Inflation, inflation importée, monétarisation de la dette

Gare au scénario catastrophe par Beat Kappeler

Gare au scénario catastrophe par Beat Kappeler

La politique monétaire de Ben Bernanke (en version française)

Tout étudiant en économie aurait raté ses examens s’il avait proposé, il y a seulement trois ans, que les instituts d’émission puissent abreuver le pays de papier-monnaie se basant sur des obligations d’Etats surendettés. Aujourd’hui c’est une politique courante, très inquiétante.

 
PLUS DE BEAT KAPPELER EN SUIVANT :

Si les cantons suisses  ne touchent plus les excédents habituels de la Banque nationale, on peut réagir par un mélange de Schadenfreude[joie provoquée par le malheur d’autrui, ndlr.] et de soulagement. Car depuis cet accord de partage des bénéfices entre les cantons, la Confédération d’une part et la BNS d’autre part, l’indépendance de l’institut d’émission était en cause. A présent, quand les bénéfices somptueux d’antan se convertissent en pertes sèches, tout le monde s’agite et donne des leçons. Les responsables de la BNS ont beau jeu de défendre leurs interventions démesurées du printemps et les pertes consécutives en faisant valoir que la BNS ne doit pas faire des bénéfices en premier lieu. Les politiciens l’entendaient d’une autre oreille, munis, comme ils le croyaient, d’un contrat en béton sur le partage.

L’indépendance des banques centrales était un des piliers de l’ordre monétaire basé sur du papier au lieu de l’or. Mais regardons ce qui se passe aux Etats-Unis et en Europe: les gouvernements se présentent au guichet et remettent leurs quittances pour les dépenses inouïes qu’ils pratiquent. Les banques centrales leur remettent de l’argent frais et déposent les quittances dans le coffre-fort. Les politiciens s’en vont en chantant.

 Timothy Geithner and Ben Bernanke
 
Légalement, les procédés sont un peu plus formels, mais matériellement l’image est juste. Formellement, les banques centrales américaine et européenne achètent des obligations émises par les gouvernements. Ces obligations couvrent les dépenses encourues: les quittances en question.

 Tout étudiant en économie aurait raté ses examens s’il avait proposé, il y a seulement trois ans, que les instituts d’émission puissent abreuver le pays de papier-monnaie se basant sur des obligations d’Etats surendettés. Aujourd’hui c’est une politique courante. Cependant, il y a comme un couac. Depuis que la banque centrale américaine a intensifié ces achats, les taux d’intérêt sont montés d’un point au lieu de baisser, comme c’était le but.

Et il apparait que la Chine et la Russie sont passées au même moment du côté des vendeurs de ces papiers américains.

China holdings by month:

Le prix de l’or s’est envolé, les matières premières aussi. Le public et les grands détenteurs de la dette américaine redoutent le pire. Leur réaction sanitaire peut empêcher l’issue décrite dans un papier d’economiesuisse par le professeur Rudolf Minsch.

Celui-ci admet les dires des banques centrales américaine, européenne et suisse: la contrepartie de ces achats d’obligations, donc la monnaie nouvellement émise, est gelée sur des comptes auprès d’elles. Elles offrent aux banques vendeuses de ces papiers des taux avantageux pour retenir ces sommes. Mais Rudolf Minsch montre qu’un jour les taux d’intérêt monteront – par le refus des acheteurs d’obligations peu rémunératrices comme maintenant aux Etats-Unis, par la conjoncture qui monte, par la menace d’inflation qui imposera la fin de ces rachats et de ces soutiens aux banques centrales. A ce moment, les banques privées ne renouvelleront plus leurs dépôts chez elles et placeront ces sommes ailleurs. La masse monétaire «active» augmentera alors considérablement. L’économie baignera dans un océan de monnaie et de pouvoir d’achat fictif, les prix prendront l’ascenseur. A ce moment, les banques centrales ne détermineront plus la masse monétaire, mais la masse monétaire mènera la politique de ces banques centrales. Belle formule de Minsch, mauvaise perspective.

L’alternative serait la fin de ces soutiens, voire la revente de ces papiers par les banques centrales. Ainsi elles encaisseront la masse monétaire émise et pourront la détruire. Mais elles affronteraient un chœur de protestations – les entreprises, les syndicats, les politiciens dépensiers. Les Etats devraient passer à un régime extrêmement strict. En Europe, les Etats du Sud feraient faillite sur-le-champ, les banques détenant leurs dettes aussi. Perspective mauvaise aussi, mais salutaire. Si on la juge impossible, on mesure le degré de perte d’autonomie des banques centrales. Perspective extrêmement inquiétante.

source le temps janv11

EN LIEN: POLITIQUE MONETAIRE : VERS UN RETOUR DE L’INFLATION  (ndlr essentiel à lire)

EN BANDE SON :

3 réponses »

  1. on se demande comment tout cela va finir…
    à voir aussi la video “L’argent dette” de Paul Grignon dans le même style.

  2. A propos de la Grèce :

    – Emprunt à 3 mois :

    Allemagne : taux d’intérêt des obligations à 3 mois : 0,470 %.

    France : taux d’intérêt des obligations à 3 mois : 0,622 %.

    http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GFRN3M:IND

    Et la Grèce ?

    Quel taux d’intérêt doit payer la Grèce pour un emprunt à 3 mois ?

    Jeudi 20 janvier 2011, pour un emprunt à 3 mois, la Grèce a dû payer un taux d’intérêt de 4,10 %.

    http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2011/01/23/97002-20110123FILWWW00058-grece-un-emprunt-pour-la-diaspora.php

    – Emprunt à 6 mois :

    Allemagne : taux d’intérêt pour les obligations à 6 mois : 0,640 %.

    France : taux d’intérêt pour les obligations à 6 mois : 0,744 %.

    http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GFRN6M:IND

    Et la Grèce ?

    Quel taux d’intérêt doit payer la Grèce pour un emprunt à 6 mois ?

    Mardi 11 janvier 2011, pour un emprunt à 6 mois, la Grèce a dû payer un taux d’intérêt de 4,90 %.

    http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2011/01/11/97002-20110111FILWWW00482-grece-leve-195-mds-en-dessous-de-5.php

  3. Jean-Luc,
    Ce n’est pas que j’aime à faire de l’auto-promotion, mais l’argent-dette de Grignon, c’est du “mytho”.
    http://analyseeconomique.wordpress.com/2010/10/11/les-mensonges-de-largent-dette/
    Quant à la vidéo, elle est un peu caricaturale, mais ce n’est pas complètement faux. Le seul défaut, c’est qu’elle n’explique pas qu’une hausse des taux alourdit la charge de la dette et donc des faillites. Mais de toute façon, ce problème serait moindre si les salaires sont flexibles à la baisse, ce qui éviterait les entreprises d’entreprendre de nombreuses mises à pieds.

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