La France peut-elle encore échapper à un scénario grec ? par Charles Wyplosz
La machine infernale est en train de s’enclencher. Il est désormais possible que la France suive la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Italie et l’Espagne dans le club peu enviable des pays dont la dette publique est considérée comme toxique par les marchés financiers. Le scénario est bien rodé. La pression monte lentement mais inexorablement, la notation par les agences est abaissée, la panique s’installe et, au bout du chemin, il faut se résoudre à aller quémander de l’aide au FMI, aux partenaires européens et à la BCE, qui prennent le contrôle de la politique économique. La purge exigée en contrepartie des prêts est sévère. C’est le grand traumatisme national.
Ce processus est lent. Il a duré six mois pour la Grèce, l’Irlande et le Portugal. Il durera sans doute moins longtemps pour l’Italie et l’Espagne. Pour la France, le point de non-retour n’est pas encore franchi, mais les prémices sont là. Une fois le point de non-retour franchi, le gouvernement ne peut plus rien faire pour empêcher le rouleau compresseur d’avancer.
“L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a annoncé vendredi un coup d’arrêt de l’économie française au deuxième trimestre 2011, c’est-à-dire une croissance zéro, contre un taux de 0,9% durant les trois premiers mois de l’année. Dans le détail, les dépenses des ménages, moteur de la croissance française, ont reculé de 0,7% au deuxième trimestre, tout comme la production manufacturière et les exportations. La précédente chute de cette ampleur date de la récession de 2008-2009.
Les autorités françaises n’ont pas dramatisé la mauvaise nouvelle. Le nouveau ministre de l’Economie François Baroin a même minimisé en disant que le chiffre était «un peu décevant». Mais, dans la foulée, il a tenu à assurer que l’objectif de croissance, de 2% pour 2011 fixé par le gouvernement, était maintenu. Selon lui, les fondamentaux de l’économie française ne sont pas en cause.
Les faits disent une autre histoire. L’économie française a certes créé 68 300 places de travail au deuxième trimestre, du jamais vu depuis le début de 2007. Il n’empêche que le taux de chômage a atteint 9% ce printemps. C’est pire chez les moins de 25 ans; un jeune sur quatre n’a pas de travail. La montée du chômage a une conséquence directe sur la demande.
Par ailleurs, la dette publique française, 1700 milliards d’euros, représente 85% de son PIB. Ce qui signifie que le pays dépense une somme folle pour rembourser les intérêts au lieu de consacrer ces ressources dans l’activité économique et dans la création d’emplois. Le déficit budgétaire en 2010 était de 7,5% du PIB et se redressera légèrement à 7,0%, largement au-dessus des limites fixées par la Commission européenne. La solvabilité de l’Etat français est testée par les marchés qui réclament une prime de plus en plus élevée pour assurer les risques de défaut. Elle a doublé en moins de six mois.”
EN LIENS:
Compteur de la Dette Française : le lien indispensable !!!!
Quid de la dette de la France…
PLUS DE WYPLOSZ EN SUIVANT :
Les marchés sont-ils fous et méchants ? La réaction de la classe politique est toujours la même : dénégation des risques et propos vengeurs à l’égard des spéculateurs et autres financiers sataniques qui veulent faire fortune sur le dos de la mère patrie. Mais les marchés ne sont ni fous ni méchants. Ils détiennent une grosse part de la dette publique de la France, quelque 1 700 milliards d’euros, soit 85 % de notre PIB, et ils sont effrayés de perdre une partie de leurs patrimoines. La panique n’est pas bonne conseillère, mais elle est très humaine. Faut-il leur en vouloir, voire les cadenasser ? Il fallait y penser plus tôt, avant de leur demander de nous prêter ces sommes colossales. Nous avons eu besoin d’eux et nous en aurons encore besoin, quoi que nous fassions. Les insulter et les attaquer peuvent nous soulager, mais cela ne changera rien à la situation.
Car la France est impardonnable. Nos budgets ont été en déficit chaque année depuis 1974. En 2006, avant la crise, la dette publique représentait déjà 64 % du PIB. Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis presque quarante ans ont superbement ignoré la notion de discipline budgétaire. Tous. Les déficits sont devenus une routine, une facilité pour dépenser plus que ce dont ils disposaient, et personne n’y a trouvé à redire. Ils sont tous coupables et nous, les électeurs, le sommes tout autant. Les marchés, par contre, n’y sont pour rien. La sagesse, dont nous allons avoir besoin dans les années qui viennent, doit commencer par un grand mea culpa national.
Au lieu de cela, nous allons assister à des accusations réciproques. La gauche va répéter que la dette a augmenté de 20 % du PIB depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir ? C’est exact, mais 2007 est aussi le début de la plus grave crise depuis les années 1930. S’il y a de bons déficits, ce sont ceux tolérés durant les années de crise, car ils servent à en atténuer la sévérité. On aurait pu se passer du Grand Emprunt. Comme toujours, les objectifs étaient nobles, mais ils auraient du être financés sans recours à l’emprunt. La droite va noter que la dette s’est accrue sous tous les gouvernements de gauche. Certes, il y a aussi eu de mauvaises passes sous les gouvernements de gauche, qui justifiaient elles aussi des déficits. Mais ces déficits auraient dû être temporaires, compensés par des surplus les bonnes années, ce qui ne s’est jamais produit. Nous ne gagnerons rien à ces récriminations, c’est toute la classe politique qui s’est fourvoyée.
Ces erreurs répétées ne sont pas l’apanage de la France. La plupart des démocraties les ont commises, à un moment ou à un autre. Avant la crise, en 2006, les dettes publiques des pays de l’OCDE s’élevaient déjà à 74 % de leurs PIB. Partout on retrouve le même mécanisme. Chacun veut recevoir la manne de l’Etat, et chacun s’imagine que ce sont les autres qui paieront les impôts, mais personne ne veut payer plus d’impôts. Pour être élus, ou réélus, les gouvernements payent sans lever les impôts correspondants. Toutes ces dépenses sont présentées comme indispensables : santé, défense, éducation, justice, culture, aides aux démunis, transports. Rien que des bonnes causes auxquelles il serait politiquement suicidaire de s’opposer. C’est ainsi qu’aujourd’hui l’Etat dépense la moitié du PIB de la France. C’est ce qu’on appelle vivre au-dessus de ses moyens, et ça ne peut que mal se finir. Nous y sommes.
Est-il trop tard ? Probablement, mais pas nécessairement. Car, contrairement à une opinion bien ancrée, les marchés financiers ne fonctionnent pas à courte vue. Ils ne pensent pas que les Etats sont en faillite irrémédiable, un pays ne peut pas être vraiment en faillite. Par contre, ils se demandent si les Etats rembourseront leurs dettes, pas cette année ni l’année prochaine, mais dans dix ou vingt ans. Ils sont prêts à attendre, mais ils veulent des preuves solides que les budgets seront en surplus dans les années qui viennent, lorsque tout ira mieux. Ce sont les gouvernements qui sont coupables de courte vue, eux qui font des déficits chaque année parce que chaque année est spéciale et qu’on verra plus tard pour les surplus.
La seule chance, et elle est maigre, qui reste à la France d’échapper au couperet est de s’engager sur la voie de la vertu budgétaire. L’Allemagne l’a fait il y a deux ans en inscrivant dans sa Constitution non seulement le principe que le budget doit être en équilibre, mais une date butoir (2016) et un mécanisme clair, net et précis pour s’en assurer. De manière à préserver de la souplesse et éviter que la politique budgétaire ne soit contractionniste dans les mauvaises années, le mécanisme allemand comporte un compte qui enregistre les déficits et les surplus. Lorsque le compte est déficitaire, le gouvernement est tenu de combler le trou en quelques années. Plus l’Etat accumule de surplus, plus il a de marge de manoeuvre pour les mauvaises années.
La commission Camdessus, dont j’ai fait partie, a été chargée l’an passé par le président de la République de proposer d’inscrire l’équilibre budgétaire dans la Constitution (la règle d’or). A la quasi-unanimité, elle a rejeté la règle allemande, parce que “nous ne sommes pas des Allemands”, comme si la discipline budgétaire était une affaire de culture nationale.
Politiques et hauts fonctionnaires ont préféré une usine à gaz non contraignante, sans objectif précis, et sans date butoir. Apparemment, même cette règle flasque ne convient pas à la gauche, parce qu’elle veut avoir les mains libres si elle devait arriver au pouvoir en 2012. La droite n’est pas plus vertueuse. Visiblement, députés et sénateurs veulent aussi se garder d’être enfermés dans une règle vertueuse, sans doute parce que la vertu implique d’arrêter de se voter chaque année l’autorisation de distribuer des cadeaux impayés. Les marchés ont bien raison de s’inquiéter.
Charles Wyplosz, professeur d’économie internationale au Graduate Institute de Genève /Article paru dans l’édition du Mondedu 12.08.11
Arrétez !
Cà fait plus de deux ans que nous savons que nous allons être mangés à la sauce grecque .
Le savoir est une chose….agir en est une autre…
même causes même effets
oui mais certainement pas la mème thérapie et puis c’est sans compter sur nos armes de dissuasion….
Les allemands vont concentir aux eurobonds.Mais le prix sera une austérité mortifiante.
Bientôt la grande braderie des services publics français.
Pour le meilleur ou pour le pire ?
Pour le pire je crain, car fait dans la précipitation, et au pire moment !
Je n’ai pas compris ” nos armes de dissuasion “.
La frappe nucléaire ? L’armée n’a plus une tune !
C’est de l’ironie…LOL Ce service public là a bien maigrit lui aussi.
Oui Pat Mail l’invasion sur fond de politique de la canonière c’était le sort réservé aux mauvais payeurs dans le temps…. De nos jours on se contente de leur envoyer le FMI….
Je ne crois pas que les français accepterons le sort des grecs sans broncher…dailleurs compte tenu des sommes en jeux cela ne se fera pas…enfin pas de suite….on va inflater au maximum dans un premier temps et tenter de déflater de manière ciblée par la suite…ensuite il faudra faire le point sur ce qui reste !!! Coté euroobligations les British ont pris un round d’avance la Banque d’Angleterre émet des Livres Sterling pour acheter par des opérations dites d’Open Market des Bons du Trésor britanniques à 10 ans…
Vous avez entièrement raison de souligner qu’une politique procyclique d’austérité sur une économie chancellante est pire que tout…il faut savoir mettre de coté les bonnes années en prévisions des mauvaises…
“Ils détiennent une grosse part de la dette publique de la France, quelque 1 700 milliards d’euros, soit 85 % de notre PIB, et ils sont effrayés de perdre une partie de leurs patrimoines. ”
“Nous avons eu besoin d’eux et nous en aurons encore besoin, quoi que nous fassions.”
Pas du tout, les Banques centrales achetent les dettes, plus besoin du marché. Plus besoin de travailler car nous recevrons des bons de nouritures, d’habillement etc. Le paradis égalitaire. Entre dettes ou capital il faut choisir. Les états ont choisi les dettes, le capital dehors…
Il me semble qu’en parodiant Marx vous vous montrez très hegelien avec cette idée de finitude de l’histoire….avec les crises de crédit ne saurait on pas au contraire dans un éternel recommencement , une histoire sans fin en quelque sorte….