Le parcours d’un investisseur occidental en Asie n’est pas toujours aisé. La prudence s’impose. Notamment face à la corruption.
Le niveau et le poids de la corruption dépend de chaque pays. Une entreprise ne peut pas investir en Asie sans prendre acte du fait que ce problème existe. La corruption peut être «favorisante» comme le «Tea money» considéré en Asie comme «un bonus optionnel pour services rendus» c’est-à-dire un montant raisonnable payé pour accélérer le traitement d’un dossier ou bien «entravante».
La Chine, Thaïlande et le Myanmar qui sont respectivement aux 75e, 80e et 180e rangs de l’index de perception de corruption établi par l’organisation «Transparency International « (par comparaison la Suisse est 8e) sont des pays ou se problème se pose indéniablement. Mais ce classement est aussi trompeur.
PLUS DE CORRUPTION EN SUIVANT :
Bien que la Thaïlande ne se classe pas très bien, il yest possible d’y faire des affaires sans jamais avoir à payer un centime de dessous-de-table. Vous pouvez enregistrer une société, obtenir les autorisations d’exercer, une licence du BOI, obtenir un permis de travail et un visa d’une année sans jamais avoir à débourser un centime a ce titre. Bien sur il y a des cas de corruption en Thaïlande mais le besoin de payer des dessous de table ne se présentera en général que quand un investisseur (local ou étranger car tous sont égaux à ce niveau) veut obtenir un avantage que la loi ne permettrait pas autrement d’obtenir ou pour l’obtention des marchés publiques. Une entreprise qui ne vise pas à obtenir un marché public et qui opère dans le cadre légal pourra investir sans problèmes.
Au contraire dans d’autre pays des payements de dessous-de-table doivent être effectués même pour obtenir des avantages prévus par la loi. Pour illustrer le problème de la corruption «entravante», le cas d’une entreprise spécialisée dans le rachat et la remise a neuve d’usines de fabrication de papiers spéciaux qui a délocalisé sa production de Singapour au Bengladesh pour réduire ses coûts de production. Cette entreprise rachetait des machines d’usines de papier tombées en faillite en Europe qu’elle remettait à neuf et revendait pour créer des usines à moindre coût dans des pays comme le Myanmar, le Cambodge ou le Laos. Après deux ans au Bengladesh cette entreprise est retournée à Singapour car la corruption était telle que ses coûts de production étaient vite devenus plus important au Bengladesh qu’à Singapour.
Finalement le dernier élément à considérer par une PME qui souhaite faire un investissement en Asie est la question de savoir s’il faut faire un investissement à 100% étranger ou une joint-venture avec un partenaire local.
La réponse va dépendre de deux éléments.
Premièrement: est ce que le secteur d’activité concerné est ouvert aux étrangers? En Thaïlande la plupart des secteurs industriels sont ouverts aux étrangers à 100% alors que dans le secteur des services les investissements étrangers sont plus limités et ne peuvent en général être effectués que par des sociétés à 51% contrôlées par des Thaïlandais.
Deuxièmement: les circonstances locales. Par exemple au Myanmar un investisseur avisé prendra un partenaire local même dans les secteurs complètement ouverts aux étrangers (dans ce cas un partenaire local minoritaire) et ceci pour garantir la pérennité de l’investissement. Quand au choix du partenaire, il est préférable au Myanmar d’éviter les joint-ventures avec le gouvernement central ou des proches de membres du gouvernement. En effet les gouvernements peuvent changer comme en a témoigné la chute du général et premier ministre Khin Nyunt le 18 octobre 2004. Bien que les efforts du nouveau gouvernement du Myanmar soient réels, son futur n’est pas encore assuré. Dans ce contexte une PME avisée choisira un partenaire local issue d’une des tribus qui a conclu un accord de paix avec le gouvernement central. En effet, le Myanmar n’est pas un pays uni, mais 135 tribus regroupées dans le cadre d’un pays et quel que soit le gouvernement central en place, les autorités ne pourront jamais se permettre de déplaire aux tribus.
A noter et ceci est vrai quelque soit le pays d’Asie dans lequel vous investissez qu’il est très important de prévoir dès le départ un mécanisme de sortie qui soit facile à mettre en place et juste pour les deux partenaires.
Quand à la Chine, il est tentant pour une petite et moyenne entreprise qui souhaite y réduire les difficultés et les risques d’un investissement de trouver un partenaire local. Attention, surtout si l’atout essentiel de votre entreprise est la propriété intellectuelle. Le risque de se voir pirater ce savoir par le partenaire local (si vous le choisissez mal) est trop grand comme le montre le cas de cette entreprise grecque rapporté par le Chinese Business Council. Une société de production d’huile d’olive grecque avait signé un accord exclusif de distribution de ses produits avec un partenaire chinois. Cependant, la société grecque n’avait pas enregistré sa marque, et le partenaire chinois l’a fait lui-même. Cela fait, le partenaire chinois a commencé à vendre, en plus de l’huile qu’il importait des produits inférieurs sous la marque grecque. L’entreprise grecque, étant donné le peu de chances de succès d’une action en justice, a dû finalement racheter sa propre marque à son partenaire chinois.
La leçon à tirer des mésaventures de cette société grecque est simple mais capitale, si vous n’enregistrez pas votre marque en Chine, vous ne la possédez pas. Les petites entreprises ne sont pas les seules à avoir ce genre de problèmes, ainsi les déboires récents d’Apple qui ne contrôlerait apparemment pas la marque IPad en Chine. En substance une société Taïwanaise, appartenant au même groupe que la société chinoise Proview Technology Shenzhen avait tenté de faire une tablette il y a 10 ans ce qui s’était soldé par un échec. La société taïwanaise avait enregistré les noms Ipad et I-pad en 2000 dans plusieurs pays du monde dont, le Mexique, la Corée du Sud, Singapour, l’Indonésie, la Thaïlande, le Vietnam et l’Europe. La marque en Chine avait été enregistrée par Proview Technology Shenzhen en 2001. En 2006, Proview Technologie Taiwan a revendu la marque iPad à une société anglaise qui l’a revendu à Apple.
La pomme de la discorde étant de savoir si la vente de la marque par la société de Taiwan incluait aussi la marque en Chine. Une cours chinoise a rejeté en Décembre dernier la demande faite par Apple de reconnaître ses droits sur la marque Ipad en Chine. Apple a fait appel de ce jugement. La bataille entre les deux sociétés vient d’escalader après l’annonce faite par la société Proview Technology Shenzhen, le 13 février 2012 qu’elle allait demander aux douanes chinoises de bannir les imports et exports d’IPads qui violent ses droits à la marque Ipad et l’annonce par la presse que des Ipads ont déjà été saisie par les douanes dans la ville de Shijiazhuang (capitale de la province d’Hebei) chez des commerçants de détails. Comme tous les Ipads d’Apple sont fabriqués en Chine cette dispute devra être réglée très vite.
Le problème de la protection de la propriété industrielle n’existe pas seulement avec les marques mais aussi avec les brevets quand bien même ceux-ci sont enregistrés la capacité des entrepreneurs chinois pour la réingénierie étant bien connue.
Alors bien sûr en Chine comme ailleurs il y a des hommes d’affaires intègres qui font d’excellents partenaires encore faut-il bien choisir. Il ne me reste plus qu’à souhaiter que les problèmes discutés et les exemples cités dans cet article, qui ne sont que la pointe immergé de l’iceberg, inciterons les PME souhaitant investir en Asie à plus de prudence. Dans un second article nous discuterons plus en détail les conditions d’investissement en Thailande et en Chine.
RENE-PHILIPPE DUBOUT Avocat spécialiste de l’Asie, auteur de deux livres dont le plus récent est «How to Safely Buy Real Estate in Thailand» et animateur de deux blogs:: www.doingbusinessthailand.com et www.offshorepremium.com.
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