Les législatives grecques, un enjeu pour toute la zone euro
Les législatives grecques qui ont lieu ce dimanche revêtent une importance capitale non seulement pour le pays, mais aussi pour l’avenir de la zone euro. Les résultats, plus que ceux des présidentielles françaises, ont le potentiel d’exacerber la crise économique et sociale et de plonger l’ensemble du continent dans une profonde incertitude.
En récession depuis cinq ans, le pays est littéralement administré par la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). Deux plans de sauvetage, le premier en juillet 2010 pour un montant de 110 milliards d’euros et le second en mars 2012 pour 173 milliards, lui ont permis d’éviter la faillite. En contrepartie, Athènes a accepté trois programmes d’austérité aux coûts sociaux énormes, notamment en termes de pertes d’emplois et de pouvoir d’achat. La population, surtout les classes les plus défavorisées, a payé le prix fort. Les observateurs s’accordent à dire que les élections lui offrent une belle occasion de se venger.
Les “têtes de Turcs” sont tout désignées: le Pasok (socialiste) et la Nouvelle démocratie (conservateur) qui se sont partagé le pouvoir depuis la fin de la junte en 1974. Le clientélisme et la corruption ont conduit le pays à la faillite. L’économie s’est contractée de 14% en trois ans, le taux de chômage a explosé à 22% et la dette s’élève à 160% du produit intérieur brut.
La Grèce verra son PIB chuter de “près de 5%” en 2012, soit plus que les estimations initiales, après un recul de 6,9% en 2011, a prévu la Banque de Grèce dans son rapport annuel sur l’économie du pays.
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Les données de l’année 2011 montrent que la Grèce est parvenue à améliorer son déficit budgétaire primaire (c’est-à-dire hors service de la dette) de 1,2% par rapport à 2010, mais le chemin est encore long avant qu’elle ne parvienne à enregistrer des surplus, ce qui lui permettra de stabiliser sa dette. En deux ans, le déficit public s’est réduit de 6,5% et son budget primaire s’est réduit de 8,2% par rapport au PIB. Reuters indique qu’à la fin de l’année dernière, le déficit budgétaire s’est établi à 9,1% du PIB du pays, contre 10,8% en 2010 et 15,6% en 2009.
Les données du gouvernement concernant le premier trimestre 2012 indiquent que le pays pourrait atteindre son objectif de 6,7% de déficit pour cette année, grâce notamment à la baisse des intérêts qu’il paye sur sa dette, compte tenu des haircuts déjà effectués sur sa dette , c’est-à-dire de l’échange d’obligations qui a eu lieu le mois dernier avec le secteur privé et qui a conduit à un effacement partielle de la dite dette. Avec l’opération baptisée PSI (private sector involvement), la Grèce a effacé environ 105 milliards d’euros de sa dette publique, soit près de la moitié des obligations souveraines grecques qui étaient détenues par des créanciers privés, au premier rang desquels les banques grecques. Elles ont perdu plus de 70% de la valeur comptable des titres qu’elles détenaient et misent dorénavant sur leur recapitalisation pour garder la tête hors de l’eau. Celle-ci, équivalant à une nationalisation vu que l’essentiel des fonds sont d’origine publique, avait été prévue dès le sommet européen d’octobre 2011 et confirmée dans le deuxième plan d’aide accordé à la Grèce à la mi-mars par la zone euro et le FMI.
Le déficit de compte courant s’est réduit de 9,8% l’année dernière, et il devrait encore se réduire de 7% en 2012. Ce déficit témoigne de la baisse de compétitivité des entreprises grecques qui s’explique par des augmentations de salaire pratiquées à un rythme plus rapide que la progression de la productivité.
Le chômage a atteint 21,8% en janvier, ce qui a représenté 1,08 million de personnes, c’est-à-dire 47% de plus qu’au cours du même mois de l’année précédente. Comme en Espagne, plus d’un jeune sur deux est sans emploi. Le salaire minimum a été réduit de 20% pour favoriser les embauches, il est fixé à 580 euros.
Le pays doit procéder à des élections législatives le 6 mai , et selon les sondages, les deux plus gros partis de la coalition au gouvernement pourraient avoir du mal a obtenir la majorité parlementaire. Pour continuer de recevoir l’aide du FMI, le nouveau gouvernement devra pourtant procéder à de nouvelles coupes budgétaires de l’ordre de 5,5% du PIB, soit 11 milliards d’euros pour le budget 2013-2014. Il devra également récupérer 3 milliards d’impôts supplémentaires. Années 2013-2014 qui promettent d’ètre des années “cruciales” comptes des échéances de tous les dangers arrivant sur la dette grecque.
Le chaud et le froid
Le système électoral grec à la proportionnelle favorise l’émiettement des suffrages. De ce fait, ni le Pasok ni le parti conservateur n’obtiendront de majorité claire et ils devront composer avec des partis minoritaires anti-austérité.
Pendant la campagne électorale, les conservateurs ont aussi soufflé le chaud et le froid sur le programme des réformes. Car en Grèce, le parti « Aurore dorée» (Chrysi Avyi), un parti d’extrême droite ultranationaliste, est probablement en passe d’obtenir des sièges au parlement lors des prochaines élections de la semaine prochaine. Le parti recueillerait 5% des intentions de vote (3% sont nécessaires pour faire entrer un parti au parlement grec), selon les sondages, alors qu’il n’avait obtenu que 0,23% lors des dernières élections générales, il y a 3 ans.
Il prône le refus de l’immigration, avec des slogans tels que « Plus de chômeur en Grèce, plus d’immigrés en Grèce » ou encore « La Grèce appartient aux Grecs », un discours qui peut séduire dans un pays qui compte plus d’un million d’immigrés pour une population de 11 millions, et qui a vu passer sur son sol 9 des 10 immigrants clandestins qui sont entrés dans l’UE en 2010. Il propose notamment la mise en place de champ de mines pour interdire le franchissement illégal des frontières terrestres, l’arrestation et l’expulsion des immigrés clandestins, voire de tous les immigrés, et la création d’un régime juridique plus sévère pour les délits commis par des immigrés, prévoyant le travail forcé dans des centres de détention spécifiques.
Sur son drapeau figure le motif grec ancien du méandre, qui n’est pas sans évoquer la svastika, et qui symbolise la bravoure et la lutte. « Aurore Dorée » a pour figure emblématique le dictateur grec Ioannis Metaxas, qui a refusé de laisser la Grèce se soumettre aux forces de l’Axe en 1940. Bien qu’il réfute être un parti néo-nazi, son leader Nikolaos Mihaloliakos a adressé un salut nazi lors d’un conseil tenu à Athènes, et il est adepte des idées de la suprématie aryenne. « Aurore Dorée » est d’ailleurs hostile au plan de sauvetage de la Grèce conçu par le FMI et l’UE, qu’il assimile à une domination allemande de l’Europe. Sa notoriété grandit de plus en plus, grâce notamment à l’organisation de tournées dans les banlieues pauvres d’Athènes durant lesquels des colis de nourriture et de vêtements sont remis aux familles défavorisées.
Quant au Pasok, le Parti Socialiste grec, il n’a jamais fait partie de la gauche» aux yeux des Grecs. « Chez nous, la gauche désigne en réalité l’équivalent de l’extrême gauche», confirme l’analyste politique Georges Sefertzis. «C’est un héritage de la fin de la dictature [1967-1974, ndlr]: après 1974, ce sont les communistes du KKE qui incarnent la gauche. Le fondateur du Parti socialiste, Andreas Papandréou, vient, lui, du centre, rappelle-t-il. Mais il a très vite compris que la junte des colonels avait radicalisé une partie de la société. Lorsqu’il crée son parti après le retour de la démocratie, Papandréou a adapté son discours à la nouvelle donne.» Charismatique et populiste, le fondateur du Pasok «va surtout permettre aux exclus du système précédent de profiter à leur tour de l’Etat. En Grèce, la vraie ligne de partage ne s’est pas située entre gauche et droite, mais entre privilégiés et non-privilégiés», ajoute Georges Sefertzis. Pour la première fois depuis sa création, le Pasok n’est plus dirigé par la dynastie de son fondateur. «Georges était trop sage, trop discret. Nous avons besoin d’un homme à poigne comme Venizélos», note Maria, une bibliothécaire à la retraite qui ne peut oublier que le Pasok lui a permis de «relever la tête après la dictature et a amélioré l’existence de nombreux Grecs». «Le Pasok est fini», tranche Georges Sefertzis, qui prédit «l’effondrement du système politique actuel».
Cette période de turbulences va changer le paysage politique grec. Qui va survivre? Difficile à prévoir. C’est comme pour la sélection naturelle: on ne sait pas pourquoi les dinosaures ont disparu et pas les requins. Reste à espérer que les nouveaux venus se montreront moins prédateurs que les espèces en voie de disparition.
Synthèse réalisée par THE WOLF Le 6 mai 2012
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“Reste à espérer que les nouveaux venus se montreront moins prédateurs que les espèces en voie de disparition.”… effectivement !!!