exemple la fusion des quatre douzaines de régimes par répartition qui existent en France. Mais ce serait un grand pas dans la bonne direction, réalisable d’ici à la fin de l’année.
Jacques Bichot, économiste.LE MONDE | 23.04.10
Catégories :Douce France, Retraite, Démographie et Vieillissement