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Marché Actions : Le nouveau signal du danger d’une surévaluation par Jeremy Grantham

Le nouveau signal du danger de surévaluation

Jeremy Grantham,  le créateur et chef stratège de GMO lance un nouvel appel à la prudence aux investisseurs  dans la seconde partie de sa lettre semestrielle éditée en mai. Il avait jusqu’ici conseillé de profiter jusqu’en octobre prochain du momentum des marchés des actions alimenté par la politique expansionniste de la Réserve fédérale américaine.

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Pourquoi octobre? En général, la troisième année du cycle de présidence des Etats-Unis arrive à son terme boursier en automne et entraîne jusqu’à ce moment-là une performance des actions supérieure à la moyenne, a fortiori avec les nouvelles mesures prises (Quantitative Easing 2) cette année par la banque centrale américaine.

En fait, la troisième a  année évolué de manière parfaite jusqu’ici, puisque l’indice des actions américaines S&P 500 a progressé de 21% (situation à fin avril), selon Jeremy Grantham.

GMO a observé que cet indice a, en moyenne, gagné 20% lors des sept premiers mois de la troisième année du cycle présidentiel. Cela correspond presque à la performance totale des quatre années  composant un cycle. La règle de base s’est à nouveau vérifiée: vendre en mai de l’année 3 et se tenir éloigné du marché des actions pendant 41 mois.

Bref, c’est le temps de se montrer prudent en songeant à diminuer son exposition aux actions, même si cela risque d’être une fois encore trop tôt! En effet, les marchés vont souvent plus haut qu’on ne le pense. L’inverse étant également vrai.

Le marché américain, qui conditionne les autres marchés actions, qu’on le veuille ou non, peut encore gagner quelques pourcents d’ici l’automne. Il est ainsi possible que l’indice S&P 500 atteigne, disons, 1500 points (contre un peu plus de 1300 points à présent), mais cela confère à de la spéculation et les risque sont devenus élevés, de manière que l’on peut qualifier de non raisonnable.

La surévaluation des actions est ainsi de l’ordre de 40%, cependant que les prix des obligations sont manipulés par la Réserve fédérale. Celles-ci sont complètement surachetées, confinant à une bulle spéculative.

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Le plus grand risque est que la politique accommodante de la Réserve fédérale cesse en juin, si bien que la plus grosse impulsion manquera à l’économie. En outre, des risques plus grands découlent des prix plus hauts des matières premières.

Des chocs exogènes comme les troubles politiques en Afrique du Nord et le Tsunami au Japon exercent en soi peu d’influence sur l’économie mondiale. Cependant, ils peuvent servir de déclencheur d’une baisse boursière. La vraisemblance d’une propagation  des problèmes en Arabie Saoudite et dans d’autres pays du Golfe est sous-estimée, d’après Jeremy Grantham.

En Resumé J. Grantham voit quatre facteurs susceptibles de changer le cours des choses:

  • La vague de révolutions dans le monde arabe pourrait entraîner un choc pétrolier si elle s’étendait à l’Arabie saoudite ou à d’autres États du golfe.
  • La catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon a des conséquences imprévues qui se font sentir à long terme. Le Japon a pratiquement le monopole de la fabrication de pièces, notamment électroniques. Le maintien de l’approvisionnement est loin d’être garanti.
  • L’”effet Bill Gross”, du nom du principal investisseur mondial en obligations. Gross se demandait qui, après l’assouplissement quantitatif de la Fed, allait reprendre le rôle de cette dernière en tant qu’acheteur d’obligations publiques américaines.
  • Les hausses des prix des matières premières poussent l’inflation à la hausse, même sur les marchés en croissance. Les hausses des taux d’intérêt doivent empêcher une surchauffe de l’économie, mais ces mesures contraignantes pourraient entament la confiance des entrepreneurs.

  Jeremy Grantham recommande aux investisseurs une part élevée en liquidités, la concentration sur des actions de qualité et les actions des marchés émergents. Il continue par ailleurs de préconiser, pour des investisseurs à très long terme, d’investir dans le bois et dans des   bons terrains agricoles.

Par ailleurs, J. Grantham n’est pas le seul à se montrer sceptique. L’économiste américain Robert Shiller estime, lui aussi, que le marché des actions US est surévalué. Il se base en cela sur un ratio maison qui met en rapport le cours du marché des actions avec le bénéfice des dix dernières années. S’il pointe au-dessus des 20 points, la Bourse est un endroit à éviter. Quel est le niveau actuel de l’indice? 23. Petite comparaison, en 2000, le ratio de Shiller a atteint un pic de 45, qui manifestait une surévaluation irrationnelle du marché des actions.

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Philippe Rey zurich/MAI11

EN COMPLEMENT : Le reflux actuel de l’indice S & P 500 pourrait être plus qu’une simple correction

Par Bruno Estier, Bruno Estier Strategic Technicals. Analyse indépendante

Le retour des investisseurs à des valeurs plus défensives, comme la santé, doit être suivi de près. Leur évolution pourrait signaler que les marchés anticipent un ralentissement de l’économie. Pour le moment, l’hypothèse d’un rebond ne doit pourtant pas être exclue

Cette année l’adage «sell in may and go away till october» semble s’être matérialisé dès le premier jour du mois. L’indice américain S & P 500 a en effet débuté une phase de correction il y a trois semaines avec un recul de 1360 points à 1325 points. A priori, cette modeste baisse de 3% ne devrait pas inquiéter lors d’une année préélectorale, dont les statistiques prédisent une hausse de plus de 17% en moyenne.

Néanmoins, ce recul cache une forte rotation sectorielle (transfert d’un secteur à un autre). Elle est illustrée par l’évolution divergente de trois sous-indices sectoriels situés au-dessus du graphique quotidien du  S & P 500 (voir ci-contre): le secteur industriel (en bleu clair), dont l’évolution est similaire à celle de l’indice S & P, le secteur de la santé (bleu foncé) et celui des biens de consommation courante (en noir). Depuis début mai, la hausse de ces deux derniers secteurs contraste avec la correction baissière entamée par les titres industriels.

from Bespoke

Or la hausse des actions de groupes actifs dans la santé et la consommation courante est un phénomène récent. Ayant commencé à la mi-mars 2011, elle contraste avec une période précédente de déplacement horizontal pendant plusieurs mois. De plus, nous savons aussi que de septembre 2010 à février 2011, les secteurs de l’énergie et des matières premières ont surperformé et permis  au S & P 500 sa progression. Or, depuis leur sommet de mars, ces deux secteurs ont perdu presque 10%. C’est désormais la performance des actions de sociétés actives dans la santé et dans la consommation courante, qui amortissent la baisse de l’indice américain. Ces évolutions divergentes représentent des flux d’investissements, qui ont quitté les secteurs de l’énergie et des matières premières. La progression de ces derniers s’expliquait par la perception que les marchés émergents étaient les moteurs de la croissance. La perception ayant changé, les investisseurs essayent de redéployer leurs fonds vers les secteurs de la santé et de la consommation courante, censés mieux performer lorsque la croissance économique risque de ralentir.

Cette rotation sectorielle permet aux analystes de marchés d’envisager à certains moments du cycle économique des scénarios plus dramatiques qu’une simple correction dans une tendance haussière. A première vue, le graphique quotidien des clôtures du S & P 500 montre une correction mineure est en train d’atteindre l’enveloppe inférieure d’un «tube» haussier (dit Bandes de Bollinger) centrée sur la moyenne mobile ascendante de 20 jours. Etant donné que l’indicateur de vitesse dit «slow stochastique», situé sous les prix, approche de la zone où les actions sont survendues, il est tout à fait envisageable que le S & P 500, en prenant appui sur l’enveloppe inférieure de Bollinger située à 1317 points, puisse rebondir et continuer la tendance haussière entamée en mars 2009.

source Bespoke

Mais la rotation sectorielle pousse à envisager aussi un scénario plus dramatique: l’absence de rebond à partir de la zone 1315-1300 points – le niveau de support de la consolidation précédente en avril –, qui serait suivi par la cassure de ce niveau. Ce scénario s’exprimerait sur le graphique par un écartement des bandes de Bollinger, qui représente une augmentation de la volatilité. Si cette dernière devient plus importante, le S & P 500 pourrait redescendre vers le point bas atteint lors de la correction de mars dernier, autour de 1250 points. Si tel était le cas, il serait fort probable que les secteurs de la santé et de la consommation courante, qui sont actuellement encore en tendance haussière, rejoignent toutes les autres branches à la baisse. Un suivi de ces secteurs est donc d’un intérêt particulier. Sachant que les marchés financiers anticipent le cycle économique de reprise ou de ralentissement, la rotation sectorielle est donc un outil d’analyse complémentaire des marchés financiers qui peut alerter d’une anticipation de ralentissement de croissance et de retournement de marchés.

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