Commentaire du Wolf : CEO, principal-agent kesako ?
Lorsqu’on évoque la tête d’une entreprise, on parle de direction, de management, de haut manager, dedirecteur ou de directeur général ou encore de PDG. Mais aussi de CEO. Que renferme cette appellation ?
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Directeur général
• CEO est l’abréviation du terme anglo-saxon Chief Executive Officer. Un terme qui donne déjà une idée de la fonction, même si vous n’êtes pas un spécialiste de la langue de Shakespeare : il est question d’officier (agir) en tant que chef et pourune tâche « d’exécution ». Il s’agit donc, au sens premier du terme, de la personne chargée de la direction très concrète d’une société, au plus haut niveau.
• En pratique, il s’agit donc du directeur général.
Sa fonction va dépendre de la taille de la société.
Dans un très grand groupe, il s’agit de (faire) mettre en oeuvre les lignes stratégiques de toutes les divisions de la société, tant au niveau de la production proprement dite que des finances, du marketing, des relations publiques etc. Et bien sûr,dans ce cas, le CEO délèguera certaines tâches à des dirigeants d’un niveau intermédiaire, mais néanmoins déjà très élevé (aux Etats-Unis, il existe souvent des COO, ou Chief Operating Officers). Forcément, moins l’entreprise sera grande, moins les tâches du CEO seront déléguées et plus elles se rapprocheront de l’activité très concrète de l’entreprise.
Conseil d’administration
• A la tête d’un groupe, on trouve aussi un conseil d’administration, composé d’administrateurs et d’un président, et élu par les actionnaires réunis en assemblée générale. Il est censé représenter prioritairement les intérêts des actionnaires, qui le nomment pour une durée définie. Le conseil d’administration est chargé de définir des grandes lignes stratégiques de l’entreprise avec une vision pérenne, par exemple en matière de croissance interne de l’activité, de projets de fusions etacquisitions…
• Le conseil d’administration nomme le directeur général, ou CEO. C’est donc ensuite à celui-ci que revient la tâche de mettre en oeuvre (traduire en actions concrètes) les grandes orientations stratégiques, c’est à dire de faire tourner l’entreprise, dans ses aspects opérationnels et financiers.
Un des administrateurs peut être chargé de la direction générale. C’est l’administrateur délégué. Sa fonction est celle du CEO ou directeur général.
La dénomination seule change, selon les régions, les entreprises…
Bonne gouvernance
Il arrive que le président du conseil d’administration soit aussi directeur général. Il est donc président directeur général (le bien connu PDG).
A l’heure actuelle cependant, dans le cadre du respect de la bonne gouvernance, ‘il est important que le directeur général et le président du conseil d’administration soient deux personnes distinctes. Car il n’est pas rare qu’un CEO, poussé par des intérêts personnels (question d’ego ou de rémunération), se lance dans une politique d’expansion imprudente, néfaste aux intérêts des actionnaires (voir affaire vivendi universal)
Il est même malsain qu’un directeur général à la retraite soit « recasé » au poste de président du conseil d’administration, empêchant du même coup la tenue de débats contradictoires, pourtantsouvent salutaires.
Dans le même ordre d’idée, il est souhaitable que la proportion des administrateurs indépendants soit la plus large possible. C’est notamment important lorsque la politique de rémunération des dirigeants est décidée en commission du conseil d’administration.
EN COMPLEMENT : Crise financière et problèmeprincipal-agent
Dans leur ouvrage décapant Economie de crise – une introduction à la finance du futur, paru ily a peu chez Jean-Claude Lattès et heureusement écrit pour un public plus large que les cercles universitaires, Nouriel Roubini, professeur d’économie à la Stern University de New York, et son collègue Stephen Mihm, qui enseigne l’histoire à l’Université de Georgie, expliquent une bonne partie de la récente crise financière – et éclairent du même coup le procès de l’ancien trader de la Société Générale Jérôme Kerviel qui se déroule actuellement à Paris – à l’aide de ce que les économistes appellent le problème principal-agent.
Nouriel Roubini/Stephen Mihn : Economie de crise , une introduction à la Finance du futur (cliquez sur le lien)
Qu’est-ce à dire?
Dans les entreprises cotées, les «principaux», autrement dit les actionnaires et les membres du conseil d’administration, doivent engager des gestionnaires (les «agents»), «afin de mettre à exécution leurs projets et tenir la boutique». Les seconds en savent en général plus que les premiers (auxquels ils doivent rendre compte) sur ce qui se passe dans l’entreprise. Ce qui leur permet de poursuivre leur ropre intérêt et, souvent, de s’assurer de confortables revenus. Dans les entreprises de grande taille, on compte de nombreuses couches d’employésou «agents» ayant tous la possibilité de poursuivre leurs propres intérêts aux dépens des «principaux» qui en principe les surveillent. De surcroît, de nombreux employés sont à la fois «principaux» (ils sont chargés de la surveillance des employés de niveau inférieur) et «agents» (ils doivent rendre compte à une personne de rang hiérarchique supérieur).
Les dangers d’une telle organisation sont devenus de plus en plus évidents lors de la récente crise financière. L’effondrement d’AIG offre une illustration extrême de la relation principal- agent qui tourne mal et de l’asymétrie d’information qui lui est associée. Les actes d’un petit groupe d’employés basés à Londres mirent à genoux non seulement l’entreprise à laquelle ils appartenaient mais aussi le système financier mondial.
Dans un établissement financier, les actionnaires devraient veiller à ce que leurs employés servent les intérêts des propriétaires. À cause du problème principal-agent, c’est pratiquement impossible.
Mais il y a plus grave encore: en réalité, raisonnent Roubini et Mihm, les actionnaires ne sont généralement pas fortement incités à serrer la bride aux banquiers, aux traders et aux gestionnaires imprudents. Pourquoi?
Parce que les établissements financiers recourent bien plus largement que les autres entreprises à l’emprunt pour financer leurs activités. Les actionnaires n’assument donc qu’une faible part du risque lié aux opérations au jour le jour. Conséquence: ils avaient toutes les raisons de pousser les traders à prendre des risques élevés car, en cas de succès, ils avaient beaucoup à gagner avec l’argent des autres.
Dans un style imagé, Roubini et Mihm sont on ne peut plus explicites: «Les actionnaires sont prêts à laisser faire parce qu’ils ne sont en réalité pas très fortement impliqués. Ils ont apporté des capitaux à la banque, mais pas tant que ça; et bien qu’ils ne souhaitent pas perdre leur chemise, ils acceptent de tourner la tête quand les traders lancent les dés. L’essentiel de l’argent que jouent les traders a été emprunté: il appartient à quelqu’un d’autre.Si les traders gagnent à la roulette, les actionnaires gagnent aussi. Si les traders perdent, les victimes seront les insensés qui ont prêté de l’argent à la banque – et si l’on peut en juger d’après la crise récente, les actionnaires ne seront que faiblement touchés.»
HENRI SCHWAMM Université de Genève JUIN10
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