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Géopolitique : Nouveaux Remous en mer de Chine

Géopolitique : Nouveaux Remous en mer de Chine

Bras de fer entre Pékin et Tokyo autour des îles de mer de Chine orientale Un petit archipel en mer de Chine orientale enflamme les passions nationalistes. Le Japon se méfie de la montée en puissance de son grand voisin asiatique

Infographie. Carte de la mer de Chine orientale avec situtation des îles Senkaku

Huit rochers déserts au large des côtes taïwanaises, 7 km² de surface en tout: le petit archipel, appelé Senkaku à Tokyo et Diaoyu à Pékin, est au cœur d’une dispute territoriale entre le Japon et ses voisins asiatiques qui déchaîne les passions nationalistes. De nouvelles manifestations anti-japonaises ont fait irruption dans plusieurs villes chinoises le week-end dernier, sous l’œil tolérant de Pékin. Elles répondaient à une série de provocations de part et d’autre de la mer de Chine orientale.

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En avril dernier, le très populiste gouverneur de Tokyo, Shiantaro Ishihara, ouvre la boîte de Pandore en annonçant son intention de racheter ces îles à leur propriétaire, pour mieux les protéger des velléités souverainistes chinoises. L’archipel de Senkaku, aux mains d’une famille japonaise, est administré par Tokyo, mais revendiqué par la Chine et Taïwan. Pris au dépourvu, le gouvernement japonais se voit contraint de réagir en déclarant que c’est à lui de les racheter. C’est le début de la bataille des symboles. Le 15 août dernier, jour anniversaire de la capitulation du Japon en 1945, des militants chinois venus de Hong­kong débarquent sur l’archipel. Arrêtés, ils sont expulsés par ­Tokyo et rentrent en Chine en héros.

Quatre jours plus tard, c’est au tour des nationalistes japonais d’accoster pour hisser le drapeau nippon sur le rocher central. La presse chinoise s’enflamme. Le China Daily dénonce un «affront à la souveraineté de la Chine», tandis que le Global Time, connu pour ses prises de position patriotiques, agite la menace: «La réticence à recourir à des moyens militaires ne signifie pas que la Chine a peur d’aller en guerre.» «Ce minuscule archipel possède un intérêt économique et stratégique non négligeable», relève Claude Meyer *, professeur à Sciences Po, à Paris. Les eaux autour des îles Senkaku sont riches en poissons et pourraient receler des gisements de gaz et de pétrole. Surtout, le pays qui parviendrait à contrôler ces îles étendrait sa souveraineté sur un territoire de 200 milles marins au large de ses côtes et s’assurerait le contrôle d’importantes artères maritimes. «Ce qui se joue dans ce conflit, c’est la place des puissances dominantes en Asie», ajoute Claude Meyer.

Outre les tensions autour des îles Senkaku, le Japon a connu récemment des remous dans ses relations avec la Corée du Sud, après la visite du président sud-coréen, Lee Myung-bak, sur l’îlot controversé de Dokdo, contrôlé par la Corée du Sud, mais réclamé par Tokyo sous le nom de Takeshima . Les crispations sont telles que le Japon envisage de remplacer simultanément ses ambassadeurs en Chine, en Corée du Sud et aux Etats-Unis.

Ce changement de personnel pourrait augurer de prises de position plus fermes à l’avenir sur les questions territoriales de la part de Tokyo, qui aurait besoin pour faire entendre sa voix du soutien des Etats-Unis, l’autre grande puissance dans la région, estime Claude Meyer. Le Japon redessine peu à peu les lignes de sa stratégie de défense, et c’est la Chine qui, aujourd’hui, semble représenter sa principale source d’inquiétude, alors même que les liens économiques entre les deux puissances ne cessent de se resserrer.

Le Parti démocrate japonais (PDJ) au pouvoir est pris entre deux feux. Souffrant d’une popularité en berne, soucieux de ménager une frange nationaliste qui estime que le Japon doit retrouver sa puissance d’antan, «il a fait de la stratégie de provocation un moteur de sa légitimité», explique Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique en France. Quitte à affronter une Chine de plus en plus puissante militairement; et déterminée à faire de la mer l’un de ses intérêts vitaux.

L’anxiété japonaise est exacerbée par les velléités chinoises, ajoute la chercheuse, non seulement au large de ses côtes, mais aussi en mer de Chine méridionale, où Pékin convoite des îles également revendiquées par le Vietnam, les Philippines, Brunei et la Malaisie. Affirmant sa souveraineté au nom de «droits historiques», elle rejette toute forme multilatérale de règlement des conflits, qui pourrait impliquer la médiation de Washington. Mais, ce faisant, «la Chine a réussi à fédérer l’ensemble de ses voisins autour des Etats-Unis», estime Valérie Niquet. Le Japon en particulier.

A son arrivée au pouvoir en 2009, le PDJ prônait le rapprochement diplomatique avec la Chine, son principal partenaire commercial, et un rééquilibrage de ses relations avec Washington. «Pékin n’a pas répondu à l’appel de Tokyo, analyse Valérie Niquet. La Chine, qui souhaite un pôle asiatique sino-centré dont les Etats-Unis seraient exclus, voulait que le Japon se distancie de son allié américain.» Or aujourd’hui, alors que les Etats-Unis renforcent leur présence militaire en Asie-Pacifique, à Tokyo, l’heure est à la consolidation des liens avec Washington. Lors d’une rencontre en mai dernier, le premier ministre Yoshihiko Noda et le président Barack Obama ont réafirmé leur volonté de coopération, qu’ils qualifient de «pierre angulaire de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans la région Asie-Pacifique». D’ailleurs, en cas d’incident autour des îles Senkaku, les Etats-Unis se verraient obligés d’intervenir si Tokyo en faisait la demande, en vertu du pacte de sécurité militaire qui les lient au Japon.

* «Chine ou Japon: quel leader pour l’Asie?», Les Presses de Sciences Po.

Par Céline Zünd/Le Temps aout12

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